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Écoles Franco-sÉnÉgalaises, DerniÈre Survivance Du Colonialisme FranÇais ?

Écoles Franco-sÉnÉgalaises, DerniÈre Survivance Du Colonialisme FranÇais ?

Après les télécoms, les mines, le port de Dakar, les banques, les autoroutes à péage, le transport ferroviaire, le commerce de grande surface avec Auchan, Utile et Carrefour et dernièrement le pétrole, en attendant notre si vitale eau, voilà la France coloniale qui fait main basse à présent sur les écoles franco-sénégalaises publiques (de Fann et de Dial Diop) en les privatisant au vu et au su du ministère de l’Education nationale. Avec la bénédiction de ce dernier d’ailleurs. Les 29 instituteurs sénégalais qui y officient sont traités comme des nègres de service sans aucun respect de leurs droits de travailleurs en tant que fonctionnaires de l’Etat.

Très mal payés par rapport à leurs homologues français souvent moins qualifiés ou à qualification égale qui perçoivent cinq fois plus qu’eux, ils sont sur le point d’être exclus de ces établissements pour avoir revendiqué des conditions de travail plus équitables et menacé d’observer un mouvement de grève comme le leur autorise la Constitution de ce pays. Serigne Mbaye Thiam est le maitre d’œuvre de toutes ces manœuvres qui ont abouti à cette privatisation qui ne dit pas encore son nom mais aussi de cette précarisation de ces fonctionnaires sénégalais à qui on propose aujourd’hui un statut de contractuels s’ils veulent continuer à enseigner dans ces établissements devenus le patrimoine des Français.

Les écoles franco-sénégalaises Dial Diop et Fann sont des établissements créés en 1972, homologués en 1974. Elles permettent aux enfants des deux communautés, française et sénégalaise mais aussi tiers étrangers, de cohabiter durant une période importante de leur scolarité. Elles sont issues de la convention bilatérale et de l’accord de coopération en matière culturelle du 29 mars 1974 et de son annexe 1 relative aux écoles primaires franco-sénégalaises.

Ecoles d’enfants de familles nanties

Les écoles franco-sénégalaises de Fann et Dial Diop de Dakar ont été ouvertes à la rentrée d’octobre 1972 et homologuées en 1974 pour répondre à la fois à la forte demande de scolarisation d’enfants sénégalais et pour regrouper les enfants français dispersés dans plusieurs écoles de Dakar. Le programme enseigné dans ces établissements était reconnue par les deux pays, avec la volonté de faire cohabiter pendant tout le cycle primaire des enfants des deux communautés. Le statut des deux écoles pilotes relève d’un avenant aux accords de coopération signés en 1972 entre la France et le Sénégal : celui-ci fixe le quota des élèves de nationalité française à 50 % et la contribution de la France à 60 % des effectifs du corps enseignant, la direction pouvant être indifféremment sénégalaise ou française.

Ainsi ces écoles sont encadrées par la double tutelle française et sénégalaise. Elles sont en partenariat avec l’Agence de l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE) créée en 1990 (voir infra). Mais l’évolution divergente des systèmes éducatifs sénégalais et français a fait que le fonctionnement actuel des écoles franco-sénégalaises répond de moins en moins à la philosophie initiale ayant présidé à leur création. Les programmes français sont plus enseignés dans les classes que celui sénégalais. Quant aux effectifs, il est constaté que les potaches originaires de l’Hexagone et d’autres pays tiers sont moins nombreux que leurs camarades sénégalais. Sur le plan de l’équité enfin, il convient de rappeler que la scolarisation des enfants dans l’une des deux écoles (Fann et Dial Diop) constitue un privilège pour les familles sénégalaises nanties.

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Compte tenu de la demande très forte, les élèves sénégalais doivent passer au préalable un test d’admission pour y avoir droit. Une disposition purement théorique puisque, dans les faits, ce sont les enfants de la nomenklatura sénégalaise qui y sont pris en priorité voire exclusivement. Les enfants des pauvres, quant à eux, fussent-ils brillantissimes ne fréquenteront jamais ces écoles réservées aux « en haut de en haut » comme disent les Ivoiriens. C’est pourquoi d’ailleurs le ministère de l’Education ne tolère pas que les enseignants sénégalais qui y officient participent aux grèves de leurs collègues de l’enseignement public. La gestion administrative est assurée par les deux pays par le biais d’une commission sous le regard attentif de la partie française. Mais le mal congénital de ces écoles, c’est que les enseignants français rémunérés par l’Etat français sont payés 5 à 6 fois plus que leurs collègues sénégalais. Ces derniers qui abattent le même travail n’ont jamais demandé un traitement équitable sur le plan salarial mais, après avoir galéré pendant des années, ils se sont dits qu’il fallait trouver une formule plus adéquate pour corriger ces écarts himalayesques. Certes, les salaires en France n’ayant rien à voir avec ce qu’ils sont au Sénégal, nos compatriotes exerçant dans ces écoles franco-sénégalaises savent qu’ils ne peuvent prétendre à l’alignement sur leurs collègues toubab. Ce qu’ils veulent, c’est juste un mécanisme pour rendre cet écart moins choquant.

Iniquité salariale

C’est ainsi qu’ils avaient sollicité du côté des autorités françaises une prime de compensation ou prime de motivation selon le cas. En 2006, saisi de la revendication des enseignants sénégalais en service dans les écoles franco-sénégalaises de Dial Diop et Fann, le ministre de l’Education nationale de l’époque, Kalidou Diallo, avait demandé aux autorités françaises de faire un geste pour ces enseignants méritants. Bienveillantes, les autorités hexagonales ont accepté de les appuyer… sur le plan matériel en les dotant d’ordinateurs. Pour ce qui concerne l’octroi de primes, elles disaient que cela relevait de leur employeur, en l’occurrence l’État du Sénégal, car la France ne pouvait pas (à juste titre !) rémunérer des fonctionnaires non français. Finalement, une indemnité de sujétion de 38 500 FCFA a été accordée à ces smicards d’enseignants sénégalais par leur État. En 2007, les politiques d’ajustement budgétaires entamées en France par le régime sarkozyste ont eu un effet dévastateur sur les frais de scolarité, sur la réduction du budget de l’AEFE et de sa masse salariale dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP).

