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Les RetraitÉs SÉnÉgalais… Des DÉcÉdÉs Économiques !

Mademba Sock, syndicaliste de son état et fin connaisseur du milieu du travail, n’a pas hésité à convoquer ces deux mots terribles « Décédés économiques » pour qualifier les retraités sénégalais. Il ne savait pas si bien dire ce chevronné syndicaliste qui a le sens de la formule-choc (Nouvel Horizon N°402 du 24 décembre 2003).

C’est vrai que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis cette prise de parole publique sur la situation désastreuse des retraités. Pour rappel, les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall ont fait des efforts allant dans le sens de l’amélioration des conditions de vie des retraités. Mais ce qui est curieux avec la gouvernance Wade, c’est qu’il a complètement désarticulé la fonction publique. Senghor, en bon socialiste africain, veillait à ce qu’il n’y ait pas une trop grande différence entre les salariés.

Ce bel héritage laissé par Senghor et que Diouf s’est gardé de changer, a été totalement chamboulé par Wade qui, au gré de ses intérêts politiciens, distribuait des faveurs en termes de traitement salarial aux corps et corporations qui pouvaient servir ses desseins politiques. Mais bon, c’est là une autre histoire : focalisons-nous sur la question qui nous occupe présentement, la retraite. Celle-ci, sous tous les cieux, reste une préoccupation pour le travailleur qui n’aspire pour ses vieux jours qu’à mener une existence tranquille et épanouie. C’est peut-être là le motif qui a décidé l’autorité politique au Sénégal à mettre en place le plan Sésame. Une belle initiative mais qui, à l’épreuve de la pratique, laisse apparaitre nombre de lacunes.

Un cadre de l’Hôpital général de Grand Yoff me disait au téléphone que cet établissement, qui croule sous le poids de difficultés énormes, refuse de prendre certaines personnes éligibles au plan Sésame. Or le retraité, compte tenu de sa fragilité économique, sociale et même physique, résiste difficilement aux multiples maladies qui frappent les personnes âgées. Dans des pays comme les nôtres où pressions et charges sociales se liguent pour rendre la vie du travailleur infernal et à la limite même invivable, rares sont les travailleurs en activité qui ne se plaignent pas de la modicité des salaires qui leur sont versés.

La preuve par les multiples grèves, mouvements d’humeur et autres protestations observés dans tous les secteurs d’activités. Quand ceux-là qui bénéficient de revenus réguliers et autres indemnités se plaignent et versent dans les récriminations permanentes, on peut supposer alors à juste raison que la situation des retraités ne doit pas être des meilleures, eux qui ont connu une baisse drastique de leurs revenus. La faiblesse de la pension, ajoutée au fait que les charges qui pèsent sur le retraité ne diminuent pas, tout cela rend la vie du retraité intenable.

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Et ce mot d’un retraité lu dans le magazine « Nouvel Horizon » précédemment cité, en dit long sur le calvaire des retraités : « …Il n’est que d’observer l’évolution physique d’un retraité, deux ans seulement après son départ à la retraite, pour s’en convaincre ». Et de souligner même que ce sont les pires difficultés da ns lesquelles se trouve subitement empêtré le nouveau retraité, sans y avoir été préparé, qui font le lit de plusieurs maladies. » Au fait, les retraités souffrent ! Ils souffrent le martyre avec des pensions dérisoires, loin de couvrir leurs nombreuses charges.

 Selon Kaba Koné, résidant à Pikine Wakhinane, ex-employé de la défunte SIV (Société industrielle du Vêtement), le président Macky Sall a fait des efforts : « Avant, il était loisible de voir des personnes percevoir des sommes modiques tournant autour de 3000, 7000 à 10.000 FCFA. Maintenant avec la mensualisation, des retraités comme moi qui recevaient des miettes se retrouvent avec 35 000 fcfa ». Cette somme rapportée au coût de la vie et à l’inflation galopante ne représente pas grand-chose. Quant à El Hadj Birika Thiono (BT) — un nom d’emprunt bien sûr —, habitant la grande banlieue pikinoise, polygame avec une nombreuse progéniture, il vit des moments de tension sociale extrême. Cette tension déteint négativement sur sa santé.

Trêve de commentaires, laissons BT déverser sur la place publique le trop plein de souffrance et de frustration qu’il porte en lui-même : « Avec une pension de 120. 000 fcfa par mois, j’arrive difficilement à m’en sortir. La banque me coupe 40.000 fcfa pour un prêt qui a servi à l’achèvement de la construction de ma maison. Avec ce qui reste de ma pension, je suis obligé de recourir à toutes sortes d’expédients. Comme les emprunts ! La mendicité déguisée !

