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Cheikh Ahmadou Bamba, «le Nectar» De Touba (amadou Lamine Sall)

Ô Serigne Touba

où trouver les hautes marches pour dire ton nom

où trouver les ciels les montagnes les cimes intouchables 

pour dire ton nom

où toucher les cimes atteindre les nids des aigles grimper les miradors

pour dire ton nom

où prendre pied, mesurer les profondeurs interroger les abîmes 

pour dire ton nom

où trouver les minarets qui flirtent avec les étoiles

pour dire ton nom

où trouver les bateaux les voiliers les marins impétueux 

pour dire ton nom

où trouver les forêts closes les bêtes jamais sorties à la lumière

pour dire ton nom 

où trouver les routes qui voyagent vers des horizons jamais entrevus

pour dire ton nom

où trouver les chapelets aux dents des chamelles de Khadija 

pour dire ton nom

où compter les pas sablonneux des caravanes et le décompte des dunes 

pour dire ton nom 

où trouver les oasis désaltérants et qui soudain chantaient pour 

l’orphelin du levant

les mamelles asséchées et soudain gorgées de lait 

pour allaiter l’orphelin du levant

les joies de la nourrice Halima (1) et le premier sein chaud de Thuwayba (2)

pour dire ton nom

où retrouver les pluies diluviennes longtemps absentes sur la Mecque assoiffée 

pour dire ton nom

où trouver le temps des pierres de jadis pour refonder la Kaaba

pour dire ton nom

où retrouver les vallons secrets pour parler seul à seul avec Dieu

pour dire ton nom 

où retrouver les chemins de miracle et d’épines vers Mayombé 

pour dire ton nom

toi qui as fait de l’exil un chemin de gloire et de conquête

 

  1. La nourrice qui allaita le prophète Muhammad du nom de Halima Bint Abi Dhu’ayb (source « Biographie du Prophète : le Nectar cacheté » de Cheikh Safiyyu ar-Rahman al-Mubarakfuri ), édition Albouraq, 2014.

 

  1. La première femme à allaiter le prophète après sa mère. Elle  était une esclave affranchie (Source idem)

 

toi qui as fait de l’épreuve des Blancs le bonheur du croyant

toi qui as habillé l’islam du boubou de l’homme noir

toi qui as levé l’étendard d’un drapeau jamais levé

toi qui as fait de chacune de tes œuvres une œuvre jamais accomplie

ton islam noir ton livre noir au chant infini 

ton message noir pour ton peuple noir

toi qui as fait de Muhammad ton confident

et lui t’a si serré sur son cœur que vos deux cœurs sont devenus siamois

tu as creusé des puits et des puits pour le désaltérer et désaltérer l’Islam

tu as tracé des chemins de foi que les anges tapissent de moquettes soyeuses

tu as invité à ta table tous les croyants et tous les repas sont de ta main

tu as ouvert des portes jamais ouvertes où passe ton peuple vers le Paradis

et voici que tous les peuples jaunes et blancs s’agenouillent devant ton nom

tu as bâti des chants qui enivrent l’âme

des chants qu’aucune gorge de rossignol ne saurait rendre

ton nom désormais éclaire bien des chemins de par le monde

ton nom apaise nourrit fortifie rend le sommeil aisé

tu guides les faibles à gravir les montagnes et voilà

qu’ils construisent des cimes au-dessus des cimes

qu’ils réinventent les montagnes en ton nom

en ton nom les champs arides fleurissent en un jour par la bravoure de tes fidèles

en ton nom les récoltes en un jour sont fastes

en ton nom en un jour poussent les mosquées et se multiplient les minarets

en ton nom en un jour les greniers sont pleins à craquer

en ton nom les vainqueurs acceptent d’être les vaincus car

tu as mis dans leur cœur le nectar du pardon 

et qui goûte à ce nectar marche les pieds nus sur le fer rouge sans frémir

 

