Parmi les valeurs ancrées dans le tréfonds de chaque sénégalais, figure la légendaire Téranga. Cette hospitalité est un legs que nos ancêtres ont bâti avec efficacité pour avoir ce peuple qui devrait être le premier exportateur de «modèle d’harmonie religieuse ».
Avant d’être accueil de l’étranger (d’un autre pays), la Téranga est d’abord cultivée et pratiquée entre les populations autochtones, à travers le cousinage ethnique (Sérère-Peul), le cousinage onomastique (Fall-Niang) et surtout la fraternité confessionnelle (chrétiens-musulmans). Cette concorde est le socle sur lequel prend appui notre identité qui nous a préservés jusque-là des ténèbres qui entachent l’histoire de beaucoup de peuples à travers le monde. Inutile de rappeler que ce pays à majorité musulmane a pris son indépendance avec un président de confession chrétienne. Il n’est plus nécessaire de présenter les cimetières mixtes. Le partage de présents entre musulmans et chrétiens lors des fêtes de Pâques ou de Tabaski n’a plus rien de solennel. L’option libre de la religion, dans une même famille, n’entame en rien les liens de consanguinité.
Pourquoi laissons-nous aujourd’hui les germes de la désunion s’insinuer entre nous ? Comment comprendre notre apathie devant les pyromanes non loin de provoquer les flammes qui consumeront notre précieux héritage ? Avons-nous perdu notre esprit de discernement devant ce sinistre scénario s’écrivant à nos dépens ?
En quelques semaines d’intervalle, le paysage médiatique sénégalais fut secoué par trois polémiques ayant comme dénominateur commun une levée de boucliers de beaucoup de musulmans à l’endroit de leurs frères chrétiens. C’est d’abord l’interdiction du voile à l’institut Sainte Jeanne D’Arc de Dakar, ensuite le licenciement de deux agents ayant bravé l’interdit de prier pendant les horaires de travail à la pharmacie Guigon et enfin, c’est l’Institut Européen des Affaires (IEA) de Dakar qui dans une note de service interdit formellement de prier dans l’enceinte de l’établissement.
Nous ne jugerons pas parce que n’ayant pas les moyens d’être assuré de la véracité des informations distillées dans la presse. Ce ne peut être d’ailleurs même pas notre compétence. Seulement, nous alertons sur une possible volonté de faire naitre l’animosité entre musulmans et chrétiens. Quand on parcourt les forums des sites internet et les réseaux sociaux, l’intensité des invectives, fait froid dans le dos. Le danger est qu’inconsciemment, chez notre peuple, surtout chez les jeunes, il se désagrège les fibres de la Téranga caractéristique de l’homo senegalensis.
À nous de refuser de tomber dans ce piège.
Amadou Hamé Niang est professeur de lettres modernes au lycée d’enseignement général de Diourbel. Doctorant en littérature comparée à l’UCAD.