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L’antipatriotisme Contagieux

Un journaliste africain, blanchi sous le harnais, rencontré quelque part dans le monde, attirait l’attention de son inexpérimenté confrère que je suis sur notre rapport à la patrie. Illustrant son propos d’exemples tirés de son instructif parcours et de son espace de sens, il m’interloque en me disant ceci : « ces gens-là (les Japonais), ils aiment leur pays. Le mien, l’inconduite de certaines autorités publiques m’en ont détourné ».

Impuissant face à la « divinité détestable », pour ainsi nommer le président de la République de son pays, au pouvoir depuis plus de trois décennies, il n’a pas trouvé mieux à faire que d’envoyer son frère et son fils aîné en Europe pour s’y fabriquer un destin moins tragique que celui promis aux jeunes du gangréné bled. En attendant de trouver une porte de sortie à sa fille ! « Ils n’ont aucun avenir ici », assure-t-il, comme pour apporter un soulagement à sa détresse. J’ai même été tenté de croire, un instant, qu’il ne s’agissait-là que de creux propos d’un pourfendeur désenchanté feignant le désespoir pour justifier sa haine de la patrie.

Je fus encore surpris de le voir béer d’étonnement lors d’une discussion à trois avec un ancien volontaire japonais. Celui-ci, ayant alors voulu « être utile à l’humanité », avait pris l’option de vivre, pendant un moment, dans un village africain réputé dangereux à cause des colonies d’insectes. Cette altruiste âme asiatique, qui a quitté son confort pour venir en aide à des populations happées par le sort, fut à son tout éberlué d’entendre le journaliste africain lui avouer : « tu as consenti un sacrifice que moi, originaire de ce patelin, je ne suis pas prêt à accomplir ». Le coupable est tout trouvé : « je ne vais pas me tuer à faire un travail dévolu à un gouvernement apathique. S’occuper de ma famille est déjà une charge écrasante ».

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L’insensibilité de certains gouvernants africains face au drame qui se déroule sous leurs yeux, en plus de produire la désespérance, engendre un individualisme presque légitime et ce que l’on pourrait appeler l’émiettement de l’effort collectif. Car, en réalité, celui-ci n’est soutenu que par cet apaisant sentiment que ceux qui président à la destinée du peuple sont motivés par ce désir ardent d’assurer son bien-être. Mais, le plus tragique dans la rupture de ce contrat de confiance et de cet élan de foi est l’altération du rapport à la patrie qui finit par n’être qu’une abstraction comme la cessation de la vie l’est, quelquefois, chez le môme. L’amour de la patrie galvanise, libère l’énergie d’un peuple préparé à répondre aux défis de son temps et de l’avenir. Malheureusement, ce patriotisme ne se manifeste qu’aux heures d’ivresse collective. Notre quotidien n’est point empreint de cette haute conscience de la chose commune parce qu’un ressort s’est cassé depuis belle lurette. Et pour plusieurs raisons. L’une d’elles, au-delà du « formatage des esprits » et de la trajectoire historique, me semble être la relation qu’entretiennent l’administration, en tant que sphère partagée et de prestation de services, ceux qui l’incarnent et le citoyen.

La réalité est que tous les usagers ne jouissent pas des mêmes privilèges selon qu’ils soient d’une obédience ou d’une autre, affiliés à une coterie ou démunis de toute accointance. Le policier qui se mue en racketteur ne fait pas que trahir la mission pour laquelle il est payé. Il est en rupture avec la patrie et la puissance publique finit par inspirer de la répugnance à celui qu’il dépouille en se prévalant de sa fonction viciée par son antipatriotisme. Il en est de même de l’officier d’état civil, du douanier, du ministre de la République, du député…qui, par leurs comportements, sont susceptibles de rompre ou de pervertir le rapport du citoyen à la patrie. C’est pourquoi, le Programme d’appui à la modernisation de l’administration lancé, en août dernier, est une louable initiative mais il ne saurait en résulter une large satisfaction sans une conscience claire de la responsabilité incombant à chacun dans ce combat collectif.

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