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Pourquoi Toujours Gaston Berger Et Jamais Charles N’tchorere

Pourquoi Toujours Gaston Berger Et Jamais Charles N’tchorere

Charles N’Tchoréré est le nom de baptême du Prytanée militaire de Saint-Louis (Pms). Etablissement d’excellence comme sa voisine l’Université Gaston Berger (Ugb) en ses premières années, mais à laquelle il se distingue nettement quant à la conduite de ses pensionnaires. En effet, les derniers événements survenus dans cette dernière, avec, encore une fois, des actes de violence et de vandalisme perpétrés par des étudiants sur les installations, les équipements et contre le personnel enseignant et administratif. Les limites de l’imaginable ont été franchies avec le déversement d’eaux usées de fosses septiques dans le bureau du recteur après sa mise à sac. Une semaine, jour pour jour après la fête de l’indépendance qui avait pour thème « Les forces de défense et de sécurité, exemple dans l’éducation à la citoyenneté et à l’unité nationale », ces actes nous ramènent à la dure réalité des tares de notre société, pire encore, pourraient présager un sombre avenir pour elle dès lors que les auteurs sont ceux que la nation voyait préparer pour présider plus tard, à son destin. Un diagnostic sans complaisance devra être fait de ces événements pour aller au-delà des simples slogans appelant au civisme, en les traduisant par des mesures appropriées et effectives.

Dans la conférence que nous avions introduite en prélude à la fête nationale du 4 Avril, sur le thème de cette année que nous venons de rappeler, la réflexion est partie de l’observation des événements tragiques au Mali avec des tueries entre populations qui ont pourtant cohabité pendant des siècles, se sont brassées et ont donné des descendances métissées. C’est une nouvelle preuve de ce que nos nations recomposées dans les frontières héritées du colonialisme, sont encore fragiles et que les actes posés par les étudiants de l’Ugb sont les prémices de dérèglement social pouvant déboucher sur des crises aux conséquences imprévisibles. La récurrence des manifestations de rue pour les moindres revendications, et la montée constante en degré, des violences en particulier dans les campus universitaires, doivent amener les autorités étatiques à prendre des mesures à la dimension du danger qui plane sur l’avenir de notre pays. Les dernières « mesures d’apaisement », telles que la valorisation des bourses, la baisse du coût du ticket-restaurant, l’augmentation des capacités d’accueil des campus, l’amélioration du cadre infrastructurel des universités, jusqu’au « limogeage » du recteur de l’Ugb, n’ont pas entrainé l’infléchissement de la tendance. Nombre de Sénégalais et particulièrement les acteurs et partenaires de l’éducation, ont fini de faire le constat que ni ces mesures sociales hautement appréciables ni les médiations précédentes n’ont changé quoi que ce soit à la situation dans nos universités et particulièrement à l’Ugb. Je n’ai aucun doute sur la bonne volonté ni les talents de négociatrice de Madame Innocente Ntap Ndiaye, mais je ne crois pas que cette énième médiation peut mettre un terme définitif au cycle de violence dans cet établissement, surtout si elle doit empêcher la prise de mesures disciplinaires et judiciaires contre les auteurs de ces actes inqualifiables.

On serait emporté par un sentiment de désespoir pour notre jeunesse estudiantine, s’il n’y avait pas, à quelques encablures de l’Ugb, une toute autre réalité, chez les cadets lycéens du Prytanée militaire Charles N’Tchoréré de la même ville où un tel scénario n’est envisageable que dans un film d’horreur ou de fiction. Cela peut paraitre paradoxal que des enfants (de troupe) fassent preuve, à bien des égards, d’un comportement exemplaire et qu’à côté, des adolescents foulent au pied tous les principes de respects à l’endroit des « maîtres » et du bien public. L’explication est qu’au Pms Charles N’Tchoréré, l’enseignement est basé, comme dans toutes les écoles des forces de défense et de sécurité, sur l’éducation à nos valeurs nationales tirées de l’initiation des bois sacrés ou « case de l’homme » (Neegu goor des Wolofs, Bukutt des Diolas, Kee wuloo des Mandingues, etc.) qui font de l’adolescent, un homme mature, un citoyen accompli pour une nation forte. Telle est la voie. En effet, tout à l’opposé de la situation délétère à l’Ugb, au Prytanée militaire règne une vie réglée comme une horloge. L’élève nouvellement arrivé en 6ème est initié, à l’exemple de toutes les écoles militaires et paramilitaires, dans un rituel propre à chaque établissement mais avec les mêmes objectifs pédagogiques : l’acquisition des valeurs de discipline, d’humilité, de solidarité et de confiance mutuelle.

