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Il Faut Sauver Le Saint-louis Jazz !

Il Faut Sauver Le Saint-louis Jazz !

La 27ème édition du Festival international de jazz de Saint-Louis s’est achevée le 30 avril dernier. Cet événement culturel, devenu incontournable, a regroupé, pendant cinq jours, des milliers de férus d’une musique inventée par les esclaves noirs dans les plantations de canne à sucre de l’Amérique. Chaque année, ses organisateurs s’échinent comme de beaux diables pour honorer le rendez-vous.

Et on se demande toujours par quel miracle ils parviennent à s’en sortir. Entre tensions de trésorerie, désaffection de partenaires historiques et quelques ratés dans l’organisation, ils ressemblent à des équilibristes sur une corde raide. « Un mois avant le lancement, on ne savait toujours pas si le festival allait avoir lieu (…) et à cause de ce flottement, nous avons perdu beaucoup d’artistes pourtant programmés », déplorait d’ailleurs un des membres de l’organisation.

Pourtant, voilà 27 ans que dure le festival ! Mais jusqu’à quand ? Il ne faut pas se voiler la face : une sérieuse menace plane sur le Saint-Louis Jazz et si rien n’est fait, l’événement qui fait la fierté du Sénégal risque de disparaître comme, hélas, de nombreux autres qui ont sombré dans les abysses de l’oubli. Il est bien loin l’âge d’or du festival, entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000, lorsque des artistes de renom se bousculaient pour jouer sur la scène de la Place Faidherbe ou dans l’espace de l’ancien entrepôt Peyrissac racheté plus tard par une grande compagnie de téléphonie.

Depuis la première édition, en 1993, sur une idée lumineuse du Centre culturel français de Saint-Louis et du Syndicat d’initiative et de tourisme de la ville, beaucoup d’eau a coulé sous le pont Faidherbe. Les autorités de l’époque tenaient tellement à l’événement qu’il arrivait que l’avion présidentiel soit mis à la disposition des organisateurs pour le transport du matériel et des musiciens invités, car le maigre budget de 50 millions de FCfa suffisait à peine pour faire face aux nombreuses charges.

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A l’époque, malgré leurs faibles moyens, les organisateurs mettaient un bus à la disposition de la presse culturelle dakaroise et, cerise sur le gâteau, tous les confrères étaient pris en charge dans les structures hôtelières. Bon nombre de journalistes ont d’ailleurs fait leurs « premières armes » au Saint-Louis Jazz. On y côtoyait de grands noms du jazz et de la world music : Jack DeJohnette, Randy Weston, Elvin Jones, Lucky Peterson, Roy Haines, Herbie Hancock, Liz McComb, Manu Dibango, Gilberto Gil, Joe Zawinul et d’autres encore.

 Le duo entre Zawinul, célèbre pianiste du mythique Weather Report, avec le tout jeune chanteur Abdou Guité Seck, alors lead-vocal du Wock, résonne encore dans nos oreilles. Il y avait aussi ce mémorable jam-session entre le percutant tambour-major Doudou Ndiaye Rose et le groupe belge Aka Moon qui avait fait vibrer la scène, sans oublier les envolées du talentueux bassiste camerounais Richard Bona. Non, nous ne sommes pas nostalgiques pour un sou, mais force est de reconnaître que le SaintLouis Jazz n’est plus ce qu’il était. Et ce n’est nullement pas la faute aux organisateurs qui doivent même être encouragés dans leur inlassable effort à la Sisyphe. Aujourd’hui, avec un budget qui avoisine 270 millions qu’on peine à boucler, le festival de jazz de Saint-Louis a besoin d’un nouveau souffle pour repartir sur des bases plus solides. Et ce ne sont pas les quelques subsides octroyés par l’Etat qui lui permettront de surmonter ses écueils. Il faut, bien sûr, saluer l’annonce, par le ministère de la Culture, d’une enveloppe annuelle de 50 millions de FCfa qui sera désormais octroyée à l’événement à partir de 2020. Il faut également se réjouir des 15 millions alloués, cette année, par l’Etat, mais est-ce suffisant pour rendre au Saint-Louis Jazz sa notoriété d’antan ?

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Nous ne le pensons pas, d’autant plus que des appétits voraces tournent autour de l’événement à l’image de la sortie inopportune de la Société sénégalaise des droits d’auteurs et droits voisins (Sodav) réclamant aux organisateurs plus de 9 millions de FCfa d’arriérés pour des droits d’auteur qu’ils n’auraient pas payés depuis 2015. On peut bien comprendre cette requête, mais est-ce vraiment le moment de pousser le Festival de jazz dans ses derniers retranchements alors qu’on sait qu’il fait face à des difficultés monstres ? Avec ses 92.000 visiteurs venus d’une trentaine de pays (chiffres de 2018), le Saint-Louis Jazz représente une belle vitrine pour le Sénégal, particulièrement pour son secteur touristique. Il appartient aux organisateurs de faire preuve d’imagination, pour que l’événement soit mieux rentable et puisse se pérenniser, car il ne faut pas tout attendre de l’Etat qui n’a pas toujours vocation de financer des événements privés, même s’ils contribuent à la notoriété du pays. Ils doivent s’inspirer des grands festivals, comme celui de Montréal, lancé en 1980, avec un petit budget de 70.000 dollars canadiens, mais dont les retombées économiques sont, aujourd’hui, estimées à 100 millions de dollars par an !

Avec son budget actuel de 30 millions de dollars (subventions publiques, sponsoring, etc.), ses 3.000 musiciens provenant d’une trentaine de pays et ses 650 concerts, le Festival de jazz de Montréal est devenu une véritable machine qui attire, chaque année, près de deux millions de spectateurs dans ses différents sites en plein air où les concerts sont gratuits. Une partie des bénéfices est tirée des spectacles dans les salles fermées où près de 150.000 personnes s’acquittent d’un billet d’entrée dont le prix varie entre 30 et 150 dollars.

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L’événement constitue une véritable manne financière pour le tourisme avec 63 millions de dollars en retombées. Selon les organisateurs, il génère 2.000 emplois directs et fait rentrer des dizaines de millions de dollars d’impôts dans les caisses de l’Etat. Cela en fait l’un des plus grands festivals de musique au monde. Et pourtant, l’aventure a failli s’arrêter en 1986 lorsque les organisateurs ont été lâchés au dernier moment par leur principal sponsor. Comme quoi, la persévérance, ça paie toujours…







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