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Habib Faye, Une IdÉe De La Musique

1er mars 2018. Dernier concert à Dakar, au théâtre de verdure de l’Institut français. Quelques minutes avant le début du spectacle, je retrouve Habib Faye – décédé le 25 avril 2018, à Paris – dans les loges. S’engage alors entre lui et moi une conversation dont les mots sont restés les éléments d’une symphonie inachevée.

— Lui : Hé, Boubacar, nangadef ? Ça me fait plaisir de te voir ici. Je sais que c’est normal, mais ça fait plaisir.

— Moi : Je tenais à venir vous saluer, toi et Ablaye Cissoko, avant le début de votre concert. C’est un projet que je suis depuis le début et il était important que je vienne voir ce que ça donne.

— Lui : oui, c’est vrai.

Et puis un selfie ! Je prends congé en lui promettant de revenir à la fin pour poursuivre l’échange. Chose que je n’ai pu faire parce qu’Habib et Ablaye étaient occupés à dédicacer l’EP Teranga qu’ils étaient venus présenter à ce que le premier avait qualifié de showcase.

Lorsque mon amie Maimouna Dembélé m’a rapporté, vendredi dernier, les cris du fils d’Habib Faye, Serigne Saliou, disant « Papa est là ! Papa est là ! », à la vue du bassiste camerounais Christian Obame assis et jouant à la même place que Habib Faye avait occupée le 1er mars 2018, j’ai été conforté dans l’idée que tout de ce musicien de génie était encore là : l’image de l’instrumentiste concentré sur son jouet qu’il domptait avec une telle maîtrise ; son esprit, qui lui assure une présence ; la résonance des rythmes, compositions et mélodies qu’il nous a laissés au long de sa très riche carrière.

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« Tout est posé là-bas », pour reprendre l’ami Mohamed Sow, mélomane pointu dont le soin mis à évoquer de l’immense contribution de Habib Faye à la musique de notre pays installe davantage celui-ci dans le coeur de ceux qui, comme lui, l’ont apprécié à sa juste valeur de son vivant, tout en le faisant découvrir aux autres qui étaient vraiment passés à côté de quelque chose.

Comme tous les génies, Habib Faye, en avance sur son époque, a donné tellement de choses qu’il y a cette impression – évidemment fausse – qu’il avait tout fait. Impression fausse parce qu’il en avait encore tellement dans la tête et sous ses doigts qui faisaient/font parler les cordes de sa guitare ou les claviers d’une manière si singulière que les mélomanes attendaient encore des pépites de l’avant-gardiste qu’il est et restera. Il est certain que dans l’histoire de la musique au Sénégal, telle qu’elle évolue depuis une quarantaine d’années, il y aura un avant et un après Habib Faye.

En mars 2006, à l’annonce du décès du chanteur et compositeur malien Ali Farka Touré, le bluesman américain Ry Cooder – qui a travaillé avec lui sur l’album Talking Timbuktu – avait dit qu’il en était fini du genre de musique qu’il jouait, invitant les mélomanes à fermer le chapitre. On peut, sans aucun risque de se tromper, dire la même chose pour Habib Faye, constat qui, chose importante, vient aussi de ses pairs bassistes. C’est vers ses compositions qu’il faudra désormais se tourner et se rendre à une évidence : il en est fini d’une idée de la basse et…de la musique, jouée – comme sur ce titre, Sama dom, avec talent, facilité et insouciance.

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