            Merci à toi Cheikh Ahmadou Bamba

gloire à toi dont le boubou blanc lève un soleil blanc qui mûrit toutes semences

gloire à toi dont le turban protège de la foudre et des regards carnivores

gloire à ton humilité gloire à ta générosité, gloire à ton amour pour Muhammad

gloire à ta plume nombreuse gloire à ton encre sucrée gloire à tes chants de soie

gloire à tes fils laissés dans les mailles de l’héritage et

qui de ta route ont multiplié les routes

de tes leçons ont forgé dans le marbre tes valeurs de vie et de conduite

l’Islam est ton foyer ton lit ton oreiller ton turban ton cheval fidèle

tu as fondé par le verbe une cité

par le verbe tu as prédit l’avenir 

tu as par le verbe fait construire des rails jusque dans le ventre de Touba

pour que ta mosquée s’élève et toujours s’élève

et même les Blancs y ont sali leur tenue blanche

et le rêve n’a jamais pris le dos de l’âne mais la chevauchée des étalons

et Touba a surgi de terre pour couvrir de son nom toute la terre

qui mais qui donc aura sorti Dieu de Son Sommeil pour t’accueillir

qui mais qui donc aura tant fait chanter le cœur de Muhammad

et Allah te prie alors dans Ses Bras toi qui fis de Son Messager ton ami

qui mais qui donc aura donné à la race noire tant d’éclat

qui mais qui donc aura dompté l’océan et fait de lui son tapis de prière

qui mais qui donc aura fait des lions et des fauves des 

pigeons picorant dans tes paumes

ton chapelet était leur chaîne

ta voix était leur musique pour s’endormir

qui Bamba qui saura dire et chanter tes bienfaits

qui mais qui donc saura se taire devant tes œuvres

de par le monde tu rayonnes

de par le monde le soleil se lève avec ton nom et se couche avec ton nom

de par le monde ton nom a bâti des maisons des ponts de vastes fraternités

de par le monde ton nom a imprimé le Sénégal sur tous les fronts

les pierres de la Kaaba savent

Médine où dort ton préféré sait

les saints savent d’où vient la route vers le ciel

et personne ne monte sans toi s’il veut que le voyage soit sans peine

car Muhammad ne te quitte jamais

il t’a donné toi son ami le double de toutes les clefs

pour que s’ouvrent toutes les portes aux battants d’or et d’émeraude

pour que tous les anges te reconnaissent toi que Dieu a reconnu

pour que le Paradis te déroule ses tapis rouges et parfumés  

pour que tes disciples passent tous les péages sans bourse délier

et qu’ils passent chevauchant les plus flamboyants des anges ailés

tu avais déjà sur terre bâti pour eux des banques remplies de cauris d’or

et de ces banques ils étalaient tous les coffres

et Massalikoul Jinane est de ces phares nés des banques du cœur et de la foi

c’est ainsi que tu as montré à ton peuple les chemins du travail

tu as laissé les princes de la politique tranquilles

tu as devancé leur mission tu leur a servi le thé avant leur feu

c’est ainsi que tu avais  devancé le colon Blanc dans 

l’argile mouillé de l’esprit de ton peuple de croyants

et tu as forgé un esprit invincible qu’aucune souffrance ne peut vaincre

qu’aucune monnaie ne peut soumettre

tu as fait de la foi et ta caresse et ton épée et ton viatique

tu as fermé tous les horizons à la peur à la trahison au renoncement

tu as laissé ton arc-en-ciel habiter le jour et la nuit l’éclaire plus que le jour

tous ceux qui t’ont donné ce que leur cœur, leur bourse, leur grenier

avaient de plus précieux tu leur a retourné une richesse plus grande que

leur vie durant n’aurait pu amasser avant la tombe

ton nom est leur récompense

ton nom est leur breuvage

ton nom est leur lit

ton nom est leur premier enfant né avant eux

ton nom est leur prière et Dieu bénit cette prière

ton nom est leur faste champ d’arachide même si une seule graine n’y a germé

 

           Ô Serigne-bi 

nous savons que ceux qui sont morts ont été enterrés et 

nous les vivants ne savons pas si nous serons enterrés ou laissés aux vautours

car le monde soudain peut finir soudain en un jour soudain 

qui prendra alors soin  des corps de tes enfants si ce n’est ton nom qui comme 

une muraille comme un toit gardera tes protégés de tous prédateurs

tel est le viatique que tes enseignements ont laissé dans nos cœurs

et notre foi en est si remplie que le Paradis est venue à nous de notre vivant

 

