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Mame Aly Konte, Une Vie De Sacerdoce Pour L’environnement

Mame Aly Konte, Une Vie De Sacerdoce Pour L’environnement

Notre confrère Mame Aly Konté, décédé dimanche 3 août à Mbour, a été pendant près d’un quart de siècle une référence dans la presse sénégalaise spécialisée en environnement et en sciences. Ce brillant géographe devenu journaliste a, dans les colonnes du journal privé Sud Quotidien, animé avec une vision pointue des chroniques sur le cadre de vie et le développement durable, plaçant l’être humain au centre des enjeux.

«Le médecin m’a dit de ne plus travailler avec la même intensité. La prochaine attaque risque de m’être fatale». C’est en substance les dernières paroles échangées au téléphone, il y a quelque deux mois, avec Mame Aly Konté, emporté par un malaise dans sa ville natale de Mbour à la suite d’ennuis de santé récurrents, selon son entourage. MAK, son appellation coutumière en référence à ses initiales, appartient à la génération de journalistes ayant intégré dans le milieu des années 90, la rédaction de Sud Quotidien, édité par le groupe de presse Sud Communication.

Avant d’embrasser le métier de journaliste, il a fait à  l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) de brillantes études en géographie, selon des témoignages de diplômés de ce département. Servi par une vaste culture générale, MAK a rapidement acquis les techniques de collecte et de traitement de l’information, au contact de grosses pointures du journalisme sénégalais et africain au sein du groupe Sud Communication. Il a plus tard certifié ses connaissances au contact d’autres cercles, scientifiques notamment, au gré de rencontres sur les plans national et international, comme journaliste ou comme consultant. Ayant fait avec lui, dans le milieu des années 90, nos premiers pas dans le journalisme, le directeur de la rédaction de Sud Quotidien d’alors, Sidy Gaye, a orienté la nouvelle cohorte en fonction des formations de base et de l’intérêt manifesté par les uns et les autres dans la couverture de l’actualité.

Ainsi, Mame Aly Konté a été, dès le départ, chargé des questions liées à l’environnement et au cadre de vie. Malick Diagne, en plus de l’actualité politique, s’est vu confier les sujets liés à la décentralisation et aux collectivités locales. Le Malien Oumar Kouressy a été désigné pour s’occuper de la santé et Bassirou Sow pour suivre l’actualité syndicale. Moi-même, en plus de mes tâches de reporter au service Economie, sous la direction de Bocar Niang, j’ai été chargé d’animer une rubrique hebdomadaire sur l’histoire du Sénégal et de l’Afrique. “C’est une partie de nous-mêmes qui s’en va. Chacun de nous peut présenter ses condoléances à l’autre. C’était un gars très correct qui a beaucoup fait pour le pays”: c’est le message laissé lundi par Sidy Gaye sur mon compte WhatsApp. Mame Aly Konté s’est chargé de la couverture des questions environnementales avec une régularité et une rigueur jamais démenties à Sud.

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Des journalistes de renom comme Michel Ben Arrous et Moustapha Sène, s’étaient déjà distingués dans la même tâche dans les colonnes de ce journal. Dans leur sillage, il a été auteur de dossiers qui ont contribué à la renommée du journal sur des sujets variés: l’engorgement de Dakar et les nuisances subséquentes, la pollution marine, de la baie de Hann, l’urbanisation, les villes du futur, les pesticides, la raréfaction des terres, le réchauffement climatique, la problématique des ordures ménagères, les maladies de fruits tropicaux comme les mangues, etc…

LA POLYVALENCE AU SERVICE DE L’INFORMATION

MAK n’était pas un fan de la couverture de l’actualité à chaud, préférant plutôt se consacrer ou coordonner la rédaction de grands dossiers pouvant paraître,  pendant un à deux jours et sur plusieurs pages. Et maintes choses y passent, avec des sujets à la croisée de la politique, de la géographie, de l’histoire, de l’économie etc… dans une perspective holistique où l’être humain est au centre des problématiques. Il a mené une vie de sacerdoce pour l’information environnementale, au regard des exigences professionnelles et des difficiles conditions de travail à Sud Quotidien et dans la presse sénégalaise de manière générale. MAK était certes spécialisé en environnement mais en réalité, ce féru de sciences était polyvalent.

En réunion de rédaction ou d’autres cadres de discussions formels ou informels, il a souvent fait des incursions en dehors de son champ de couverture habituel, de la politique aux sports, en passant par l’histoire, les faits de société et l’actualité internationale. Il mettait un soin particulier à illustrer ses papiers, avec des images prises par  le photographe Tiémokho Coulibaly (paix à son âme), ou des planches faites par les caricaturistes Mbaye Touré ou Samba Nar Cissé. Il lui arrivait d’aller lui-même dans la salle des photographes pour chercher des illustrations à ses papiers, qu’il rédigeait avec des mots  trahissant les avatars de son style universitaire, avec parfois des phrases longues, néanmoins compréhensibles.

