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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Improbables Nationalismes

Karamba Diamby, député du Spd, premier Africain élu au Bundestag ; Luc André Diouf Dioh, parlementaire en Espagne ; le Dr Boucar Diouf, universitaire spécialiste en biologie marine et humoriste parmi les préférés des Canadiens francophones ; Sibeth Ndiaye, porte-parole de l’Elysée : chaque jour, les projecteurs se braquent sur la bonne pioche d’un Sénégalais à l’étranger. Jamais l’orgueil national n’est tant fouetté que lorsque les nouvelles rapportent le succès d’un compatriote, de préférence en Occident.

Mais l’accepterions-nous ici d’immigrés venus chercher asile ou fortune ? Accepterions-nous des députés « beydanes » ou venus directement du Fouta-Djallon, voire d’Afrique centrale ? Malgré les apparences, la culture de la diversité n’est pas encore de mise dans nos sphères de représentation. Ignorance ? A l’échelle des nations, cela donne la tentation du repli contre les défis de l’intégration. Ce débat, comme un serpent de mer, traverse les époques, fait poser de bonnes questions sans toujours proposer de bonnes réponses… La perte consentie d’une part de leur souveraineté fonde l’engagement des Etats à construire de grands ensembles.

La libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Cedeao, les Cours de justice communautaire, le respect des critères de convergence économiques de l’Uemoa et son guichet unique de dépôt, la Zone de libre-échange continentale annoncée par l’Union africaine, le suivi des règles de l’Omc, jusqu’au franc Cfa que nous partageons avec treize autres pays et qui illustre actuellement comment la monnaie, instrument de souveraineté par excellence, s’attache à toutes les symboliques nationalistes, rappellent chaque jour l’intensité de « l’extérieur ». Mais, c’est un délaissement consenti. Depuis la fin du 20ème siècle, si beaucoup d’Etats sont nés en Europe de l’Est et dans les Balkans, de même qu’en Afrique de l’Est, la tendance est à la consolidation des organisations inter Etats.

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L’idéal panafricaniste est diffus, de même que la conviction que nous partageons le sort de nos voisins. Autant la dégradation du climat sécuritaire dans la bande saharo-sahélienne où le Sénégal joue sa partition dans le cadre de la Minusma, pour parler de l’inquiétude majeure, que les entrées de nos entreprises à la Bourse d’Abidjan, le potentiel touristique de la Gambie, le Ghana qui devient premier producteur d’or du continent ou nos accords de partage des futures ressources gazières offshore avec la Mauritanie, pour évoquer un futur positif, prouvent que l’ouverture est inéluctable. Elle s’impose à nous.

 Du reste, les Sénégalais font régulièrement de cet « extérieur » leur alternative préférée, eux à la culture réputée de l’émigration. Mais, en s’appropriant ce poids, un Etat a prise sur son environnement et peut dérouler sa politique extérieure. Au quotidien, le citoyen untel est souvent bien éloigné de ces géographies même s’il court à la recherche du FCfa, subit les yoyos des cours du pétrole, est irrité sur son smart-phone par les cookies vantant le mérite des kits solaires chinois, fait ses courses dans un supermarché à l’enseigne française, va chercher ses enfants à l’institution Ste Jeanne d’arc après avoir fait un tour chez son coiffeur nigérian… De manière encore improbable, cette « ouverture » s’invite de plus en plus dans le débat public, par à-coups mais toujours aux échos de plus en plus rapprochés. Cette tendance, insaisissable mais intempestive, exprime généralement l’idée que « le problème, c’est autrui », une lointaine pensée ancrée dans la mémoire collective avec, par exemple, cette image du maure « voleur d’enfant ». On le voit dans l’activisme antifrançais, dans la désignation de certains habitants de la sous-région comme responsables du grand banditisme, s’ils ne dégradent pas le cadre de vie avec la mendicité commerciale ou qu’ils n’inondent le pays de faux billets…

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La forme achevée de ce rejet des différences a engendré des régimes totalitaires qui ont traumatisé le 20ème siècle avec ses guerres, génocides et pogroms après l’esclavage des ères précédentes. Ici, cette tendance n’est pas encore endossée par les intellectuels et les forces sociales pour fonder un courant de pensée accoucheur d’une force politique, comme on le voit avec les nouveaux populismes européens, qu’ils s’appellent « nationalistes » ou « souverainistes ». Sauf de petites frappes, gourous des médias, qui jouent sur les peurs et les ignorances. Le Sénégal devrait être, selon le postulat (contesté) de Senghor, « enracinement et ouverture ». Le sentiment national n’est pas forcément xénophobe.







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