             Ô Khadim Rassol

qui vend l’humilité ferme boutique quand tu apparais

toi dont toutes les malles portent l’unique boubou

toi qui a donné ton lit au Coran qui y trône et toi qui 

dors à ses pieds à même le sol

au Coran tu as donné ton oreiller

au Coran tu as donné ton drap

tu as soumis l’encens pour ne parfumer que le Coran

tu as honoré le Coran et le Coran t’a honoré

tu as élevé le Coran et le Coran t’a élevé

tu as grandi le Coran et le Coran t’a grandi

tu a fini Ô Serigne-bi à n’être rien d’autre que le Coran

rien d’autre que la voix de Muhammad

rien d’autre que l’écho d’Allah 

alors à tes disciples que l’humilité soit la demeure

que la discrétion soit la maison de l’aumône

que l’éclat de l’or soit caché

que les malles et les sacs pleins de billets de banque soient en dehors des regards

que les éloges soient plus bruyants dans les cœurs que sur les langues

Dieu aime ceux qui se taisent quand leur cœur seul donne pour l’amour de Dieu

quand Dieu sait tout avons-nous alors besoin des 

regards de nos semblables pour mesurer ce que nous donnons

notre foi doit tout remplir tout occuper

elle est notre plus sûre maison

elle est une tour vers le ciel et Cheikh Ahmadou Bamba habite à

la fois le dernier étage et le rez-de-chaussée 

atteindre Dieu dans l’ascension et rester sur terre  avec ses

semblables ses fidèles ses disciples pour l’humilité telle est ta leçon Bamba

 

        Ô Serigne-bi

tu nous as appris par la dévotion et la droiture

à ne pas jeter sur nous-mêmes de nos propres mains

les « utérus de brebis les entrailles les abats » 

tu nous as appris à éviter que soit « disséminés au vent en

notre direction les « os décomposés » des infidèles

 

        Prions comme Bamba

apprenons comme Bamba

méditons comme Bamba

chantons Muhammad son ami comme lui seul sait le chanter

et ne donnons point notre temps nos désirs et nos forces à

la seule richesse  à la seule gloire à notre seul renom

que notre seule richesse notre seule gloire notre seul renom soient de servir Dieu

d’aimer et de proclamer l’époux de Kadija comme le meilleur d’entre nous

pour qu’alors Serigne Touba à son tour nous aime et

nous compte parmi les perles sonores de son chapelet d’or

 

         Ô Serigne-bi

l’on nous dit qu’au coucher du soleil un autre soleil avec 

toi un jour est entré à tes côtés et avec les mêmes pas dans le village de Ngalick

El Hadji Malick Sy et Cheikh Ahmadou Bamba cheminant côte à côte 

le safir de Tivaoune aux côtés du rubis de Touba

ceux qui ont vu ces deux astres entrer dans Ngalick

ont vu deux fois le soleil hésiter à se coucher

pour que vos chemins soient éclairés au-delà de la nuit tombée

Ngalick le raconte et ses enfants pèlerins s’en souviennent 

 

         Ô Cheihk Ahmadou Bamba Mbacké

Puisse ce chant si inaccompli que je t’offre mériter ta grandeur

ici se couche cette humble chanson mais la lyre de mon cœur résonnera

tant que ton nom résonnera et tous nous savons qu’il résonnera pour toujours 

car il n’existe point d’horizon où ton nom peut s’adosser

point de limite d’amour dans le cœur des hommes où le circonscrire

car qui chante Muhammad comme tu sais le chanter

car qui s’abandonne et s’abîme en Dieu comme tu as su l’accomplir

ne récolte que le chant éternel des étoiles

la nuit éclairée des temps

le jour lumineux des chemins lumineux

 

         Ô Khadimou Rassol

tu resteras la grande incendie

la grande joie

le bonheur jamais révélé des mourides ton peuple de 

torches de feux jamais éteints de jour comme de nuit

même quand le soleil offre son âtre sous le ciel bleu

bleu comme cette mer qui a gardé ton front imprimé dans l’eau 

où les poissons viennent pondre leurs œufs de promesse exaucée

où nos enfants noirs jadis déportés dans les câles des négriers Blancs et 

dont les corps tapissent le fond de l’océan de Gorée à Memphis

trouvent la fraîcheur car ton front Ô Bamba a tout réfrigéré

 

           Ô Serigne Touba

nul ne peut couvrir ton nom de clameur pour étouffer son écho sonore

il est pareil au Coran que nul ne saurait écouter sans s’émouvoir

la sourate « l’Étoile » a plié bien des cœurs et

fait courber des fronts vers Dieu

tel est ton nom qui invite à la félicité au repos

puisse Allah nous préserver d’Abû Jahl 

 

         Ô Grand Cheikh

enlève de notre cœur « l’ivresse et la distraction »

et laisses-y l’ivresse et l’amour de Dieu

laisses-y notre foi en Muhammad dont tu es

à la fois le Premier ministre le Directeur de Cabinet et l’Aide de Camp

 

        Ô Cheikh Ahmadou Bamba

 ton « royaume est devenu le nôtre ta gloire est devenue la nôtre »