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Créée par la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990, l’AEFE est l’opérateur de l’État pour l’enseignement français à l’étranger. Placée sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères, l’AEFE assure le suivi et l’animation du réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger homologuées par le ministère de l’Éducation nationale français. Simultanément, le succès de l’enseignement français à l’étranger et l’accroissement annuelle de plusieurs milliers d’élèves inscrits dans son réseau, impliquait d’assurer, dans un contexte de contrainte budgétaire, les financements d’un nombre croissant d’enseignants et les travaux immobiliers nécessaires à l’augmentation de la capacité d’accueil des établissements. Alors qu’elle doit engager d’importants travaux d’investissements immobiliers pour accueillir un nombre grandissant d’élèves et procéder à des recrutements de personnels pour les scolariser et les encadrer, l’AEFE, dont le périmètre financier est limité, doit faire face simultanément à ces engagements. Elle n’a alors d’autre choix que de se tourner vers les familles pour assurer la pérennité du réseau. Dans cette perspective, l’AEFE a été invitée, comme tous les autres opérateurs publics, à se soumettre à l’impératif budgétaire du rétablissement des comptes de l’État. Ainsi, dans sa lettre de cadrage de 2008, le Premier ministre français a-t-il demandé au ministre des Affaires étrangères que l’AEFE accroisse son taux d’autofinancement, ce qui revient de facto pour l’Agence à se tourner vers les familles pour solliciter davantage leurs contributions au fonctionnement de ces écoles. Les écoles franco-sénégalaises n’ont pas échappé à ce tour de vis budgétaire. Ainsi, en 2013, l’État français a décidé de se désengager progressivement par rapport aux subventions allouées aux écoles françaises à l’étranger et aussi au traitement salarial de ses ressortissants. En 2016, la Cour des comptes française déclarait dans un rapport que « pour que le réseau scolaire français à l’étranger soit pérenne, il convient de réformer en profondeur la gestion des ressources humaines ». Et les magistrats financiers de cibler en premier « les enseignants expatriés et résidents, qui sont jugés trop coûteux ».

L’ACDEFS, initiatrice des réformes iniques et cyniques

La conséquence s’imposait d’elle-même : il fallait que ces établissements trouvent d’autres sources de financement pour continuer à fonctionner. Cela a entraîné dans notre pays la création en juin 2014 d’une association dénommée ACDEFS (Association Culturelle pour le Développement des Écoles Franco sénégalaises) chargée de la gestion des deux écoles franco-sénégalaises et du paiement des enseignants français par les frais d’écolage des élèves de nationalité française et tiers. La réunion de création de l’ACDEFS tenue dans les locaux de l’ambassade de France et dirigée par le conseiller culturel français Raoul Guinez et l’inspectrice de l’éducation nationale française Mme De Secco, avait eu pour but d’expliquer aux enseignants français des deux écoles les réformes envisagées. Il fallait donc engager la privatisation de la partie française, quitter le contrat d’expatrié et confectionner un contrat local pour les enseignants français. Mais pendant la première année des réformes, c’est la société Locafrique, spécialisée dans le Crédit-bail, qui allait prendre en charge les nouveaux salaires des enseignants français. Une enseignante française a préféré ne pas signer les nouveaux contrats et rentrer en France parce qu’elle considérait que c’est de la forfaiture.

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D’un autre côté, une telle réforme est une forme d’exploitation des enseignants sénégalais des deux établissements concernés puisqu’ils allaient désormais donner gratuitement des cours à des élèves français qui, pourtant, allaient payer mensuellement des millions de francs pour leurs études. De l’argent dont les seuls bénéficiaires seraient leurs collègues français. Le ministère sénégalais des Affaires étrangères, invité, avait refusé de participer à une réunion qui ne concerne pas les enseignants sénégalais. Finalement, les initiateurs de la réunion ont invité un membre du ministère de l’Intérieur qui d’ailleurs avec célérité leur a procuré le récépissé de l’ACDEFS pour amorcer leur opération de semi-privatisation.

Ainsi l’année scolaire 2014-2015 marque le début d’une nouvelle ère de non-gratuité dans les écoles primaires franco-sénégalaises Dial Diop et Fann pour les familles françaises et autres nationalités non sénégalaises. Mais comme un plan bien tracé, il fallait généraliser à doses homéopathiques cette privatisation. Ce qui a commencé par la proposition faire aux enseignants sénégalais fonctionnaires de signer des contrats CDD avec une rémunération nettement inférieure à celle de leurs collègues français. Après avoir plié le joug pendant des années en bons Nègres qu’ils sont, nos compatriotes enseignants dans ces écoles ont initié une lutte pour demander une revalorisation de leurs traitements dans le but de réduire un tant soit peu le gouffre qui les sépare de leurs collègues français. Une exigence qui explique la situation tendue dans laquelle se trouvent actuellement les établissements de Fann et de Dial Diop. Et quand on sait que notre actuel ministre de l’Education était jusqu’à sa nomination à cette fonction enseignant dans un lycée français… ils ne peuvent guère espérer trouver de secours de son côté !

PS : Il convient de préciser que l’ACDEFS est injoignable puisque son président ne parle que sur autorisation de l’ambassadeur de France au Sénégal.







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