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Casse Toi Pov’con !

Casse Toi Pov’con !

Casse-toi pov’con, disait la pancarte brandie par cet homme au nez du président français Nicolas Sarkozy. C’était en 2008.

L’homme retournait à Nicolas Sarkozy la phrase triviale que celui-ci avait lancé quelques mois plus tôt à un homme qui refusant de lui serrer la main lui avait balancé : « Ah non, touche-moi pas ! Tu me salis ! »

Celui qui avait retourné sa phrase au président français fut interpellé par la police et poursuivi devant le tribunal, condamné pour « offense à chef de l’Etat » en vertu des articles 23 et 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Notez que « l’offenseur » n’a quand même pas été « cueilli chez lui » par une DIC, entendu pendant des heures et écroué aussitôt dans une sinistre prison. Non ! Il a été seulement « interpellé » puis poursuivi devant le tribunal. Et il n’est condamné qu’à une amende de …30 Euros…avec sursis. Il introduit un pourvoi en cassation pourtant ! Qui est rejetée.

Mais la Cour Européenne des droits de l’homme intervient. Elle condamne la France : «  le recours à une sanction pénale était disproportionné pour une critique de nature politique ». Le Parlement français prend note et adapte la législation française en matière de justice au droit européen. Le délit d’offense au chef de l’Etat est abrogé le 15 mai 2013.

L’offense à chef de l’Etat est remplacé il est vrai par les délits de  diffamation et d’injure. Pour lesquels une amende pouvant atteindre 45.000 euros peut être infligée. On pourrait penser que la peine s’est alourdie

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« Dans les faits, il est peu probable que vous écopiez d’une amende dépassant quelques centaines d’euros. Les dédommagements qui pourraient vous être demandés ne devraient pas non plus excéder 100 ou 200 euros », indique cet avocat cité par la revue Planète.

En fait dans les démocraties, on ne condamne plus, on ne poursuit même plus pour injure ou diffamation contre le chef de l’Etat encore moins pour « offense au chef de l’Etat ».

Ainsi, quand un stagiaire du Congrès, a insulté le président Donald Trump devant les caméras de télévision, en lui criant en face « Monsieur le président, allez-vous faire foutre ! (Mr President fuck off) » que croyez-vous qu’il s’est passé ? L’insulteur a reçu une mise à pied de son employeur d’une semaine ! Mais il y a pire concernant Donald Trump ! Il ne se passe pas de mois sans que n’apparaisse dans la presse des allégations sur sa vie sexuelle, avec souvent photos et des vidéos à l’appui.

Le président des Etats-Unis d’Amérique n’y répond jamais que par un communiqué de presse ou un tweet pour démentir catégoriquement. Ce n’est pas qu’en démocratie, l’insulte et la diffamation sont admises.   C’est qu’elles doivent être punies par des lois ordinaires, les mêmes auxquelles tous les citoyens ont recours. Pas de lois spécifiques pour le président de la République.

D’abord précisément parce que le président de la République n’est pas au-dessus des lois comme le souverain en monarchie. Ensuite comme l’Assemblée Nationale française l’indique dans l’exposé des motifs de la loi du 13 mai 2013 « Si le président de la République mérite évidemment le respect de ses concitoyens, une telle disposition dérogatoire au droit commun n’apparaît plus justifiée dans une démocratie moderne« . Et aussi surtout parce que cela menacerait les fondements de la démocratie que sont la liberté d’expression et la liberté de presse.

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Regardez ce qui se passe déjà depuis les arrestations successives de Guy Marius Sagna et d’Adama Gaye. La peur s’est installée dans les rédactions et jusque chez les bloggeurs. On s’autocensure désormais.

Quelqu’un m’a rétorqué en réponse à un précédent article sur ce même sujet : « Nous sommes des musulmans et notre société a des valeurs qui n’admettent pas qu’on insulte un ainé ou un supérieur hiérarchique »

A cela, je répondrais : « Fort bien, cher monsieur (c’est d’un homme qu’il s’agit), si cette société et ses valeurs vous conviennent ! Mon propos s’insère dans une critique de la société actuelle et se veut une contribution à l’avènement d’une société véritablement démocratique et plus développée économiquement, techniquement et culturellement.

On ne peut pas à la fois vouloir le développement dans la démocratie et vivre selon les valeurs et préceptes du 12eme siècle.

Retrouvez chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily

abathily@seneplus.com







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