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De Mayeni Jones À « Aar Linu Bokk », Scandale Des 10 Milliards De Dollar

Mayeni Jones, une journaliste africaine que personne ne connaissait au Sénégal ou presque, qui avait réalisé des reportages que personne n’avait vus dans ce pays ou presque, a mené  au nom de de la BBC, une enquête sur la gestion des ressources pétrolières et gazeuses avec plus de succès que les nombreuses personnes qui avaient soulevé le sujet auparavant. Ses conclusions, comme un volcan en éruption en pleine mer, ont rejeté sur les rivages de la démocratie sénégalaise des pépites que certains auraient préférées voir rester dans les profondeurs de l’Océan tout en faisant jaillir au milieu des flots une nouvelle île porteuse d’espoir, la plateforme «  Aar Linu Bokk ».

Le Sénégal est une démocratie confirmée avec des Institutions qui fonctionnent, une classe politique expérimentée au service d’un peuple qui à deux reprises en moins d’une génération a montré son intelligence politique en renversant deux chefs d’Etat en exercice et en conduisant en paix deux alternances. Ainsi, c’est à bon droit que la plateforme Aar Linu Bokk, le Vendredi 15 juin, avait mis  en avant le respect de la constitution qui garantit la liberté de toute manifestation pacifique. En refusant d’obtempérer à l’interdiction non justifiée de l’organisation de sa première manifestation à la Place de la Nation, Aar Linu Bokk a remis à l’ordre du jour le principe sacro-saint du droit de résistance à l’oppression reconnu en toute démocratie. A contrario le gouvernement en s’abstenant d’interdire la seconde manifestion le même jour de la semaine d’après, a accepté de se soumettre à la règle constitutionnelle en préférant consacrer l’ancrage du Sénégal aux valeurs de l’Etat de droit.

Mon expérience militante, depuis une quarantaine d’années,  en faveur de la promotion et de la défense des droits de l’homme m’a conduit à parcourir le continent africain et à jeter un regard critique sur les différences expériences en faveur de la démocratie. A cet égard, l’avènement de de la plateforme « Aar Li Nu Bokk peut être considéré comme « une bénédiction ». Elle pourra rassembler les fragments d’une société civile qui sous les coups de boutoir des pouvoirs publics et les diatribes d’une population qui ne se retrouvait plus dans ses mots d’ordre, avait de moins en moins la capacité de mobiliser. En ce sens, cette plateforme pourrait être considérée comme une tentative de réappropriation de l’espace et du discours politiques par la jeunesse sénégalaise consciente que c’est son avenir qui est en jeu.

Aar Li Nu Bokk doit être considérée par tous les patriotes comme une bouée de sauvetage de la démocratie sénégalaise. Le mouvement arrive à son heure, au moment où, contrainte et forcée la classe politique qui a du mal à renouveler son personnel, a décidé de se retrouver pour débattre de choses qui ont été hélas déjà débattues et pour se reposer des questions dont les réponses ont été déjà apportées par les Assises Nationales présidées par Amadou Mactar Mbow si ce n’est par les multiples concertations politiques antérieures.

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En entendant parler de « dialogue », on aurait pu penser à l’organisation de rencontres directes entre le chef de l’Etat et les sénégalais à travers des cadres de concertation organisés et sans exclusive partisane. En effet, le pays ne pourra pas avancer sans la fin d’un certain paternalisme qui fait que les citoyens demeurent d’éternels mineurs qui ne peuvent exprimer leur préoccupation, leur souhait  sans passer par le tonton ou la tata si ce n’est le baron politicien, éternels intermédiaires. La plateforme Aar Linu Bokk, peut être une expression de la démocratie directe qui prône la suppression de  l’intermédiaire. A cet égard, nul n’ignore les difficultés que rencontrent les paysans en général, les petits écoliers et les femmes dans les campagnes. Pour toutes ces raisons, le Sénégal, doit diminuer la multiplication des débats inutiles qui ne débouchent sur rien de concret.

Faut-il souligner que le Sénégal, qui a réélu, à l’élection présidentielle de Mars 2019, Macky Sall à 58 % avait bien entendu et compris son programme. Ce que les jeunes sénégalais attendent en buvant leur « attaya » ou thé, les femmes en plaçant leur argent dans les « natt » ou tontine est que le chef de l’Etat qui jouit d’une légitimité renouvelée mette en œuvre son programme d’autonomisation des Femmes et des Jeunes. Le seul débat qui vaille est celui de la mobilisation des moyens financiers et techniques pour faire travailler les Jeunes et les Femmes sénégalaises tourmentés par la pauvreté ambiante

 Le seul combat qui vaille pour l’Afrique est la sauvegarde et le développement de ses richesses naturelles par la bonne gouvernance et le respect de la transparence. Ce continent qui,  du Cap BON au Cap de Bonne Espérance recèle toutes les richesses minières qu’on peut découvrir sur la terre, qui est parcouru par tous les climats et occupé par des peuples aux cultures les plus diverses, est doté par la nature de tout ce qui aurait pu permettre à ses enfants d’en faire l’égal des paradis virtuels qu’ils vont chercher ailleurs si leurs pays étaient seulement  bien gouvernés.

