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Sur Whatsapp, Tout Le Monde Est Heureux

Les nouveaux médias ont profondément bouleversé les bonnes vieilles méthodes de la communication. Il y a juste quelques décennies, journaux, radios et télévisions étaient quasiment les seuls canaux pour accéder à l’information. Avec le développement fulgurant d’Internet, les réseaux sociaux nous informent à la minute sur tous les événements de la planète. Des applications comme Facebook, WhatsApp, Twitter ou Youtube regroupent des communautés d’utilisateurs qui s’échangent des millions de vidéos, photos et textes. Selon les chiffres les plus récents, sur les 7 milliards d’habitants de la terre, plus de 4 milliards utilisent Internet. Et la grande majorité de ces accros de la Toile surfe sur les réseaux sociaux : Facebook totalise plus de 2,2 milliards d’utilisateurs par mois, suivi de Youtube avec 1,9 milliard, WhatsApp qui en revendique 1,5 milliard, Messenger 1,3 milliard et le chinois WeChat un peu plus de 1 milliard. Ce quatuor dépasse de loin Twitter qui ne « récolte » que 335 millions d’utilisateurs. Ces nouveaux médias brassent des sommes faramineuses qui dépassent le budget de certains Etats. Chez Facebook, où cinq nouveaux profils sont créés chaque seconde, les chiffres donnent le vertige : l’entreprise pèse 487 milliards de dollars et a réalisé un chiffre d’affaires de 55 milliards de dollars en 2018. Son patron, Mark Zuckerberg, à peine âgé de 35 ans, a une fortune personnelle estimée à près de 67 milliards de dollars ! Une richesse bâtie grâce aux clics, visites et publications que vous et moi faisons quotidiennement sur son application et qui génèrent des sommes colossales via les revenus publicitaires.

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Hormis leurs enjeux financiers, les réseaux sociaux sont une formidable plateforme d’échanges. Au Sénégal, l’application WhatsApp est devenue incontournable, une drogue pour bon nombre de ses utilisateurs qui en sont carrément accros. On y poste des vidéos, des messages sonores ou de simples textes. A coup de « statuts » et de commentaires, on y raconte sa vie, parfois dans les moindres détails. Certains y exposent les moments passés avec leurs proches, y étalent leur bonheur ou leur illusion du bonheur. Un bonheur virtuel, fugace et très souvent en trompe-l’œil qui illustre parfaitement la mentalité de bon nombre de Sénégalais, maîtres dans l’art du m’as-tu-vu et du faux-semblant.

Les réseaux sociaux en général, WhatsApp en particulier, sont devenus le carrefour de nos joies (réelles ou feintes), de nos déboires, de nos querelles futiles, de nos actes mesquins, de nos rêves et désirs. Un véritable fourre-tout où l’on retrouve divers profils. Et le profil le plus commun est celui du narcis sique qui passe sa journée à poster ses propres photos, sous toutes les coutures, pour montrer qu’il est heureux. Et gare aux contacts et « amis » qui oseraient consulter ces belles images… d’Epinal sans laisser au passage un commentaire élogieux. Ils seraient taxés de jaloux, d’aigris qui ne supportent pas le bonheur des autres, même si ce bonheur est souvent très loin de la réalité quotidienne faite de frustrations et de désillusions.

Les narcissiques de WhatsApp aiment s’inventer un monde virtuel dans lequel ils se meuvent pour montrer aux autres qu’ils vivent dans un conte de fée. Leurs journées simples et ennuyeuses sont transformées en une bamboula quotidienne avec son lot de sourires forcés. Des comportements décalés qui tranchent avec la réalité et ne sont que des ersatz d’une vie, tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Mais, les narcissiques n’en ont cure du moment que cette fausse représentation de leur bonheur induit un effet placebo chez eux et, surtout, au niveau de leurs contacts. Ils en mettent plein la vue à tous ces voyeurs et névrosés du Net qui n’ont rien d’autre à faire de leur journée. Tout cela nourrit des fantasmes et toute une panoplie de faux-semblants dont l’un des objectifs, parfois inavoués, est de régler des comptes à coup de statuts ravageurs et de sous-entendus assassins. Le comportement, à la limite compulsif, des narcissiques de WhatsApp est pathétique et devrait être examiné de plus près par les psychiatres.

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Dans une étude publiée par le département de Psychologie de l’Université de Stanford, aux EtatsUnis, des chercheurs ont observé le comportement de certaines personnes sur Facebook. Ils ont remarqué que ces dernières étaient plongées dans la mélancolie après avoir consulté les photos de rêve postées par leurs contacts, croyant dur comme fer qu’ils « avaient une vie parfaite », contrairement à eux qui menaient une existence ennuyeuse. Tout cela renvoie à la fameuse phrase de Montesquieu dans ses Pensées : « Si on ne voulait qu’être heureux, cela serait bientôt fait. Mais on veut être plus heureux que les autres, et cela est presque toujours difficile parce que nous croyons les autres plus heureux qu’ils ne sont ».

Comme l’explique également si bien le Belge Xavier Vanwelde, enseignant en Economie, on est en plein dans un « monde virtuel addictif » qui fait l’apologie de l’individualisme et de l’égocentrisme. Un univers « où on se regarde le nombril » en comparant sa popularité virtuelle à celle de son réseau et où on « passe plus de temps derrière son écran qu’auprès de ses proches ».

L’essayiste français Gaspard Koenig, lui, est plus radical, car il demande aux utilisateurs de quitter massivement les réseaux sociaux. Lui-même a donné l’exemple en se retirant de WhatsApp, Twitter et en n’utilisant plus Google vu que ces outils, explique-t-il, poussent l’utilisateur « à voir le monde à travers le prisme de son petit univers (et) on finit par penser de manière unidimensionnelle ». Il rejoint Xavier Vanwelde qui estime que la vie, la vraie, ne démarre que lorsqu’on éteint l’écran de son ordinateur ou de son téléphone portable.

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