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Faire Des Zones économiques Spéciales Des Moteurs De La Transformation Productive Accélérée De L’afrique

Faire Des Zones économiques Spéciales Des Moteurs  De La Transformation Productive Accélérée De  L’afrique

Pour un pays en développement, soumis à la contrainte de rareté des ressources et des capacités, la promotion des Zones économiques spéciales (Zes) permet de bâtir, dans un délai relativement court, des îlots de compétitivité globale et des «Quick wins», dans un environnement national confronté à d’énormes défis de mise à niveau. La mise en place de Zes publiques ou privées est ainsi devenue une voie obligée pour insérer les pays africains dans les chaînes de valeurs régionales et mondiales aux normes de plus en plus exigeantes, en termes de qualité et de délai de livraison.

L’expérience montre que le succès durable des politiques de développement des Zes est intimement lié à leur cohérence et à leur alignement sur les grands choix stratégiques identifiés dans le Plan national de développement ou dans ce qui lui ressemble. C’est la condition sine qua non pour assurer une bonne mobilisation des ressources en faveur des Zes et une bonne coordination avec les politiques menées en dehors des Zes.

Plusieurs pays africains se fixent dorénavant pour but de devenir des pays émergents à moyen ou long terme. Ils se donnent notamment comme objectifs : de développer l’industrialisation et la transformation des ressources naturelles agricoles et minières, de promouvoir la diversification des exportations et l’insertion dans l’économie mondiale, de promouvoir un secteur privé national fort, d’attirer les investissements directs étrangers pour accélérer le progrès technologique, de créer des emplois et des revenus, en particulier pour les nombreux jeunes qui arrivent sur le marché du travail, de développer tout le territoire national, tout en maintenant un cadre macroéconomique sain.

Les Zes peuvent activement contribuer à atteindre ces objectifs si les conditions ci-après, que j’appelle les «douze règles d’or des zones économiques spéciales», sont réunies :

Règle d’or n°1 : l’inclusion de la politique de développement des Zes dans le document de planification nationale, en la basant en priorité sur les options stratégiques sectorielles (notamment en promouvant les mêmes grappes) et horizontales du Plan. Il convient alors de mener une vraie planification intégrée, dressant des blocs cohérents et complémentaires de politiques publiques qui répondent aux besoins précis des Zes et mobilisant l’attention de tous les départements et agences sectoriels du gouvernement. Les orientations définies dans le Plan permettront, dans un deuxième temps, de définir une stratégie de développement à moyen terme des Zes alignée sur les priorités définies au niveau global et articulée avec un plan d’actions clair, chiffré et daté.

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Règle d’or n°2 : une bonne planification spatiale des Zes, en vue de mailler le territoire national par des Zes, en tenant compte des spécificités des pôles économiques régionaux et en évitant d’implanter les Zes sur des terres agricoles fertiles ou dans des zones enclavées, mal connectées ou difficilement aménageables, ou incapables d’accueillir du capital humain de qualité.

Règle d’or n°3 : une bonne préparation des ressources humaines qui doivent occuper les postes de travail dans les entreprises installées dans les Zes. Cela peut nécessiter d’identifier dans le Plan national des actions spécifiques pour mettre en place des écoles de formation techniques spécialisées, ainsi que de définir des incitations et des actions d’accompagnement pour favoriser le recrutement initial des diplômés dans les Zes.

Règle d’or n°4 : le développement des infrastructures au sein et en dehors des Zes. Ce qui exige d’inclure dans le Plan national de développement des ressources adaptées pour bâtir des infrastructures de connectivité de classe internationale (transports, énergie, télécommunications, eau, assainissement) reliant les Zes au reste du pays, et pas seulement confinées au sein des Zes.

Réglé d’or n°5 : le maintien d’un bon équilibre dans le financement des infrastructures des Zes pour éviter que le budget de l’Etat soit exagérément sollicité, générant un rapport coûts/bénéfices négatif. La promotion de Zes développées par le secteur privé et la création de sociétés d’investissement impliquant, à côté de l’Etat, le secteur privé et les institutions de financement internationales (Banque africaine de développement (Bad), Société financière internationale (Sfi), Afreximbank, etc.) pourraient y contribuer. Ces dernières institutions y sont d’ailleurs favorables et ont déjà mobilisé des ressources pour répondre aux sollicitations des pays.