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Cet homme était généreux dans la transmission de ses connaissances. Je  l’ai plusieurs fois vu en compagnie de jeunes journalistes, aussi bien de Sud Quotidien que de la radio Sud FM, leur prodiguant des conseils ou des orientations dans la manière d’écrire ou de préparer un reportage. J’ai personnellement plus d’une fois bénéficié de ses conseils. Ce fut le cas un jour quand j’ai rédigé un article sur  la substitution par les Pays-Bas de l’approche-projet par l’approche programme dans la gestion des problèmes d’environnement et de risques de pertes de financement. Il a mis un soin particulier à relire mon texte, l’améliorant sensiblement et, en connaisseur du sujet, m’a suggéré de le compléter avec d’autres éléments. Ces différentes qualités professionnelles lui ont permis d’intégrer des cercles internationaux l’ayant mené au journalisme scientifique. Quand, au début des années 2000, la Direction de Sud a décidé de confier de nouvelles responsabilités éditoriales à des jeunes de la rédaction, avec la nomination de Mme Saphie Ly Sow comme directrice exécutive et rédactrice en chef du journal, Mame Aly Konté a occupé une place importante dans le nouveau dispositif.

LA BONNE HUMEUR PERSONNIFIEE

Cet homme élancé, de teint clair, reconnaissable par sa calvitie et à vrai dire élégant, a toujours soigné  sa mise. Il ne passait pas inaperçu dans la rédaction de Sud où beaucoup de confrères, à commencer par votre serviteur, ne prêtaient pas beaucoup d’attention à leur port vestimentaire. Il avait aussi un don rare de ne jamais s’énerver, même pendant les moments d’extrême tension. Son caractère affable et sa constante bonne humeur lui ont fait traverser cette époque, souvent difficile, sans jamais perdre le sang-froid. Personnellement, en dix ans de collaboration, je ne l’ai jamais vu en colère. Il prenait avec beaucoup d’élégance les remarques sur ses écrits. Il avait une apparence de frimeur mais en réalité, c’est parce qu’il était enjoué. Il aimait s’exhiber, non pour étaler son pedigree et ravaler les autres, mais pour détendre l’atmosphère et faire rire.

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Avec un sens de la répartie et des formules puisées dans la culture populaire, dans un ouolof châtié, lui le Mandingue d’origine. “Na Kéba”, grand-frère en mandingue, une de ses appellations que nous avons adoptée à la suite de Bakary Domingo Mané (BDM), un de ses proches, a toujours pris nos plaisanteries avec humour et respect. Un jour, alors qu’en sa présence, je taquinais Bakary Domingo Mané sur “la révérence” avec laquelle ce dernier le saluait chaque fois qu’il le voyait, il en rit beaucoup avant de me faire remarquer : “Tu n’es pas comme Bakary. Lui c’est un initié” de l’aire culturelle mandingue ou l’usage, par signe de respect, est de ne pas appeler les aînés d’une manière crue.

C’est cet homme qui nous a quittés dimanche, à Mbour, sur la Petite-Côte sénégalaise, lieu d’implantation d’une importante communauté socé à laquelle appartenait MAK, membre d’une famille originaire de Casamance. «Je tiens beaucoup à la paix en Casamance parce que c’est ma région d’origine», m’a-t-il confié un jour. Que c’est triste de devoir parler de lui au passé. C’est d’autant plus déchirant qu’à Dakar, ville cruelle, on meurt sans s’être revus, pour reprendre ma consœur et amie Coumba Sylla. “Na kéba” quitte ce bas-monde, pour l’au-delà où il va retrouver des collègues de la même rédaction ou du même groupe de presse qu’il a côtoyés régulièrement pendant plusieurs années: Madior Fall, Mame Olla Faye, Thiémokho Coulibaly, Abdou Fall, Alain Sané, Chérif Elvalide Sèye, sans oublier les chauffeurs Amath Bâ et Mbaye Niang. Ces membres de la grande famille de Sud nous ont  devancé dans l’autre monde, destin commun et inéluctable de nous tous. Notre consolation, en croyant, reste nos prières pour le repos de leurs âmes, en attendant de les rejoindre.

A Mame Aly Konté, qui repose depuis lundi à Mbour, et tous les autres, que la terre leur soit légère.

Malick Rokhy BA

Bureau régional de l’Afp à Dakar

ancien rédacteur en chef adjoint de sud quotidien

mrokhy@hotmail.com malick.ba@afp.com







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