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A Nos Balais, Citoyens !

A Nos Balais, Citoyens !

Et que la cité soit propre…

… Tel semblait être le message de prise de fonction de Mme Soham El Wardini à la tête de la ville de Dakar. Tel semble être le message de fin d’année du président de la République, Son Excellence M. Macky Sall. Et tout le monde est d’accord que notre pays, notre capitale plus que n’importe quel autre coin du Sénégal, a besoin de coups de balais vigoureux, engagés et réguliers. Tout le monde le souhaite. Et ce samedi 4 janvier 2020, décrété journée nationale de la propreté par Son Excellence, a vu bien sûr la mobilisation de ministres, de maires et de leurs militants et collaborateurs autour du souhait présidentiel. Ce qui, en soi, est une bonne chose. Mais cela ne suffit pas. Et l’engouement citoyen, me semble-t-il, n’était pas tout à fait au rendez-vous et l’affaire avait quelque peu des relents politiciens, malgré la présence du maire de Dakar auprès du président de la République… Car, en vérité, il faut plus que les ministres, les maires et leurs militants et collaborateurs pour entretenir la graine du souhait présidentiel et en faire un arbre, un grand fromager semblable à celui du pénc de Mbot.

En vérité, le succès d’une telle entreprise nécessite l’implication de tous les acteurs sans exclusive, ainsi que la concertation, la coordination, l’organisation et la méthode qui ont manqué au grand mouvement set setal de 1989. Car la concertation est la mère du succès et la propreté, dit-on, ne se décrète pas, elle se secrète. Pour avoir une ville propre, suggère le poète1, il faut de la ferveur à l’entretenir. Mais pour qu’il y ait de la ferveur à l’entretenir, il faut que tout le monde s’y mette, même ceux-là qui le font moins bien. Le succès d’une telle entreprise, dis-je, dépend de la sincérité d’intention qui la sous-tend ainsi que de l’engagement et de la ferveur des acteurs, car elle est bien plus importante et bien plus sérieuse qu’on ne le pense. Il ne s’agit pas d’un simple jeu pour passer le temps et tromper l’ennui, non ! Il ne s’agit pas d’une récréation d’écoliers. Il ne s’agit pas non plus de transformer les rues et avenues en scènes de théâtre pour politiciens et activistes en mal de reconnaissance. Il s’agit de mettre ce Peuple en pente en lui montrant son étoile. Il s’agit, au-delà du simple acte de balayage, d’une transformation des consciences, d’un changement profond des comportements… Il s’agit, en vérité, d’un désir conquérant, d’une recréation, d’une révolution citoyenne qui, comme dit la chanson, verra se lever sur notre Peuple un nouveau soleil, un nouveau jour, une nouvelle vision, un nouveau sentiment… Car celui-là qui prend un balai, s’il est sincère, doit d’abord balayer son cœur et son esprit. Et celui qui nettoie, s’il y met de la ferveur, nettoie aussi son âme…

Oui, l’entreprise est bien plus sérieuse qu’on ne le pense. C’est pourquoi je propose qu’on s’inspire du mouvement set setal de 1989 en le dépassant et en évitant les dérives qui l’ont entachées et finalement plombées, entre autres, les guéguerres politiciennes, la «folklorisation» et le racket. Je propose qu’on élargisse et organise mieux le cadre d’exécution du programme en y impliquant par contractualisation les populations organisées dans les quartiers de nos villes et villages autour d’associations sportives, culturelles, religieuses ou politiques. Je propose aussi, au-delà de l’acte de nettoyer et autres Initiatives quartiers2 à encourager, qu’on travaille sur une Charte pour le civisme et la citoyenneté3 qui serait une sorte d’engagement citoyen volontaire et personnel pour le respect du bien et de l’espace public à laquelle souscriront tous les Sénégalais, personnes physiques et personnes morales, le président de la République en premier, les ministres, les députés, les maires et les chefs de parti d’opposition et leurs lieutenants. Une caravane citoyenne pourrait accompagner la vulgarisation de la Charte et être l’occasion d’une grande sensibilisation au civisme et à la citoyenneté.

