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Momar, Pourquoi Tant De Fausse Candeur ?

Pour donner suite à notre réaction à une lettre ouverte qu’il avait adressée à « un frère panafricaniste », El Hadj Momar Samb, secrétaire général du RTA/S, a commis une longue Réponse à Ousseynou Bèye « dans le seul but de participer à la clarification du débat sur une question d’actualité ». La question d’actualité, c’est celle du pétrole qui pollue ces derniers temps l’atmosphère, doublée de ce qu’il appelle « une soi-disant lutte contre la corruption. »

Clarification obligeant, nous allons devoir, à notre corps défendant, reprendre la plume, en espérant que ce sera pour la dernière fois. Et nous risquons d’être aussi long que  notre ami.

Mais, Momar, si tu veux bien, on va d’abord évacuer la question « qui n’apparaît nulle part dans (ton) propos » (« la défense d’Aliou Sall ») et celle qui n’en serait pas « la raison essentielle » (le panafricanisme). Et là, je vais être obligé de te reprendre (à nouveau) lorsque tu affirmes : «… L’affaire est annoncée (par BBC) le vendredi et dès le lendemain la machine est mise en branle pour mobiliser les Africains contre un autre Africain, sans douter le moins du monde, sans mettre en branle notre réflexe panafricaniste. C’est tout de même curieux !… »

Tout ton raisonnement s’articule ainsi : prenons la défense de notre compatriote, « l’Africain » (qui s’appelle ici Aliou Sall), face à l’assaut de l’ennemi étranger (en l’occurrence BBC), et cela, par « réflexe panafricaniste » ! (je reprends tes mots). C’est clair, Momar, pour toi il faut défendre Aliou Sall, au nom du panafricanisme.

Fallait-il laisser passer cet empressement à défendre un accusé (qui, je te le concède volontiers, doit bénéficier de la présomption d’innocence), sans chercher à savoir s’il est ou non coupable ? Fallait-il passer l’éponge sur cette vision étriquée du « panafricanisme » qui, encore une fois, met tous les originaires du continent… dans un même sac ? Non, Momar, ce n’est pas ton modeste serviteur qui « érige deux camps » parmi les Africains ou les panafricanistes. Cette lourde réalité-là, c’est le résultat de l’Histoire. Les Africains, pas plus que les Européens, les Asiatiques ou les Américains ne forment un bloc monolithique. Tu le sais bien : les clivages au sein des communautés, des sociétés, est un effet de leur cheminement historique, à travers les conquêtes, l’esclavage, les colonisations, les guerres civiles pour le pouvoir, etc.

Les envahisseurs étrangers se sont toujours appuyés sur leurs suppôts  internes. Je suis désolé : Patrice Lumbuma et Maurice Mpolo n’étaient pas du même camp que Désiré Mobutu et Moïse Tschombé ; et il existe bel et bien un panafricanisme « Antaiste » qui montre la voie de la libération, de l’unité et du développement de l’Afrique, et un autre, « Senghorien » qui se soucie avant tout de « Pardonner à la France…» ! Il en est ainsi, que tu le veuilles ou non, et cela n’a rien à voir avec une simple vue de l’esprit d’un militant que tu crédites aimablement d’une certaine expérience syndicale et politique.

Le propos est donc clair : c’est au nom d’un panafricanisme chloroformé, qui fait fi de ces antagonismes réels que tu voudrais nous embarquer dans une solidarité… automatique avec « le compatriote », « l’Africain ». Telle est la trame de ton propos, et face à cette entreprise d’embrigadement forcé, nous nous insurgeons pour dire : Non !

Le cadre du débat étant bien rétabli, venons-en à tes questions « éclatées ».

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1ere question : « En quoi le rachat des actions de Timis par Cosmos, ensuite par BP a-t-il pu faire perdre de l’argent au Sénégal ? »

Mais, pourquoi, à ton tour, ne commences-tu pas par le commencement ? Ces actions en question auraient-elles appartenu de tout temps au revendeur Timis ? Leurs conditions d’acquisition par ce dernier ne seraient-elles pas un sujet intéressant de discussion ? A moins qu’il ne s’agisse là d’une question sur laquelle on voudrait « fermer les yeux » ? Et pourtant nous sommes ici au cœur du problème qui nous  préoccupe, à savoir si cette transaction est oui ou non un bradage des intérêts du peuple sénégalais ! Ce qui choque, c’est bel et bien le modus operandi savamment et illégalement mis en place par M Frank Timis (qui serait un délinquant, un repris de justice) qui a bien spolié l’Etat sénégalais de ses ressources. Faut-il te rafraichir la mémoire sur ce stratagème consistant à mettre dans sa poche le fils de… ou le frère de… ? Le procédé, déjà utilisé ailleurs en Afrique, comme chacun sait, est toujours  d’une redoutable efficacité.