 

        Ô Serigne-bi

c’est mon ultime prière 

prends la main de ce poète enfant de Joal et de Jésus

qui avec ton enfant Serigne Fallou Mbacké ont

le sept juin 1963 main dans la main ouvert au

 monde pour la première fois les portes de la  Grande Mosquée de Touba

et l’enfant de Joal alors prince de la République

a dit de sa langue haute et sûre que cette maison de Dieu 

que tu avais demandée à Allah est devenue « notre unité nationale »

et voilà que 56 ans plus tard « Massikoul Jinane » a de nouveau scellé 

l’unité nationale sénégalaise entre deux princes qui cherchaient en vain

à manger dans le même bol et que la foi a fini par rassembler à la même table 

pour sceller la paix des coeurs et des esprits

ce que la République n’a pu accomplir le temple de Dieu l’a accompli

prie donc Khadimou Rassol

prie pour ce prince des poètes qui rendit à notre pays tout l’orgueil de nos pères

 

        Ô Grand Cheikh toi l’étoile de la Grande Ourse 

j’ai dit à Binta Diallo la fille peule de Awa Mboudo 

Binta Diallo ma mère de quatre vingt dix neuf hivernages et toujours si belle

de prier pour toi car elle sait prier et Dieu lui tient le chapelet je le sais

et Muhammad lui tient les mains avec les tremblements de l’âge

 

        Ô Serigne-bi

j’ai peu évoqué des Noms hormis ceux d’Allah de Muhammad le bien-aimé 

laisse-moi nommer Binta Diallo la douce mère qui a

mis mon visage face au soleil et

Dembel Sall le père béni trop tôt monté au ciel me laissant sur

terre avec mes 11 ans de souche d’arachide assoiffée de pluie 

j’ai donné de main ferme au droit chemin la clef de l’honneur de mes géniteurs 

j’ai demandé à la mort de me clore les yeux si je renonçais à toute dignité 

j’ai demandé au diable de me punir si je manquais de

respect à un seul de mes semblables serait-il mon plus implacable fossoyeur

 

        Ô Grand Cheikh

j’ai beaucoup  marché

j’ai beaucoup lavé le linge repassé préparé le feu pour celle qui m’a gardé neuf mois dans son ventre sans payer le loyer

j’ai beaucoup prié et éprouvé mes genoux au pied de ma mère

elle est mon levant

elle est ma Kaaba mon mont d’Arafat ma plume et mon Paradis

mais je suis venu t’ajouter Ô Khadim Rassoul à 

la  Promesse de Dieu car Dieu t’aime pour ce que tu as apporté au monde

donné au monde

offert à ton peuple

pour ce que ton nom signifie désormais jusqu’à la fin des temps

pour ton amour pour Muhammad

pour ta plume mille fois belle mille fois nourrie et mille fois bénie

toi le plus inspiré des poètes

toi si humble si chaste si grand parmi tes semblables

 

          Ô Serigne-bi

merci à toi merci à tes livres merci à tes chants merci à tes promesses

nous te savons et te voyons à la droite du Père

et Muhammad te tient la main alors que tu tiens dans tes bras

Maodo Malick Sy

Mame Abdoulaye Niasse 

Mame Seydina Limamoulaye

Boucounta de Ndiassane et tous les saints

gloire à toi Mbacké paix et prospérité sur ta descendance

 

          Ô Mbacké

un oiseau qui vole et qui entre dans un avion ne vole plus c’est l’avion qui vole

tels sont tes disciples qui blottis contre toi en ton nom en ta foi ne

craignent plus rien et voient leur vie assurée leur voyage payé le paradis conquis

mais nous savons que tu n’oublies pas de leur dire d’y ajouter le droit chemin

la prière l’aumône l’humilité l’amour et le don de soi à ses parents

 

          Ô Khadim Rassoul le bien récompensé

le peuple de l’islam le peuple de Jésus et les fidèles de tous les temples

ont désormais appris avec toi avec ton nom

« que toutes les richesses sur lesquelles se lève le soleil

ne valaient pas une aile de moustique mis en balance » (3) avec

ta foi ton amour pour Dieu et ton attachement à Muhammad le magnifique

avec toi le mouride n’est plus un aspirant mais

un aspiré par Dieu et couvé par le messager Muhammad

          Gloire à toi Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké le « nectar » de Touba

 

                                                        Écrit entre Dakar le jeudi 17 octobre 2019, jour du Magal de Touba

                                                                            et Paris, le  mardi 22 octobre 2019.

 

                                   

 

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