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Du DÉbat Entre Boris Et Bachir

Du DÉbat Entre Boris Et Bachir

Des amis qui avaient gardé un bon souvenir de l’article que j’avais dédié à Cheikh Anta DIOP au tournant du 20ème siècle (« CHEIKH ANTA DIOP, L’AFRICAIN DU 20ÈME SIÈCLE » publié dans Sud-Quotidien en décembre 1999) m’ont plusieurs fois demandé voire sommé de le republier comme « contribution » au débat et échanges vigoureux qui ont récemment opposé les éminents intellectuels que sont Boubacar Boris Diop et Souleymane Bachir Diagne.

Notons que certains ont vite simplifié ce débat stimulant par la simple mais énigmatique formule : « le débat Boris/Bachir » !

Tout le monde aura remarqué la grande affection et l’estime profonde que la quasi-unanimité des contributeurs au débat ont affichées simultanément pour « Boris et Bachir » ou pour « Bachir et Boris ». La fine subtilité du penchant pour l’un ou pour l’autre ne se lisant parfois que dans la chronologie de la citation de leurs noms.

À mon humble avis, le grand vainqueur de cet échange intellectuel de haute facture, c’est sans conteste le peuple sénégalais et les peuples africains plus généralement puisque leurs fils et leurs filles ont enfin décidé de défier leur propre torpeur et inhibition pour aller à l’assaut de la « pseudo-mondialisation intellectuelle ». Une telle « mondialisation-marchandisation-dévalorisation-nivellement » a abouti au silence des intellectuels (surtout africains) en prétendant harmoniser toutes nos spécificités pour les réduire à une somme nulle qui nous empêche de nous exprimer, voire même d’exister dans notre identité propre.

Or donc, après l’ère combative de Cheikh Anta, Nkrumah, Dubois, Padmore, Césaire, Alioune Diop, Fanon, Jacques Roumain, Abdoulaye Ly, Amadou M. Mbow, Ki-Zerbo, Senghor-Dia, Amilcar Cabral, Mandela, John Henrik Clarke, Van Sertima, Cheikh Hamidou Kane, Amadou Hampâté Ba, Jeanne Martin Cissé, Aoua Keita, Annette Mbaye, Rose Bass, Rosa Park, Maya Angelou, Toni Morrison, Mariama Ba, Aminata Sow Fall, Aram Fall, Martin L. King-Malcom X, Amady Aly Dieng, Obenga, Ngugi wa Thiong’o, Pathé Diagne, Samir Amin, Iba Der Thiam, Walter Rodney, Hountondji, Molefi Asante, Doudou Sine, Sémou Pathé, Edem Kodjo, Alpha et Adama Konaré, Aminata Traoré, Mamoussé Diagne, Hamidou Dia, et tant d’autres géants politico-intellectuels du continent et de la Diaspora, l’Afrique est entrée dans une sorte de transition, une ère du « unfinished business » où tout propos sur notre combat intellectuel ou politique visant à refonder une pensée de notre action et à relancer notre émancipation et notre Renaissance est perçu comme « répétitif », « dépassé », « nostalgique » voire même « fanatique ». On a donc aujourd’hui absolument raison de se révolter contre un tel paradigme car tous les défis de l’Afrique de leur époque et de notre époque sont restés intacts et toujours étalés en surnombre sur la table de l’histoire contemporaine !

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Le deuxième vainqueur de ce grand débat, c’est certainement Cheikh Anta Diop lui-même, puisque l’intelligentsia africaine surprise dans son état de somnolence actuelle par le vigoureux débat Boris/Bachir, a vite retrouvé ses sensations, une nouvelle jeunesse, une nouvelle vigueur, celle des années « de braises et d’engagement pour des causes ». Cette intelligentsia a vite repris sa plume pour commenter la pensée politique visionnaire et l’immense œuvre scientifique et intellectuelle du savant cheikh Anta Diop appelé par beaucoup et sans aucune exagération « le Pharaon du savoir » ou « le dernier Pharaon », ceci dans un élan de gratitude pour les grands bâtisseurs négro-africains de l’antiquité pharaonique.

J’y ajouterai pour ma part – et sans hésiter – que Cheikh Anta Diop de par sa pensée et son œuvre est le héraut inégalé et le précurseur incontesté du Mouvement de la Renaissance africaine de notre époque. Ce Mouvement, on le sait, est le seul à pouvoir lancer le siècle des lumières en Afrique : « Armez vous de sciences jusqu’aux dents ! », nous avait légué le maître ! Une façon de nous exhorter à ne délaisser aucun domaine du savoir aux autres et d’être toujours « meilleur parmi les meilleurs » !

Enfin les autres grands vainqueurs de cet échange mémorable et respectable sont bien sûr les deux protagonistes « Boris/Bachir », « Bachir/Boris » devenus presque un binôme ! En plus d’être auréolés du respect et de l’admiration renouvelés de leurs compatriotes africains et de leurs partisans, ils ont aussi appris à ces mêmes compatriotes et partisans à comprendre les vertus salutaires d’une polémique quand elle est saine, bien intentionnée, argumentée et substantielle.

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Étant un militant panafricaniste d’obédience Cheikh Anta, Nkrumah, Garvey assumé, il serait un exploit de ne pas deviner ma sensibilité dans ce débat. Toutefois, parent de l’un, ami de l’autre, mais plus fondamentalement frère et admirateur de ces deux sommités intellectuelles, j’ai fait le choix de l’apaisement et du dépassement au plus vite entre ces deux esprits puissants qui ont incontestablement honoré l’Afrique pendant toute leur carrière du reste « still in progress ». Nous leur souhaitons de se sentir fiers et honorés tous les deux d’être –par cet échange- davantage associés, d’une façon ou d’une autre, au nom de l’illustre savant Cheikh Anta Diop.

Victime de campagnes périodiques de dénigrements intellectuels, de calomnies pseudo-scientifiques, persécuté dans son propre pays au plan politique et injustement marginalisé au plan académique, Cheikh Anta est en définitive mort « relativement jeune » à l’âge de 63 ans. Il avait été murmuré à l’époque qu’il avait sûrement succombé suite à un épuisement et un stress lourd permanent, comme on dit « mort à la tâche ! », car il s’était dépensé sans compter pour NOUS dans le seul but de rendre aux Africains leur dignité et de les doter des armes leur permettant de renouer avec « l’initiative historique ». Pour cette raison majeure, Cheikh Anta, son combat, sa vision et son œuvre avaient besoin de ce choc des titans pour rebondir, 33 ans après sa disparition prématurée.

Assurément la relance dans le futur proche de la pensée et du combat de Cheikh Anta devra beaucoup à Boris et à Bachir.  Au total donc, gratitude, affection et respect pour Boris/Bachir.     

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Quant à nous qui avons choisi sans ambages notre camp, renouvelons notre serment de fidélité, de perpétuation-approfondissement et surtout de mise en œuvre de l’œuvre colossale de l’Africain du siècle (passé) voire de l’homme du siècle : l’illustre Professeur Cheikh Anta Diop, logé pour l’éternité dans nos cœurs, nos prières et nos espérances. 

Cheikh Tidiane Gadio est président de l’Institut Panafricain de Stratégies (IPS), député, ancien ME/MAE.

NDLR – Le texte ci-dessus est un prélude à l’article intitulé : « Cheikh Anta Diop, l’africain du siècle« , publié 20 ans plus tôt par Cheikh Tidiane Gadio dans Sud quotidien et dont SenePlus fait le relais dans le contexte du débat mettant aux prises Boubacar Boris Diop et Souleymane Bachir Diagne.







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