Sans doute vas-tu me reprocher d’être « hors sujet » mais ne trouves-tu pas intéressant que l’on se mette à parler au même moment de Plan Gabon Emergent, Plan Congo Emergent,… Plan Sénégal Emergent ? La leçon à en tirer : les politiques et  décisions qui engagent l’Afrique sont hélas, souvent prises ailleurs qu’en Afrique, avec des perspectives diamétralement opposées aux intérêts de notre continent.

Imagine un instant, que le (re)vendeur ait été non pas Timis, mais l’Etat sénégalais, agissant au nom et pour le compte du peuple sénégalais : où seraient alors passés les gains générés ? Certainement pas dans les poches de Frank Timis et de ses complices… sénégalais !

Puisque tu en parles, tu dois savoir que l’homme d’affaires roumain a récolté un bon paquet de 250 millions de dollars (soit près de 140 milliards de francs CFA) dans cette affaire, et cela rien que pour les 30 pour cent d’actions qui lui revenaient encore et sans compter les royalties étalées sur plusieurs décennies. Nous apprenons tout cela, non pas grâce à un gouvernement soucieux du principe de redevabilité vis-à-vis de ses mandants, notamment via son site officiel mais bien par les récents aveux du groupe BP,  après le tollé suscité par le documentaire de… BBC ! Au grand dam, il faut bien le dire, de M. Aliou Sall et de ses sympathisants !

2eme question : « En quoi de supposées redevances lors de la cession de parts entre les acheteurs Cosmos, BP et le cédant Timis auraient-elles fait perdre de l’argent au Sénégal ? »

Question surréaliste, mais il faudra bien y répondre, clarification oblige.

Avant de passer aux aspects financiers – car tout n’est quand même  pas une affaire d’argent dans le sujet qui nous occupe – permets moi une remarque préjudicielle : pourquoi devrions-nous accepter sagement que des négociants venus de nulle part se relaient nos biens jusqu’à ce que le dernier offrant vienne nous soumettre à son diktat ? Faut-il sous le fallacieux prétexte que nous ne perdrions pas de l’argent laisser piétiner notre souveraineté nationale ? Cette assertion selon laquelle on n’y perdrait pas de l’argent est du reste fausse, et nous allons essayer de le démontrer.

D’abord, il ne s’agit pas de «supposées redevances », mais bien, selon les dernières révélations de La Lettre du Continent, de royalties en espèces sonnantes et trébuchantes, indexées sur le prix du pétrole, sur quelques décennie. Il est vrai que ce n’est pas dans ta besace, Momar, qu’elles vont trébucher, ces pièces sonnantes, mais les intéressés, eux, pas naïfs pour un sou, ne douteront pas de la réalité palpitante de ces redevances.

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Tu le sais : à l’occasion de cette transaction l’Etat sénégalais a dû renoncer à son droit de préemption. Droit qui lui aurait permis de s’imposer comme acquéreur… de ses propres biens, pour pouvoir ensuite en disposer selon ses intérêts. J’ose espérer que tu conviendras bien avec moi que c’est là bien évidemment une très, très grosse perte pour le Sénégal ?

Et tu dois aussi savoir que l’Etat sénégalais aurait dû au moins encaisser ses impôts et taxes, comme dans toute transaction faite dans la transparence. Ce qu’il s’est interdit de faire… Pourquoi ? Et qu’on ne vienne pas nous dire que ces opérations seraient exemptes d’impôts parce que réalisées dans la phase d’exploration ! Qu’est-ce-que Timis a exploré ? Nous avons affaire à un spéculateur, expert en la matière, qui s’est enrichi, certes en courant des risques (bien calculés), mais qui n’a pas foré le plus petit trou, comme dirait Mody Niang, le redoutable chroniqueur.

Pourtant le chef de l’Etat, dépositaire du mandat populaire, maître de la décision, a été prévenu par les inspecteurs de l’IGE, dans leur fameux rapport, rédigé… sept ans auparavant, n’est-ce-pas, Momar ? Ce rapport qui aurait fait… sept longues années, sans finir de parcourir les couloirs de la présidence de la République en vue d’atterrir auprès de son auguste destinataire. Et dire que la trouvaille du « Fast-track » a été justifiée par le fait que les courriers officiels mettaient huit longues journées pour traverser l’Avenue Léopold Sédar Senghor ! Cette lenteur administrative a précisément servi d’alibi pour supprimer la Primature.

3eme question : « En quoi les salaires et primes d’un compatriote quand il travaillait pour Timis auraient-ils fait perdre de l’argent au Sénégal ? »

On pourrait se demander ce que viennent faire dans cette « polémique » les salaires et primes d’un  « compatriote » « qu’on ne défend pas » et qui, sous ta plume, perd jusqu’à son identité. Le pauvre !