 Cela dit, ma situation serait moins compliquée si tous mes grands enfants avaient trouvé un emploi stable. Le seul qui travaille me remet à la fin de chaque mois 30.000 fcfa. Grosso modo, je me retrouve chaque mois avec 90.000 francs. Cette somme, vous en conviendrez avec moi, ne peut nullement couvrir mes factures d’électricité et d’eau, la nourriture, la dépense quotidienne, les autres frais et imprévus.

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Et pour mes traitements — je suis diabétique avec des problèmes prostatiques aigus — je suis dans l’impossibilité de suivre les prescriptions du médecin concernant le respect scrupuleux du régime alimentaire pour diabétiques. » Ce récit fait par BT qu’on peut pourtant considérer comme … un privilégié, est révélateur des drames que beaucoup de retraités vivent. Cette situation qu’il décrit et qui est le lot de l’immense majorité des retraités, n’est pas sans lien avec la violence qui prévaut dans les familles et qui font régulièrement la Une des journaux. Quand les difficultés d’ordre matériel sont à leur comble, la conscience s’obscurcit et là, bonjour les dégâts.

Le niveau de violence inouï, observable à tous les niveaux de la société, pourrait trouver son explication dans cette souffrance morale et psychologique née de l’absence de toute perspective de sortie de crise pour beaucoup de Sénégalais. Et ne l’oublions jamais : la violence est un exutoire au trop plein de frustration et d’amertume qui meuble les cœurs et les esprits. Y a trop d’injustice dans ce pays-là ! Comme on le voit, beaucoup de retraités sont au bord du gouffre. Jusqu’à quand ?

 En attendant, intéressons-nous aux textes et autres qui régissent la retraite dans notre pays. « Au Sénégal, l’assurance obligatoire en matière de vieillesse est gérée par deux institutions : l’Institution de prévoyance retraite au Sénégal (IPRES) pour le privé et, pour le public, le Fonds National de Retraites (FNR)…Pour pouvoir obtenir une pension de retraite, il faut être âgé d’au moins 55 ou 60 ans, avoir cessé toute activité salariée et comptabiliser au moins 400 points de retraite ». Source : Comparaison de la situation dans 7 capitales africaines…Philippe ANTOINE (Equipe Jérémi, IRD Dial : « Le travail après la retraite ? ») Après ce petit éclairage, il serait bon d’indiquer quelques pistes à même d’aider les futurs retraités à bien se préparer à affronter la nouvelle vie qui les attend. Car la retraite est un grand changement dans la vie. De fait, on devrait s’y préparer comme on se prépare au mariage : « Une autorité en la matière a dit : “Il faudrait s’y préparer affectivement, financièrement et même physiquement (…).

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Si l’on s’est bien organisé avant la retraite, on évitera nombre de difficultés.” Une institution financière bien connue, la Banque royale du Canada, conseille de commencer à s’informer concernant la retraite dès l’âge de quarante ans. Une encyclopédie (Encyclopædia of Occupational Health and Safety), publiée par l’Organisation internationale du travail, déclare qu’il faudrait y penser au moins cinq ans à l’avance. Et, d’après une publication australienne sur le travail, on se prépare une heureuse vieillesse en adoptant, dès l’adolescence, un régime équilibré. L’exercice est aussi important, sinon plus, qu’un bon régime.

C’est pourquoi le président de la commission sur le vieillissement, de l’Association médicale américaine, a soutenu ce qui suit : “L’oisiveté peut tuer. (…) Quand vous prenez votre retraite, vous quittez votre travail et vous restez chez vous. Et là commence le problème.” Ceux qui demeurent actifs après soixante-cinq ans vivent plus longtemps : telle est la conclusion à laquelle est arrivé un chercheur, le Dr R. Hamblin, qui a mené une étude sur le sujet pour l’Administration des anciens combattants des États-Unis. Oui, le retraité doit continuer à s’activer s’il veut vivre longtemps. La mise à la retraite s’accompagne généralement de difficultés financières.

La baisse drastique des revenus peut être un facteur de perturbation chez la vie d’un individu habitué à un certain standing de vie. Et l’assaut conjugué des soucis de santé, de manque d’argent, d’érosion de son autorité, de l’ennui, de l’angoisse, peut générer sur la longue durée des maladies d’une extrême gravité. Alors, bougez ! Bougez encore et toujours : que la retraite ne soit jamais un prétexte pour mettre sa vie au garage en investissant les grands places et autres endroits similaires qui finissent par abêtir l’homme. Et dangereusement ! Cela dit, l’Etat doit veiller à répercuter les augmentations qu’il consent à ses agents en activité à ses retraités. Une sorte de péréquation qui permettrait d’indexer les revenus des retraités sur le coût de la vie, soumis à une inflation constante. Les retraités peuvent aussi apporter beaucoup, compte tenu de leur expérience, aux mouvements associatifs.

Madi Waké TOURE

Email : tmadi70@yahoo.fr







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