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On pourrait aussi mettre à contribution, en plus des Organisations communautaires de base (Ocb), les artistes musiciens, les comédiens (surtout ceux du théâtre forum), les plasticiens, les tagueurs, la presse, etc., en lançant les Prix du civisme et de la citoyenneté, récompensant, dans chaque domaine de compétence, les acteurs qui se seront le plus distingués. Youssou Ndour et Cheikh Ndigueul Lô, par exemple, pourraient donner du rythme au mouvement en reprenant leur titre fétiche Set dans un featuring avec les grands noms de la musique sénégalaise (Thione Seck, Baba Mall, Omar Pène, Ismaïla Lô, Pape Fall, et d’autres). On pourrait aussi mettre à contribution les imans et curés ainsi que quelques figures emblématiques, très dynamiques et très actifs en la matière, comme abbé Jacques Seck, Mame Thierno Birahim Mbacke Borom Darou, Chérif Al Walid Mané Ndiaye, Baye Njin Thiaw Laye, Serigne Ahmada Sy Diamil, Abdoul Aziz Sy Sidy Ahmed et bien d’autres.

Mais je propose surtout qu’on privilégie les quartiers les plus défavorisés en matière de collecte, qu’on respecte davantage les techniciens de surface qui sont les professionnels du nettoiement et qu’on améliore leurs conditions de travail et leur situation, qu’on organise mieux le système de collecte… Sans perdre de vue le fait que balayer est une chose, mais autre chose est la gestion des ordures collectées.

Pour finir, je pense qu’on ne peut pas envisager de rendre Dakar propre et laisser les ruines de Sandaga, au cœur de la ville, être un dépotoir et un refuge de malfrats. Il faut donc accélérer la réhabilitation du grand marché en y associant les commerçants et les riverains. Il faut couvrir le canal 4 et sa puanteur qui, lui aussi, est devenu un dépotoir sauvage et une balafre sur le visage de Dakar. Il faut reprendre celui de la Gueule Tapée qui menace ruine. Il faut penser au ravalement harmonisé des façades des immeubles et bâtiments du centre-ville. Et contenir les marchés et les gares routières, mieux organiser le stationnement des véhicules, maîtriser l’emprise des chantiers. Et replanter les arbres des trottoirs, aménager les ronds-points, les jardins et autres squares. Et construire des édicules publics… Et…, oui bien sûr, désamorcer la bombe écologique qu’est Mbeubeus…

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Bref, l’appel est lancé et relancé comme un abracadabra ; c’est connu. Il n’a pas fait écho, il est vrai, mais le souhait est partagé. L’action est nécessaire, urgente même… Enten­dons-nous donc sur l’essentiel… Entendons-nous, re­trous­sons-nous les manches et mettons en branle notre désir de propreté… Oui ! A nos balais Emadiens4 ! A nos balais Ocbiens5 ! A nos balais, citoyens ! Et que la cité soit propre…

Ensemble, changeons de comportements et développons le Sénégal 6

Abdou Khadre GAYE

Ecrivain, Président de l’Emad

1 Il s’agit de Antoine de Saint Exupéry qui disait : «Et la belle danse naît de la ferveur à danser. Et la ferveur à danser exige que tous dansent – même ceux-là qui dansent mal – sinon il n’est point de ferveur, mais académie pétrifiée et spectacle sans

signification.»

2 Il s’agit d’activités citoyennes organisées par les populations sur initiative propre tournant autour de set setal, de don de sang, de sensibilisation, etc.

3 L’Emad a eu à expérimenter la Charte pour le civisme et la citoyenneté  ou Pacte pour le civisme et la citoyenneté au lendemain du naufrage du Joola, suite à l’appel à l’introspection du chef de l’Etat de l’époque, Me Ablaye Wade. C’est à l’occasion de la caravane citoyenne de vulgarisation de la Charte que fut lancé par l’Emad l’opération Médecin sans blouse, reprise bien plus tard par le ministère de la Santé alors dirigée par le ministre Abdou Fall.

4 C’est le nom par lequel s’appellent les membres de l’Ong Emad.

5 C’est le slogan du Pacte pour le civisme et la citoyenneté lancé par l’Emad suite au naufrage du Joola.

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6 Membres des Organisations communautaires de base.

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