Le matin du 31 décembre, on pensait qu’il y’avait eu suffisamment de problèmes durant l’année 2019 et qu’aucun secteur n’était épargné. Nous pensions faire une pause pour se souhaiter au moins une bonne santé autour d’un repas copieux accompagnés des parents et amis. Une pause, le temps d’un discours traditionnel présidentiel que de moins en moins de citoyens, surtout ceux qui ont moins de trente ans, écoutent. Depuis 1960, les sénégalais ont cerné les pouvoirs qui se succèdent. Ils connaissent surtout leurs limites à résoudre leurs nombreuses difficultés et leur grande aptitude à présenter le pays sous un jour très différent de celui que vit le peuple dans son entièreté. Alors, ce Sénégal de rêve s’est évaporé pour laisser place à des citoyens désabusés et en perte de repères nationaux.
Mais ce soir du 31 décembre 2019 a été marqué par un nouveau coup de canif porté à notre démocratie. Nous avons vu un président sur un trône face à l’essentiel des chefs de publications des principales chaînes de télévision. Cette courte intervention a été suivie par plus de trois heures de questions/réponses diffusées sur les dites chaînes. Tout le pays ne devait voir ni entendre autre chose. On apprendra dans la soirée qu’une seule chaîne avait programmé le debfriefing du court discours avec un opposant ; elle sera sanctionnée le soir même par une semaine de privation de diffusion sous le prétexte fallacieux de non respect de la loi sur la publicité de produits dépigmentants. Ce « sale boulot » a été confié à l’expert émérite en la matière.
Ces faits sont dignes des ambiances qui prévalaient dans les républiques soviétiques. Et pourtant, ils se déroulent au Sénégal en 2020. C’est tout simplement honteux et indigne de notre pays. Après soixante ans d’indépendance, nous croyions avoir bâti une grande nation mature. Mais, en réalité, nous en étions là !
Ces actes viennent s’ajouter aux nombreuses régressions démocratiques observées dans le pays depuis 2012. En effet, les mesures liberticides font légion et on ne compte plus les décisions unilatérales sur des questions importantes qui touchent chaque citoyen. Une grande partie de l’opposition reste en retrait face à ces phénomènes ou semble préoccupée par des questions internes. Certains partis sont enfermés dans le cadre de ce qu’on appelle le dialogue national. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’esprit de gestion solitaire et de division prédomine dans les rapports au quotidien entre le pouvoir et l’opposition et surtout avec la société civile dont les membres qui manifestent pour leurs droits sont systématiquement emprisonnés.
En poussant les citoyens dans leurs derniers retranchements et en essayant de bâillonner toute opinion divergente, on a l’impression que seul l’affrontement frontal stoppera le phénomène et c’est ce que veut le gouvernement. Cette ambiance délétère est palpable partout dans la société et vient saper la foi des citoyens en leur capacité à tracer un avenir commun pour leur pays.