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Le Calvaire Des « migrants » à Paris

En quittant Dakar pour Paris, je croyais être venue dans la plus belle ville du monde pour me reposer, visiter les expositions du moment, aller au cinéma, voir parents et amis, me promener dans les magnifiques parcs de la Ville Lumière, faire mon pèlerinage habituel à mes Monuments éternels, bref jouer les touristes délestés de leur quotidien et pressés de humer l’air même pollué de Paris. Tant que je prenais le métro souterrain, tout allait bien. Puis j’ai bénéficié d’une voiture et le Paradis s’est mué en enfer.

Le long du boulevard périphérique, des pustules vertes comme des abcès sur la colonne vertébrale d’un géant malade sont alignés. De temps en temps, une pustule éclate et délivre son contenu. Un homme. Il est hagard, décharné, le regard vide de l’ affamé, les membres perclus de désespoir. Il a tout perdu. Il a traversé le Sahara dans des conditions indescriptibles, il a bravé les mers et les océans , il a déjoué les traquenards les plus compliqués. Et il est là, sur ce boulevard périphérique, réceptacle de toutes les pollutions parisiennes, coincé entre les voitures aux allures vertigineuses et les flics postés en nombre en arrière-plan. De temps en temps, un embouteillage ralentit le flux des voitures. Il se précipite vers les automobilistes, la main et sa misère en avant. Mes enfants reculent, effrayés, au fond de la voiture. Au début j’ai du mal à comprendre que ces pustules vertes, ce sont les tentes qui composent les camps de migrants dont parle la presse. Mais là, aucun doute, ce sont bien eux. Je croise le regard d’un Sénégalais. Oui je suis sûre. Ni Malien, ni Guinéen, ni Érythréen, celui-là est bien un compatriote. Je le reconnais à sa dégaine « bul faale », à son allure entre dandy misérable des tropiques et l’insolence caractéristique de certains jeunes du pays. Il pourrait être mon fils. Je hurle aux enfants que ces gens sont des humains et pas des bêtes sauvages. Le savent-ils encore eux-mêmes ?

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Il fait chaud à Paris, ces jours-ci . Une canicule où les températures frôlent régulièrement les 40 degrés. Et ces tentes hostiles et minuscules sont leurs maisons. Les larmes montent de mon ventre et se mêlent au bouillonnement de colère qui y couve. La compassion l’emporte. J’imagine les conditions de vie de ces gens condamnés par le système à quitter l’humanité pour être moins que des bêtes. On caresse la tête des chiens ici, mais on détourne le regard de son frère d’ailleurs. Bien sûr, il y a tous les bénévoles et les efforts entrepris pour alléger leur fardeau, mais sera-t-il possible de leur rendre l’humanité qu’ils ont laissée dans leur traversée ? Ce qui les attend, sans travail ni dignité n’est-il pas pire que ce qu’ils ont quitté ?

J’avoue que la question est complexe et nécessite probablement une réflexion plus poussée qu’un post épidermique sur Facebook. Mais pour l’amoureuse de Paris que je suis, cette ville n’aura plus jamais le même visage.

Texte recueilli de la page Facebook de l’auteure.







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