Dans cet esprit, tous les patriotes doivent considérer le mouvement Aar Linu Bokk comme leur bien précieux. Cette mobilisation est transversale et concerne le Sénégal dans sa diversité idéologique. C’est pourquoi, il serait regrettable que ceux qui appartiennent à la mouvance présidentielle s’en estiment exclus. Car les patriotes ne sont pas, par définition, d’un seul bord.

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Ce mouvement, à cet égard, ne devrait pas être compris comme dirigé contre un régime ou des personnes mais plutôt contre des pratiques antisociales et anti économiques qu’il convient d’éradiquer pour sauvegarder la paix sociale et la démocratie au Sénégal. En cela, cette mobilisation contre la corruption et le népotisme, comme par le passé le plus récent,  est une demande sociale.

Cette mobilisation dépasse la simple nécessité de stigmatiser Alioune Sall et Frank Timis en situation d’accusés ou de critiquer le Président de la République qui aurait agi contrairement aux recommandations d’un rapport non déclassifié de l’Inspection Générale d’Etat (IGE). En effet, au stade où nous en sommes, la justice ne s’est pas encore prononcée. Par conséquent, ceux qui sont attaqués aujourd’hui sont présumés innocents. C’est la parole d’Aliou Sall, de Franck Timis  contre leurs  accusateurs, du président Sall ou de la BBC contre leurs contempteurs.

Ainsi, comme l’a souligné Fadel Barro du Mouvement Y’en a marre, le procureur de la République dans sa quête de la vérité sur le dossier 10 milliards, devrait considérer cette plateforme comme son soutien le plus significatif. Le président Macky Sall qui a adopté la devise « la patrie avant le parti » ne devrait pas être gêné aux entournures en réclamant que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Demande qui rencontre l’adhésion totale des masses. Dans cet esprit, la proposition de Fary Ndao portant l’adoption d’une loi pour éviter les conflits d’intérêt liés à la parenté mérite d’être pris en compte..

Pour toutes ces raisons, la mobilisation peut et doit se faire dans la sérénité et le respect des us et coutumes de notre pays connu pour ses aspirations fondamentales à la paix. Mais elle doit se faire aussi en toute responsabilité en se prémunissant contre un localisme politique excessif. En effet comme le souligne Babacar Justin Ndiaye dans sa dernière chronique le pays est cerné de menaces à ses frontières et nous devons, en toute lucidité, en tenir compte dans la gestion de nos problèmes internes.

A cet égard, les leaders de ce mouvement porteur d’espoir, doivent maintenir leur neutralité positive en se tenant à égale distance des hommes politiques et autres mouvements qui sont libres de s’exprimer dans la plateforme, selon leur sensibilité propre sans chercher à en faire leur monopole.

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La  plateforme doit contribuer à renouveler la pensée systémique de la société civile sénégalaise qui parfois a porté des revendications éminemment légitimes et populaires mais sans souvent indiquer de solutions. Le corps social a reproché aussi à certains de ses porte-paroles de ne pas avoir le comportement qui sied à leurs discours. Or, pour fonder durablement Aar Li nu Bokk , le mouvement doit, dans son esprit et dans sa pratique, symboliser les valeurs fondamentales de la civilisation sénégalaise caractérisée par la tolérance, l’attachement viscéral à la justice, au respect de l’autre au nom de la « Téranga » et du « disso » ou dialogue. .

Pour gagner l’adhésion des masses, le mouvement doit croire en lui et croire en la maturité du citoyen sénégalais, qui de jour en jour se donne les moyens d’être très informé des choses d’un monde en mouvement. Ses leaders doivent se prémunir contre le virus de la personnalisation excessive de l’action et du narcissisme stérile. Donc : « sois ce que tu prétends être »

Dans cet esprit, le mouvement doit bannir le sectarisme, les invectives inutiles, les affirmations sans fondement pour être un cadre d’épanouissement d’un nouvel esprit citoyen d’un Sénégal qui aspire à demeurer une référence dans la quête d’une Renaissance Africaine. Ce faisant Ar Linu Bokk symbolisera « l’Arbre à Palabres » des temps modernes qui contribuera à former une réelle opinion publique sénégalaise en faveur de la paix et du développement.

 Si Aar Linu Bokk réussit ce pari avec le soutien de tous les patriotes, chacun selon sa spécialité, sa compétence, elle contribuera à créer et à fonder un cadre de concertation et de veille permanent qui, plus que le referendum d’initiative populaire, permettra d’exercer sur les pouvoirs publics un contrôle avisé et constant du peuple souverain. Ce Mouvement va contribuer ainsi  à redonner un sens à la démocratie sénégalaise et à contribuer à refonder le leadership du Sénégal dans la promotion et la défense de l’Etat de droit.

Benoit  Ngom est Fondateur de l’Association des Juristes Africains (AJA)

Auteur de : « Les droits de l’homme et l’Afrique »  edition Silex Paris ,1984  ; « La Cour Suprême du Sénégal, arbitrage d’une démocratie en Afrique » Edition Présence Africaine Paris 1989.

Aar Linu Bokk en langue wolof signifie : sauvegarder notre bien commun.

. Dakar actu, lundi 25 Juin : Babacar Justin Ndiaye  Ebullition au Sénégal, élection en Mauritanie et dislocation en cours au Mali.

. Senegal.com Juin 2019 : Fary  NDAO Affaire Petro Tim : Pour une loi sur la parenté 







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