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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Halte Au Slogan «ubi Tey, Jang Tey» !

Certains seront tentés de se demander de quoi on se mêle. Voici notre plaidoirie. Durant notre carrière d’enseignant de trente (30) ans (1965-1995), nous avons traversé tous les corps, à l’exception de celui des moniteurs auxiliaires et adjoints, dispensé des cours de pédagogie à l’Ecole nationale d’Enseignement technique féminin de Dakar, et d’Administration scolaire à l’ex-Ecole normale supérieure de Dakar, aujourd’hui FASTEF.

De plus, cette contribution n’est pas une première en la matière. Bien avant, alors instituteur, nous avons été l’auteur d’articles sur l’éducation :

« Coude à coude sur le chemin du renouveau » ;

« Viatique pour l’éducation de l’an 2002 » ;

« Les foyers socio-éducatifs en question ».

Ont ensuite marqué notre statut d’Inspecteur, les productions suivantes : « La coopération scolaire » ; « L’animation sportive et le sport de masse » ; « Quelles actions pour le développement de l’éducation physique et sportive » ; « Le Système éducatif du Parti démocratique sénégalais ». Par ailleurs, dans le cadre du « Projet Education IV », financé par la Banque mondiale, nous avons été « Responsable délégué » de l’étude « Renforcement de l’inspectorat ». Au demeurant, nous avons été parent d‘élève. Aussi, rien de ce qui est propre à l’Ecole ne nous est-il étranger.

Permettez-nous, donc », d’apporter notre grain de sel, relativement au concept « UBI TEY JANG TEY (U.T.J.T), litanie déclamée, depuis 2014, sans grande réalité ; « slogan creux, de l’avis de M. Massar Talla, Coordonnateur des parents d’associés à l’UNAPES – Thiès.

D’abord, comment comprenons-nous ce binôme, et, soit dit en passant, qu’est-ce qu’il implique ? A notre humble avis, traduisant prosaïquement, il s’agit de faire coïncider la date d’ouverture des classes et le démarrage effectif des cours. Sur l’heure, véritable chimère, eu égard aux facteurs bloquants d’en face. Nous y reviendrons. Dans un Etat démocratique et républicain, la justice, l’égalité et l’équité appellent que U.T.J.T soit réel et incontestable sur l’ensemble du territoire national, en ville comme à la campagne, dans toutes les écoles publiques et privées, pour tous les écolières et écoliers, enfants de riches et de pauvres. Et ce, en plus d’avoir, partout, un personnel qualifié et suffisant. Nous disons, oui, s’il en est ainsi ; non, dans le cas contraire.

A la question du journaliste, M. Ousseynou Baldé, de savoir s’il (a) l’espoir que le concept U.T.J.T sera une réalité, le Ministre de l’Education nationale, M. Mamadou Talla, a répondu en des termes qui, en l’espèce, ne nous semblent pas adéquats, parce que déphasés : « Pour les enseignants et le personnel administratif, le travail a déjà commencé » ; « Nous avons passé pratiquement tout le mois de Septembre à travailler pour la rentrée à travers des séminaires et plusieurs rencontres (séminaire de rentrée de 4 jours avec les partenaires sociaux, la société civile, les enseignants, les inspecteurs ; séminaires pour affiner les décisions prises ; CRD dans la zone Sud » (AS n°4179 du 30-10-2019-Page 3). Véritable ersatz ! Tout cela ne saurait concrétiser le concept « U.T.J.T ».

Au plus, ces actions constituent-elles un conglomérat de préalables. Ne prenons pas les vessies pour des lanternes, ou l’ombre pour la proie ; pas même, à travers la restauration de bâtiments par certaines collectivités locales, à l’instar, de la Mairie de Guédiawaye, d’une part et, d’autre part, mais, encore moins, par le biais d’un apport de fournitures scolaires, à l’image du geste des maires de Tamba, Pout, Sicap- Mbao (Livraison faite depuis Juillet) et de Yoff , avec, ici, un réaménagement du slogan : « Ubi tey, Joxe fournitures tey ». Répudions le mirage.

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Diluons notre citronnade ; elle est trop acide. Panachons notre champagne ; il est trop enivrant. Même s’il est permis de rêver, revenons sur terre : les facteurs bloquants de U.T.J.T sont nombreux et fort complexes. A nos yeux, le premier obstacle résulte des intempéries, notamment des inondations, devenues récurrentes, dans presque tout notre pays, particulièrement, à Dakar, Thiès, Kaolack, Diourbel, Saint-Louis, Ziguinchor. Or, pour y remédier, rien ou peu n’est fait : inertie et impuissance, par-ci ; saupoudrage, vanité et superficialité des actions, par-là.

A la vérité, concernant les infrastructures, les grands investissements font défaut, et même, en matière d’assainissement banal, à savoir, le curage pré-hivernal des canalisations, rien n’est assuré, ni profondément ni partout ; plus, s’il l’est, l’anticipation n’est pas toujours au rendez-vous. Les orages et les vents, ainsi que les fortes précipitations sont des sources de scalp des toitures de nos écoles, en mal d’entretiens, et de destruction de nos écoles-classes paillotes (Abris provisoires). En effet, ici, le roseau ne saurait plier ; comme sous le zéphyr, il se rompt, accompagnant, dans leur chute, comme sous l’aquilon, le chêne – entendez les bâtiments -.

