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Offensive Du Tet Jihadiste

L’attaque jihadiste contre la garnison de Kati où vit le président de la Transition, Assimi Goïta, et le ministre de la Défense, Sadio Camara, a les mêmes objectifs que l’offensive du Viet Cong contre les troupes américaines à Saïgon et dans plus de 100 autres villes au Viet Nam du Sud en janvier 1968.

Cette offensive du Tet qui vit le Viet Cong s’infiltrer militairement à Saïgon et attaquer l’ambassade des Etats-Unis, le bâtiment le plus protégé de la capitale, fut le tournant de la guerre. Na­tu­rel­le­ment la riposte américaine fut foudroyante.

L’offensive fut un désastre militaire pour le Viet Cong car aucune des villes ciblées ne fut conquise mais elle fut une grande victoire politique, car l’opinion américaine fut définitivement convaincue que la guerre était perdue.

L’offensive du Tet, cette défaite militaire mais immense victoire politique et psychologique, comme la bataille d’Alger en 1957 pour le Fln, fut le début de la fin de l’intervention américaine au Vietnam. L’attaque de la garnison de Kati où vit Goïta comme celle de l’ambassade des Etats-Unis à Saïgon en janvier 1968 vise à montrer aux Maliens que si le président de la Transition n’est pas en sécurité, personne ne peut l’être nulle part au Mali. Deuxièmement, cette attaque a aussi pour objectif, comme l’offensive du Tet, de déconnecter les populations des forces armées censées les protéger et qui ne sont elles-mêmes, pas à l’abri. Le principal objectif de l’attaque de Kati, loin d’être militaire, est surtout psychologique, car le message s’adresse surtout aux populations qui vont se retrouver entre le marteau jihadiste et l’enclume de l’Armée.

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Dans la bataille de l’opinion, l’offensive du Tet a mis fin aux communiqués triomphalistes du Pentagone sur la stabilisation de la situation sur le terrain. L’attaque de Kati va avoir le même effet sur la communication récurrente de la montée en puissance de l’Armée malienne. Peut-être que la montée en puissance est vraie, mais l’attaque de Kati va jeter le doute dans l’esprit de la population car les Russes, comme les Américains au Vietnam, n’ont pas pu empêcher que les maquisards attaquent le centre névralgique doublé d’un symbole. C’est pourquoi les jihadistes viennent de remporter une grande victoire politique et psychologique, car la menace n’est plus à Kidal, à Menaka, Aguelok ou aux portes de Bamako, mais au cœur de Bamako, et vont accentuer la bataille politique de la querelle des allégeances avec l’Etat car comme le dit si bien Carl Schmitt : «Pourquoi les hommes donnent ils leur consentement à la puissance ? Dans certains cas par confiance, d’autres par crainte, parfois par espoir, parfois par désespoir. Toujours cependant, ils ont besoin de protection et ils cherchent cette protection auprès de la puissance. Celui qui n’a pas la puissance de protéger quelqu’un, n’a pas non plus le droit d’exiger l’obéissance.»

L’attaque de Kati est un tournant de la guerre pour le Mali mais aussi pour le Sénégal car elle montre les limites de la stratégie d’endiguement du jihadisme au Nord puis au Centre.

En plus, le jihadisme n’est plus seulement un débordement ou une excroissance des islamistes algériens refoulés militairement au Nord Mali par l’Armée algérienne, ou des groupes Touaregs qui islamisent leur combat contre le pouvoir central de Bamako, mais il est devenu local, avec les mêmes populations de part et d’autre de notre frontière avec le Mali. La menace n’a jamais été aussi proche et tout le monde l’a vu venir. Ce qui qui fait que le Sénégal ne pourra pas se cacher derrière l’alibi de ce que Raymond Aron appelle «l’illusion rétrospective de la fatalité».

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