Mais parlons-en donc : crois-tu, encore une fois, camarade, que tout s’apprécie en termes d’argent ? Ce compatriote sans nom, aurait-il seulement dû toucher le plus petit franc CFA dans cette affaire, quand on sait qu’il était un fonctionnaire de l’Etat, payé par celui-ci pour défendre ses intérêts ? Etait-il en mesure de s’acquitter de cette tâche régalienne dans ces conditions ? Aurait-il même été dans cette situation privilégiée s’il n’avait pas été le frère de… ?

Avant de passer au point suivant, nous sommes en droit de nous demander si Momar a cherché à savoir si le quidam en question est passé aux guichets du Trésor public pour y laisser les taxes sur salaires qui revenaient à l’Etat sénégalais ? Le cas non échéant, voilà ce que l’Etat du Sénégal aurait perdu encore dans l’affaire.

Il y a tout de même lieu, nous semble-t-il, de se demander encore : comment se fait-il que ces questions de toute évidence n’aient pas effleuré l’esprit de Momar ? Ce n’est pas bizarre, tout ça ? Veux-tu alors, à ton tour, constater ma grande affliction devant tant de … candeur ? Mais comme il ne s’agit que d’ « une soi-disant corruption »… Sans vouloir défendre qui que ce soit…

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4eme question que Momar n’a pas posée mais que lui nous rajoutons volontiers à sa liste d’interrogations : Au cas où le virement de 250.000 dollars à  la société de M. Aliou Sall était avéré, alors que cette somme serait censée couvrir des impôts et taxes sur quelque transaction, en quoi le Sénégal aurait-il perdu de l’argent ? 

Je te laisse répondre à cette dernière question que tu n’as pas posée.

Nous espérons seulement, là encore, ne pas être encore hors-sujet, au risque de voir la plume du maître biffer rageusement notre copie. Et si malgré tout nous étions au cœur des véritables interrogations ?

Ah ! Oui, Momar nous indique même par où nous aurions dû commencer notre propos pour lui porter la contradiction, lorsque nous lui manifestons notre accord sur sa mise en garde (« éviter d’être les tirailleurs de BBC »). Pour notre part, ce qui ne nous rassure pas, c’est que tu prennes quand même quelques libertés dans les citations que tu fais, en les coupant de manière à les tronquer ; car nous n’avons pas manqué de préciser : « … Pour autant, devrons-nous  être les complices de cette reconquête silencieuse et sournoise du néocolonialisme ? Nous faire les porte-voix d’un nationalisme de mauvais aloi ? ». L’envahisseur étranger (le colonisateur, le néo-colonisateur) s’est toujours servi d’un « cheval de Troie » pour accomplir son œuvre de domination. Voilà pourquoi ton pathétique appel à l’union nationale face au péril étranger ne pourrait être pertinent que dans la mesure où  le grain serait séparé de l’ivraie.

Et nous refusons de fermer les yeux sur cette entreprise de reconquête néocoloniale qui se mène au grand galop sous nos cieux, au vu et au su de tout le monde. Et cet accaparement de nos ressources nationales n’est qu’une étape (décisive cependant, si l’on n’y prend garde) de cette vaste entreprise. Oui, Momar, nous sommes en danger ! Nous en sommes bien conscient. Par contre, nous sommes plutôt inquiet quand nous constatons que des gens aussi intelligents et expérimentés que toi, ne voient ce danger se former qu’avec… la vidéo de BBC ! Le danger est autrement plus réel que dans cette coïncidence de dates anecdotique entre la sortie de cette vidéo et la tenue des assises du Dialogue National. Car tu ne peux ignorer que cette sortie aurait pu intervenir avant la dernière élection présidentielle de mars 2019.  Le ver était déjà dans le fruit.

Pourquoi une telle cécité ?

En un mot : dénoncer la campagne de BBC ne devrait pas dispenser le patriote conséquent de combattre Frank Timis et ses complices, ainsi que tous leurs acolytes, sans distinction.

Au juste, tu as oublié de répondre à « mes questions simples » : «  y a-t-il  ou non scandale sur le pétrole présentement dans notre pays ? Tout au moins, y a-t-il ou non des raisons de s’inquiéter à ce propos ? Ou tout simplement encore, y a-t-il, oui ou non de quoi se poser des questions ? ». Tu t’es contenté de les « éclater » – avec l’aide de ton expert, DG d’une société de la place, que tu as bien voulu appeler à la rescousse… Un simple oubli. J’en suis persuadé.

Ku bëreey daan ! 

obeye@







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