Avec les changements climatiques, l’homme risque d’être quasiment démuni et submergé par la nature. A l’avenir, face à la coalition « Fortes pluies – débordement des océans, mers et rivières », il est loin, le temps, pour le monde en général et, pour notre pays, en particulier, de dire adieu aux inondations. C’est que l’hivernage ne court plus à partir de Mai, comme au bon vieux temps. Il est moins précoce, car s’acoquinant, ces dernières années, à Dakar surtout, avec les mois de Septembre et Octobre. Pour des raisons multiples, c’est, virtuellement, le cas, depuis longtemps. Regardons nous, droit dans les yeux ! Ne nous voilons pas le visage !

Convenons, donc, qu’il faut oser modifier le calendrier scolaire, spécifiquement, en renonçant à l’ouverture des classes en Octobre. N’ayons pas peur de revenir à la pratique coloniale d’une rentrée en NOVEMBRE et d’une fermeture en JUILLET, soit neuf (09) mois. Quelle différence d’avec aujourd’hui ? Nous voyons les altermondialistes faire la moue. Mais, enfin, nous ne disposons pas ; simple proposition de notre part !

LE DEUXIEME OBSTACLE

Dans la course vers « U.T.J.T », c’est la haie « Personnels », à franchir inéluctablement. Une condition s’impose, c’est la prise de service effective d’enseignants bien, formés – troisième priorité du Ministre de l’Education nationale -, notamment, de ceux dits « Craie en main » et, en particulier, de professeurs, fort rares et, en nombre faible, dans les disciplines suivantes : Philosophie, Maths, Physique-chimie, Sciences naturelles, Espagnol, etc), et ce, dès le premier jour de la rentrée et dans tous les établissements du pays.

Avouons qu’on est loin du compte.

Selon M. Abdoulaye Faty, syndicaliste du S.E.L.S/A, cette année, le déficit est de 1500. Pour l’avenir, l’Etat doit s’évertuer à maitriser les effectifs. De ce point de vue, il me semble indispensable de procéder à un audit exhaustif. En quoi faisant ? Plus précisément, il s’agira de dresser un état des lieux. A tout le moins, l’étude devra dégager : le nombre d’enseignants en exercice dans les classes et ceux hors circuit, pour diverses raisons :

– Surveillants ;

– Agents en disponibilité, détachement ou délégation, dont les permanents des syndicats ; à cet égard, il conviendra, par la suite, de veiller scrupuleusement à la date de reprise de service des bénéficiaires ;

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– Agents en position de stage, mis à disposition, maintenus par ordre sans affectation ;

– Malades en congé de longue durée ;

– Agents incarcérés. La finalité de l’audit pourrait être :

– de corriger, en plus ou en moins, le nombre brut d’enseignants (97 048, soit 72 % des effectifs de la Fonction publique : 140 000, dixit le Ministre de l’Education nationale) ;

– de déterminer les besoins réels ;

– de tirer toutes les conséquences, comme procéder à un recrutement spécial, si nécessaire ;

– de rationaliser les affectations, par exemple, en fixant un ratio « Nombre de surveillants / Effectifs ou nombre de classes »

LE TROISIEME OBSTACLE

Il est relatif aux dépenses scolaires, diverses et coûteuses. Si elle est encore actuelle et, si ma mémoire est bonne, la nomenclature en vigueur, au moment de notre enquête, sur le sujet, au Lycée Lamine Guèye de Dakar, elle serait comme ci. En premier lieu, il y a l’inscription proprement dite, dont les taux sont très élevés dans l’enseignement moyen et secondaire ; entre 3000 et 10 000 F. Insupportable pour les parents déshérités, majoritaires, à l’aune de l’indice de pauvreté au Sénégal, et au reste, généralement, pères de familles nombreuses. Dans le privé, c’est pire, avec des taux exorbitants. S’y ajoutent, l’assurance scolaire et les cotisations à l’Union des Associations scolaires et universitaires (U.A.S.S.U), au Fonds d’Appui aux Examens et Concours (F.A.E.C) pour les élèves de CM2 et de 3e, à l’Association des Parents d’élèves (A.P.E). Concernant ce dernier élément, deux choses indues retiennent notre attention. Primo, l’A.P.E est une personne de droit privé. L’école ne doit pas se mêler de ses affaires; tout au plus, peut elle conseiller et sensibiliser. Secundo, l’adhésion doit être volontaire et la cotisation payée, “per capita”, c’est-à-dire, par parent, et non par élève : avoir plusieurs enfants, dans la même école, ne devrait pas obliger à verser pour autant. De surcroît, il faut relever, pour le déplorer, le fait que des A.P.E, à l’occasion du recrutement au Cours d’Initiation, contraignent, en plus, à une participation spéciale à leurs oeuvres futures. En conséquence, à notre sens, il convient de mettre de l’ordre dans les versements au profit de l’A.P.E. Où est donc la gratuité de l’éducation tant chantée ?