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C’est de cette école que sont sortis de grands cadres qui n’ont pas tous épousé une carrière militaire et qui font aujourd’hui la fierté du Sénégal et de nombreux pays africains, entre autres, le Président Aly Saibou du Niger, les ministres Cheikh Tidiane Gadio, Serigne Mbaye Thiam, Mouhamadou Mactar Cissé, sans parler des Généraux-Président Robert Gueî de Côte d’Ivoire, Seyni Kountché du Niger, Lansana Konté de la Guinée-Conakry. Le thème de la fête de l’indépendance de cette année trouve ici toute sa pertinence. Celle d’adopter le mode de formation dans les forces de défense et de sécurité tel que conduit au Pms, pour « formater » un nouveau type d’étudiant à l’image des enfants de troupe dont les qualités ont été forgées autour d’une idée forte : l’esprit d’école. Il est une transposition dans les écoles militaires et paramilitaires du concept d’« esprit de corps » dans les forces de défense et de sécurité. On entend par « esprit de corps » comme « esprit d’école », « un attachement à un groupe trop vaste pour que tout le monde se connaisse personnellement, mais où les membres sont liés par des normes de comportement communes » ou encore, comme « un fort sentiment d’unité et de solidarité liant les membres d’un même groupe ».

La notion de patriotisme, parce que d’ordre purement sentimental, ne suffit pas à le traduire, il faudra y ajouter le comportement et l’action socialement positifs parce que producteurs de développement dans tous les domaines de la vie en communauté. La prière traditionnelle de l’Enfant de troupe, véritable hymne, se termine par « Mais mon Dieu, donnez-moi foi, force, courage afin que je puisse m’instruire pour mieux servir. Oh ! Mon Dieu, faites qu’au prix de dures épreuves, au sortir de ce prestigieux moule qu’est le Prytanée Militaire, l’enfant de troupe de tout horizon soit prêt à servir sa patrie dans l’efficacité, l’honneur et la discipline ». Ces mots reflètent tout un programme de vie scolaire normée pour un avenir citoyen réussi. Les curricula des études au Pms s’articulent autour de la culture de la cohésion et de la solidarité ainsi que du développement de l’esprit patriotique, valeurs qu’on retrouve toujours dans les « Daaras » et qui doit inspirer nos universités et autres établissements publics d’enseignement supérieur

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1-La culture de la cohésion et de la solidarité

est la toile de fond des cours, discours, exercices, bref, de toutes les activités de l’élève. Il s’agit d’inculquer à chacun, un savoir tout court, un savoir-être et un savoir-faire aboutissant à des actions communes harmonisées en mettant l’accent sur : – la discipline : il y’a un règlement intérieur du Prytanée, cadre organisationnel hiérarchisé et inclusif, où le statut et le rôle de chacun sont définis et constamment évalués et sanctionnés positivement ou négativement ; – la vie en collectivité qui renforce la connaissance mutuelle et les liens de solidarité ; – le travail et les activités en commun qui créent l’interdépendance et la confiance en l’autre.

2-Le développement de l’esprit patriotique

Il est sous-jacent à toutes les composantes des curricula et des activités connexes des enfants de troupe. Comme composante de l’esprit de corps et de la citoyenneté, le patriotisme est l’attachement à un pays qu’on a choisi comme étant le sien, et, à travers ses symboles, on s’identifie. L’esprit patriotique repose donc sur une identité forte autour de laquelle s’expriment les spécificités du groupe social et de la nation prise globalement. D’une manière générale, l’identité, selon Joseph Ernest Renan, repose sur un ensemble de données culturelles : – des valeurs et idéaux communs : attachement aux traditions de l’Ecole et de la nation ; – des règles de comportement communes qui constituent la base éthique et déontologique (règlement intérieur, uniforme, règles d’accès aux locaux communs) ; – une histoire partagée : les références historiques, les armoiries, fêtes patronales ; – des attributs distinctifs et symboliques : drapeaux et étendards, devises, uniformes, insignes ; – un cérémonial commun : levée des couleurs, prises d’armes, cérémonies diverses, fêtes traditionnelles.

