La Chine rivalise d’ardeurs avec les Etats-Unis, porte drapeau du capitalisme libéral, pour mener le leadership international.Avec 1.4 milliard d’habitants éparpillés sur une superficie de 9,6 millions de km2,la Chine se dresse contre les Etats-Unis où dorment 328 millions d’âmes sur une superficie d’environ 9,8 millions de km2. Une vision contre une vision, une finalité contre une finalité, une politique contre une politique, une pratique diplomatique contre une pratique diplomatique, des atouts contre des atouts, des résultats contre des résultats.
Le modèle chinois est fondé sur une vision inspirée et justifiée par une idéologie communiste où la liberté se confond à l’égalité des conditions de vie économiques, sociales et culturelles. Le modèle américain est fondé sur une vision inspirée et justifiée par une idéologie capitaliste où la liberté se confond à la propriété privée des moyens de production et d’échange qui discrimine économiquement, socialement et culturellement. Comme toute vision porte en elle de manière téléologique une finalité qui s’exprime nécessairement par une politique, la finalité de la vision communiste est l’avènement d’un monde sans discrimination tandis que celle capitaliste vise l’avènement d’un monde où le stimulus repose sur la discrimination.
La politique d’inspiration communiste qui traduit la vision et la finalité en réalité palpable est forgée par le parti communiste qui synthétise en les cristallisant toutes les aspirations des citoyens. Le parti s’identifie et se confond à l’Etat démocratique qui résorbe toutes les contradictions. Un parti et un Etat qui ne sont légitimes que parce qu’ils garantissent le bien-être du peuple chinois dans le cadre d’un idéal égalitaire. Ce parti dans sa définition et ses principes ne peut qu’être unique.
La politique d’inspiration capitaliste qui traduit la discrimination au sein de la société est portée par des partis à l’image des contradictions nées des différents groupes dont ils défendent leurs intérêts particuliers. Un pluralisme politique qui défie l’unité démocratique sociale. Enturbannée d’atouts géopolitiques et démographiques, la Chine étale des résultats merveilleusement éloquents qui s’appuient sur une pratique diplomatique assise sur la paix, la solidarité, la coopération,l’ouvertureet le partage. Au protectionnisme américain elle oppose le libre-échange, l’ouverture et le partage, aux interventions militaires américaines elle oppose une coopération pacifique, aux sanctions économiques américaines elle oppose la solidarité entre les peuples.
La Chine n’agresse, ni n’envahit, ni n’opprime des peuples pour les asservir.Elle tient autant à la stabilité et à l’intégrité de tous les Etats qu’à la stabilité de son propre Etat dont elle protège jalousement son intégrité. Elle n’a pas besoin d’une domination impérialiste pour se développer, tout le contraire des USA. Les Etats-Unis ont besoin de détruire militairement l’Irak et l’Afghanistan, d’étouffer politiquement et économiquement l’Iran et le Venezuela, d’être le gendarme du monde pour défendre leur position de puissance. Ils tuent des enfants, font souffrir des peuples et éclater des Etats, favorisent des conflits par états interposés, rien que pour sauvegarder des intérêts de première puissance économique. Ils créent des sociétés secrètes, soumettent les institutions internationales pour manipuler le monde dans le sens de leurs propres intérêts, objectifs et aspirations.
L’Amérique contrôle la monnaie internationale, le dollar qu’il utilise pour combler son déficit commercial, de l’économie spéculative. La Chine détient les plus grandes réserves d’échange en dollar et le plus grand marché intérieur du monde, de l’économie réelle. L’ouverture de la Chine lui a permis d’acquérir de la technologie pour développer ses forces productives mais aussi de se doter d’un puissant système financier. La Chine devient l’atelier du monde mais également le marché du monde. Elle attire industries et biens semi-industriels. Les investissements directs étrangers (IDE) vers l’Occident ainsi que ceux provenant de l’occident vers la Chine assurent des transferts de technologies qui dopent la productivité de l’économie chinoise. Le processus de désindustrialisation de l’occident (lié à la délocalisation des entreprises et industries) est d’ores et déjà entamé laissant derrière elle des traînées de chômage et de perte d’emplois.
La rentabilité financière des entreprises d’Etat associée au dynamisme de celles privées, le contrôle du système financier et monétaire par l’Etat, la redistribution efficace des revenus assurent et garantissent la compétitivité et l’efficacité de l’économie mais aussi et surtout la protection et la sécurité sociale des populations chinoises. Les entreprises publiques représentent 40% des actifs et 50% des profits générés par l’industrie et sont prédominantes à plus de 80% dans les secteurs stratégiques tels que le pétrole, le gaz, l’électricité, le nucléaire, l’armement, la sidérurgie, les infrastructures et les transports. Les performances économiques, sociales et politiques (stabilité sociale et politique) du système chinois sont à envier. La Chine est la première puissance économique et la deuxième puissance militaire du monde.L’économie chinoise se présente comme un modèle alternatif au modèle capitaliste occidental.
Quelle que soit la résonance positive de ses résultats honorables, ces performances ne sauraient représenter les objectifs ultimes de la Chine communiste. L’idéal de la Chine est d’implanter l’économie communiste dans le monde de manière pacifique et fraternelle. La politique sociale et économique actuelle de la Chine n’est qu’un moyen pour préparer la transition d’une économie capitaliste à une économie communiste en passant par une « prospérité modérée dès 2020 comme promit par Xi Jinping». C’est une douce et paisible alternative à la révolution violente de 1917. La plateforme d’échange et de coopération win-win symbolisée par les nouvelles routes de la soie est un lieu où se joue une communauté de destin des peuples. A la concurrence et compétition hostile et violente des occidentaux, elle devrait proposer un partage de profits et une ouverture douce, solidaire et coopérative.
La Chine accélère le dépérissement du système capitaliste au profit des peuples. Elle transforme par la délocalisation et l’exportation des économies fortes en champ de ruines sans crépitement de mitrailleuses et de canons à chair. Pour s’en sortir et maintenir leur stabilité politique et sociale, les pays occidentaux doivent lancer de vigoureuses reformes sociales et économiques à l’image du modèle alternatif chinois.
La maturité de la révolution communiste ne survient que lorsque le développement des forces productives du capitalisme s’oppose au progrès social, disait Karl Marx. A l’heure de l’intelligence artificielle, de la robotisation de toutes nos activités, de l’information et la communication instantanées, nous sommes bien à la croisée des chemins. Les peuples opprimés par ce progrès technique s’indignent, se révoltent et revendiquent leur part légitime et libératrice du gâteau. Ils requièrent de la liberté et du bonheur. Ils deviennent intransigeants et exigeants. Les citoyens et les peuples sont désormais conscients de la capacité et du potentiel historique dont dispose l’homme. Il n’y a aucun doute que l’humanité a créé toutes les possibilités et toutes les opportunités nécessaires à son bien-être écologique, social, culturel et sécuritaire.
Ne pas comprendre l’esprit et la dynamique de l’histoire, c’est ignorer le sens de l’histoire, c’est se mettre à contre-courant de l’histoire, se laisser dépasser par l’histoire, se laisser exclure de l’histoire. L’actuel système alternatif chinois apparemment paradoxal n’est que la stratégie politique qui donne le moyen permettant d’atteindre la fin communiste en créant un environnement propice à la déchéance du système capitaliste.
Dr. Abdoulaye Taye
Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop de Bambey
Président de TGL (voir Tôt, voir Grand, voir Loin)
Initiateur du projet RBG-AMO
Opérateur politique