LE QUATRIEME OBSTACLE

La première priorité du Ministre de l’Education nationale, c’est l’apaisement du climat de l’espace scolaire, malheureusement, très vicié, singulièrement, par les revendications légitimes des instituteurs et professeurs, objet, par exemple, des accords comme ceux du 17 Février 2014 et du 17 Avril 2017, acceptés par les deux parties, non encore, totalement, appliqués, et qui, pourtant, ont été qualifiés, par l’ancien Ministre de l’Education nationale, M. Serigne Mbaye Thiam, de réalistes et réalisables.

Les récriminations relèvent de plusieurs ordres ; elles touchent:

1 – à la forme des négociations :

– convocation discriminatoire des syndicats, au grand dam de ceux pris, par le Gouvernement, pour non représentatifs, au nombre de vingt (27), regroupés dans le G.20 ; ségrégation au bénéfice du camp adverse, en l’occurrence, le G.5, agrégat de cinq (5) ;

– contestation de la légitimité du choix du G.5, pour représenter les enseignants à la table des négociations, récusation liée au rejet, par le G.20, des résultats aux élections paritaires dans le secteur de l’éducation ;

– désignation du Ministre Cheikh Kanté, pour conduire le monitoring des négociations, en lieu et place, d’autorités plus attendues, pour avoir été impliqués dans la chose ; nous pensons à Mme Mariama Sarr, Ministre de la Fonction publique et à ses prédécesseurs, M. Mansour Sy et M. Samba Sy ;

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2 – à la situation des infrastructures scolaires :

– délabrement avancé dans plusieurs établissements, mettant en danger la vie des enseignants, à l’image des Lycées Mame Cheikh Mbaye de Tambacounda et Valdiodio Ndiaye de Kaolack ; – persistance des abris provisoires, avec quatre mille cent cinquante (4150 sur 6000), restant à remplacer ;

3 – aux affaires statutaires :

– harmonisation des salaires des fonctionnaires de la Fonction publique ;

– violation des droits des enseignants des écoles franco-sénégalaises ;

4 – aux problèmes financiers :

– non-paiement des indemnités dues aux enseignants chargés des classes à double flux ;

– survivance des impositions sur les salaires et les indemnités ;

– prêts D.M.C non versés à tous les demandeurs.

Pour l’ensemble, l’Etat doit prendre la bonne mesure du sujet. D’abord, il ne faut plus signer des accords avec les syndicats, pour “ éviter les grèves ” ; propos d’un Ministre de l’Education nationale, lors d’un conseil interministériel de rentrée scolaire, présidé par l’ancien Premier Ministre Habib Thiam. Plutôt, privilégier le réalisme des conclusions issues de concertations sérieuses, faites de vérité, de franchise et de sincérité. C’est l’unique gage pour déférer, intensément et, au plus haut niveau, au rappel fait, au Gouvernement, par M. le Président de la République, de la nécessité “de cultiver le consensus et de préserver la stabilité sociale durable”.

C’est également la seule voie, pour que les autorités étatiques prennent à bras le corps, l’invite de M. Bakary Badiane, Président de la Fédération nationale des A.P.E “ de respecter les engagements auxquels elles ont souscrit”. C’est enfin, la condition, “ sine qua non”, pour que les enseignants soient toute oreille à son exhortation : “ limiter leurs revendications ”.

Croyons à D’Alambert qui dans son article, « Collège », paru dans l’Encyclopédie, sonne l’alerte : « si l’éducation de la jeunesse est négligée, ne nous en prenons qu’à nous-mêmes, et au peu de considération que nous témoignons à ceux qui s’en chargent ».

Le coup de grâce, au concept U.T.J.T, a été donné : – d’un côté, par M. Mouhamadou Moustapha Diagne, Directeur de la Communication du Ministre de l’Education nationale, pour qui toutes les classes fonctionneront à compter du 30 Octobre ; – et, de l’autre, par un parent d’élève qui pourra se reconnaître ; à bord d’un bus Tata, de la ligne 82, vers 14 h, le 10 Octobre, “nous l’avons entendu dire à sa fille (?) Khadidja : “ ne va pas à l’école, vous n’y faites que jouer ”.

Il est temps de conclure cette contribution. Notre intime conviction, c’est que la flagornerie et l’auto-satisfaction n’ont pas de place sur la voie menant à l’effectivité du U.T.J.T. L’Etat doit être à l’avant et à l’arrière-garde de sa conquête majeure, voulue victorieuse.

Pour éviter toute attaque surprise des forces contraires, la pro-activité doit être de mise. Gardons toujours à l’esprit, cette leçon de l’Abbé Charles-Claudes Genest : « l’éducation, après l’être, est le plus riche présent que les pères puissent faire à leurs enfants » (in, Apologie ou les véritables mémoires de Me la Connectable de Coloni). Vive l’école sénégalaise, vive la communauté éducative, pour que vive le Sénégal, dans la prospérité et l’unité.







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