3- La culture de l’excellence

Elle consiste à installer les conditions d’une saine émulation qui pousse chaque élève au dépassement de soi, du travail individuel, et en cercles concentriques, jusqu’au niveau de l’établissement par rapport à l’extérieur. Ce n’est pas un hasard que le Pms se distingue toujours dans les concours généraux, défilés et très souvent dans les rencontres sportives. L’Ugb, conçue aux mêmes fins, est malheureusement gangrénée par une sorte d’activisme militant qui éloigne ses étudiants de l’essentiel de leur séjour dans ce « temple du savoir » par des grèves et autres mouvements épidermiques grevant sérieusement le quantum horaire jusqu’à l’invalidation d’année d’étude.

Dans un essai intitulé « La problématique de la citoyenneté au Sénégal », Mandiaye Gaye, écrivain-penseur, estime que le plus grand danger qui menace la vie de la Nation sénégalaise réside dans l’impatience et l’impréparation de la jeunesse. Impatience dans la réalisation des desseins qu’elle entrevoit et impréparée parce que pas ou insuffisamment formée. L’impatience par rapport essentiellement à l’action de l’Etat n’est concevable que quand le citoyen assure la plénitude de ses devoirs et assume ses véritables responsabilités.

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En renouant avec la violence et les actes de vandalisme pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme étant de la lenteur anormale de la justice dans le traitement des événements pendant lesquels l’étudiant Fallou Sène a trouvé la mort, les étudiants de l’Ugb, qui comptent pourtant des apprenants juristes, oublient leurs propres responsabilités dans les faits qui sont constitutifs de délits et même de crime si le procureur de la République prend en considération les incendies volontaires des locaux perpétrés alors. Une lecture des dispositions de la loi 70-37 du 13 octobre 1970, relative à l’usage des armes et l’emploi de matériel spécial de barrage par les militaires de la gendarmerie et des membres de forces de police, permet de se convaincre que la procédure judiciaire ne concerne pas uniquement les membres des forces de l’ordre mais bien des étudiants.

La justice demeure la même pour tous. Mon souhait, pour conclure, est que le lecteur ne trouve pas dans ce texte un plaidoyer pour la militarisation des universités et établissements publics d’enseignement supérieur, mais plutôt une contribution à la réflexion sur le thème de la fête de l’indépendance du 4 Avril de cette année, présentant les forces de défense et de sécurité comme modèle dans l’éducation à la citoyenneté et à l’unité nationale. Le Prytanée militaire étant une pépinière de ce modèle et qui de surcroit, est situé dans le même espace géographique que l’Ugb, théâtre d’actes les plus négatifs de la citoyenneté, m’a paru bien approprié pour démontrer la pertinence du thème en donnant à la jeunesse en général et aux étudiants en particulier un exemple d’éducation qui fera des prochaines générations une nation forte, solidement ancrée dans ses propres valeurs et réceptive aux « apports féconds du monde moderne », pour reprendre la formule du Président-poète Léopold Sédar Senghor. Plus concrètement, on peut envisager de rendre obligatoire le service civique national pour tous les jeunes entre 16 et 20 ans.

Pour les élèves du secondaire, instaurer deux périodes d’initiation au service militaire en casernes des armées, écoles de police, de gendarmerie ou tout autre lieu approprié, d’une durée de deux mois chacune et pendant les vacances suivant les examens du Bfem et du Baccalauréat, sanctionnées comme au Prytanée, par les diplômes de Préparation militaire élémentaire (Pme) pour les élèves de 3ème et de Préparation militaire supérieure (Pms) pour ceux de terminal. Les élèves inaptes à ce service militaire minima, pourraient être astreints au service civique national. Le Président Abdoulaye Wade ne disait-il pas : « dites-moi quelle jeunesse vous avez, je vous dirai quel peuple vous aurez » ?

Le Colonel (CR) Sankoun FATY

Juriste-Consultant

Société civile de Sédhiou

Groupe de réflexion et d’étude stratégique (Geres)

Email : sdfaty@gmail.com







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