Règle d’or n°6 :  La définition d’un bon cadre réglementaire et fiscal de promotion des Zes, s’inspirant des meilleures pratiques internationales, en fixant une limite dans le temps aux incitations et en évitant que des entreprises non compétitives choisissent de s’installer dans les Zes uniquement pour échapper à l’impôt. Il convient également d’établir un bon équilibre entre le développement des exportations et la promotion de l’import-substitution, sachant que les deux stratégies concourent au même but d’amélioration de la balance des paiements courants. Toutefois, l’expérience montre que les pays qui encouragent l’exportation réalisent de meilleures performances en termes de productivité et de croissance que ceux qui prônent l’import-substitution. S’agissant du système de taxes, il ne constitue pas le facteur le plus déterminant pour attirer des investissements dans les Zes. Les pays africains pourraient donc établir, comme modèles de Zes, des zones industrielles et des agropoles de classe internationale, accueillant dans le même espace des entreprises hautement compétitives tournées vers le marché intérieur ou vers le marché extérieur ; ces derniers recevant des crédits d’exportation sous forme de dégrèvements sur les impôts et taxes consécutifs aux opérations de vente à l’extérieur.

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Règle d’or n°7 : La mise en place d’administrations des Zes efficaces et dotées de capacités humaines et opérationnelles de qualité, ainsi de réels pouvoirs de gestion, sur la base d’une feuille de route évaluée en permanence.

Règle n°8 : L’accélération de l’amélioration du cadre général des affaires dans le pays ; la compétitivité de la Zes étant impactée tout à la fois par les facteurs internes que par ceux qui se situent dans son environnement global au sein du pays.

Règle d’or n°9 : L’encouragement des entreprises installées dans les Zes à créer des co-entreprises (joint-ventures) et des liens de sous-traitance avec les Pme nationales installées hors des Zes, ainsi des partenariats avec les réseaux de recherche nationaux, en vue de bâtir un écosystème de clusters intégrés et technologiquement innovants. Le pays y gagnera en développement du contenu local des Zes, en réduction des importations de matières premières et de biens intermédiaires, ainsi qu’en transfert de technologies et en diffusion des bonnes pratiques organisationnelles sur le reste de l’économie. Cela pourrait être une conditionnalité clairement identifiée dans le système d’incitation mis en place.

Règle d’or n°10 : l’inclusion dans les politiques de développement des Zes d’actions contribuant aux objectifs nationaux de développement autres qu’économiques, comme la promotion de l’emploi décent et du bien-être social des travailleurs, de la responsabilité sociétale et de la durabilité environnementale. Ce faisant, les Zes pourront être de puissants instruments pour l’atteinte des Objectifs de développement durable (Odd) des Nations unies et ceux de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, et servir de terrains d’expérimentation de nouvelles façons de promotion du développement durable et inclusif (mise en place de Zes écologiques).

Règle d’or n°11 : la mise en place d’une coordination de qualité entre les acteurs directs et indirects des Zes. Coordination entre l’administrateur de la Zes, le promoteur/développeur, l’opérateur et les entreprises installées, dont les rôles et responsabilités doivent être clairement définis dans des textes. Un cadre de concertation continue doit ensuite être mis en place entre eux pour identifier très vite les difficultés éventuelles et les corriger.

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Coordination également entre les acteurs de la Zes et les autres administrations publiques, à travers la mise en place d’un vrai Guichet unique autant que possible dématérialisé, l’identification d’un Cadre autonome de régulation des Zes (impliquant le secteur privé) et l’institutionnalisation d’actions concertées de promotion des investissements et des exportations dans les Zes et en dehors des Zes.

Règle d’or n°12 : l’institutionnalisation d’un bon système de suivi-évaluation des performances et des impacts des Zes, en identifiant au préalable des indicateurs adaptés, en les insérant dans le cadre de suivi global du Plan national de développement, et en collectant régulièrement des données sur le terrain. Un Comité interministériel de suivi pourrait être mis sur pied, avec pour rôle de superviser ce travail de «monitoring des Zes». Il se réunirait périodiquement au niveau politique (ministres, sous la coordination du chef du Gouvernement, une fois par trimestre) et au niveau technique (entre les agences et directions générales concernées, une fois par mois). Le succès des Zes doit en effet être une ardente priorité des autorités, situées au plus haut niveau de l’Etat, qui doivent être les champions des Zes et qui leur accordent un soutien politique fort.

En définitive, le succès des Zes en Afrique ne proviendra pas du hasard ou de la chance. Ce sera le fruit d’intenses efforts harmonieusement coordonnés et mis en œuvre de manière méthodique et avec un esprit imprégné de volontarisme et de leadership transformationnel.

Chaque pays africain devrait ainsi effectuer son propre autodiagnostic pour évaluer le degré de réalisation des douze règles ainsi identifiées. Des leçons devraient également être apprises des expériences des milliers de Zes fonctionnant dans le monde et des Zes continentales regroupées dans l’Organisation des zones économiques spéciales africaines (Aezo). Des actions de mise à niveau pourront ensuite être retenues pour combler, dans les meilleurs délais, les écarts constatés par rapport aux meil­leures pratiques et accélérer la transformation productive des pays du continent, conformément aux vœux de l’Union africaine.

Moubarack LO

Directeur général du

Bureau de Prospective Economique (BPE) du Sénégal

moubaracklo@primature.sn

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