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Le Foot En Afrique, Une Affaire D’État

L’enjeu naturel du sport se trouve dans le gain d’un match. Le prix n’est pas quelconque. C’est la fraternité dans la célébration du culte de l’effort. Rien de plus emballant que les principes du Baron de Coubertin sur la primauté de la participation sur une guerre aux points. Sous ce rapport, le sport est émotion et spectacle. Seulement, un autre match mobilise sur les prés : les visées politiques chevauchent l’étalon Sport. On se rappelle qu’en 1976, pour protester contre la présence de la Nouvelle Zélande, la plupart de la quarantaine de pays africains membres du Comité international olympique (Cio) avait boycotté les Jeux olympiques de Montréal. Les pays du continent noir reprochaient à une équipe de rugby néo-zélandaise d’avoir fait une tournée en Afrique du Sud, le pays de l’apartheid. A l’époque de la guerre froide, les EtatsUnis, dirigés par Jimmy Carter et leurs alliés (plus de 50 pays sur les 147 que comptait le Cio à l’époque), avaient boycotté les XXIIIe Jeux olympiques(Jo) de Moscou en 1980. Le motif ? L’invasion de l’Afghanistan par l’Urss. Quatre ans plus tard, les Soviétiques et leurs amis ne s’étaient pas rendu, eux aussi, aux Jo de Los Angeles. Le « monde libre » contre « le camp socialiste ». Le sport, un enjeu de la guerre froide ?

Sans nul doute. Pour gagner un autre match, celui de l’unité nationale, certains dirigeants politiques africains misent sur le sport, particulièrement le football. Dans le passé comme aujourd’hui, les dirigeants du continent africain considèrent le sport comme une activité à prendre très au sérieux. Le sport fédère. En cela, il est le dénominateur commun qui transcende les idéologies et pratiques politiques, les régions, les groupes sociaux, etc. Il est déluge de passion au rythme des performances. Il est un transport de fiertés. L’orgueil est sublimé par la posture de bel athlète visité par la grâce de la réussite. Avec autant de vertus, le sport peut servir de vitrine et contribuer à la notoriété d’un pays. Il aimante la politique comme un générateur de popularité. Du coup, du Sénégalais Abdoulaye Wade au Ghanéen Nkwamé Nkrumah, en passant par le Guinéen Sékou Touré, le Zaïrois Mobutu Seseko, l’Algérien Houari Boumediene, l’Ivoirien Houphouët Boigny, le Sud-Africain Nelson Mandela, ils ont investi ses terrains. D’un côté, il y a le Sénégalais Abdoulaye Wade.

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A ceux qui lui reprochent de faire de la récupération politique au lendemain de la qualification historique des « Lions de la Teranga » à la Coupe du monde Corée-Japon 2002, l’ancien président de la République du Sénégal (2000-2012) rétorque : « J’ai misé et j’ai gagné ». Il est vrai qu’en mettant à la disposition de l’équipe nationale du Sénégal son avion personnel pour ses différents matches à l’extérieur ou en louant un avion pour lui permettre de se déplacer facilement et en décorant les « Lions », le successeur d’Abdou Diouf s’est totalement impliqué. Il se permet un « Je » si possessif…

D’un autre, il y a le Camerounais Paul Biya

Au lendemain de la 3è qualification des « Lions indomptables » pour la Coupe du monde 1994, il décrète le lundi 11 octobre 1993 férié. L’exploit des Roger Milla et François Omam Biyik est fêté par des millions de Camerounais. Partout, dans le pays, c’est la liesse populaire. Wade comme Biya convoitent les suffrages des sportifs. Ils ne sont pas les premiers dirigeants du continent noir à savoir que les lendemains de victoire sont porteurs pour les hommes politiques. D’autres avant eux ont associé politique et sport. Dans le rôle de pionnier, figure le premier président du Ghana indépendant (1957) Kwame Nkrumah.

A côté de sa révolution politique, économique et sociale, il fait du sport une de ses priorités. Le visionnaire sur les chemins de la Grande Afrique (Etats-Unis d’Afrique) enfourche un cheval de la résistance idéologique en baptisant l’équipe nationale du Ghana la « Black star » (Etoile noire). C’est tout l’éclat d’un génie africain appelé à s’affirmer sur les terrains de foot comme sur le champ politico-économique. L’Osageyfo (le Rédempteur) affirme l’identité de son pays, répand et promeut le panafricanisme. Résultat : le Ghana des Osei Koffi, Baba Yara, Edward Acquah mettent fin à la supériorité de l’Egypte en s’adjugeant deux coupes d’Afrique des nations (1963 et 1965). Le Ghanéen Nkrumah fait des émules en Afrique noire. Dès son arrivée au pouvoir le 24 novembre 1965, le président zaïrois, Mobutu Sese Seko prend des mesures radicales. Rappel des footballeurs expatriés et recrutement d’entraîneurs étrangers. La mini-révolution porte ses fruits. Le Zaïre des « Seigneurs » Kibonge, Kalala, Kidumu, Kazadi et consorts succède au Ghana en remportant la Coupe d’Afrique des nations (1968) et remet ça en 1974 avec, en prime, une qualification pour la Coupe du monde 1974. Sur les traces du Ghanéen Nkrumah, on trouve un autre chantre du panafricanisme, le chef de l’Etat guinéen Sékou Touré.

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La musique, avec le Bembeya Jazz national, et le football, avec le Syli national au jeu agréable, construisent la notoriété du pays. Le Syli national se qualifie pour les Jeux olympiques de Mexico en 1968 et passe à côté d’un sacre continental en 1976. Le Hafia de Conakry de Chérif Souleymane Petit Sory, Njo Léa et autres Maxime Camara, créé en 1967 par la fédération de Conakry 2 du … Parti démocratique de Guinée (Pdg au pouvoir), domine le continent avec 5 finales de coupe d’Afrique des clubs champions dont 3 victorieuses (1972,1975 et 1977) et 2 perdues (1976 et 1978). Selon Sékou Touré, le Hafia « joue pour la révolution démocratique africaine ». L’homme « qui a osé dire Non à De Gaulle » lors du référendum de 1958 s’appuie sur le sport pour faire prospérer son approche idéologique de la dignité et du génie noir. D’autres chefs d’Etat joueront sur le même tempo politique en encourageant les performances sportives L’Algérien Houari Boumediene encourage les sociétés nationales à parrainer les clubs (à l’exemple de la Jeunesse électronique (Jet) de Tizi Ouzou.

Le Congolais Marien Ngouabi qualifie les « Diables rouges », vainqueurs de la Can 1972 à Yaoundé, de « héros de la Nation ».

L’Ivoirien Houphouët Boigny offre une maison à chaque « Eléphant » de l’équipe vainqueur de la Can 1992 à Dakar. Le président sud-africain Nelson Mandela, qui arbore fièrement le maillot de son équipe nationale « les Bafana » vainqueur de la Can 1996 à Johannesburg, considère tout simplement que « le football est parmi nous l’activité la plus unificatrice ». Ce n’est certainement pas un hasard si les deux premiers trophées de la Coupe d’Afrique des clubs champions de football portent les noms de Kwame Nkrumah et de Sékou Touré, deux chantres du panafricanisme. Le football, une activité sérieuse en Afrique. Et pour cela, il fait sa politique !

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