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Pour Qui Roule Pape Alé Niang ?

Pour Qui Roule Pape Alé Niang ?

«Sur toutes choses, le prince doit se conduire envers ses sujets de telle manière qu’on ne le voit point varier selon les circonstances, bonnes ou mauvaises.» Machiavel

Dans l’Afrique précoloniale, le respect de la parole donnée a toujours été un impératif auquel les Africains n’ont jamais dérogé, même au prix de leur vie. En fait, des exemples pour étayer cette thèse ne manquent pas. Même si parfois on rencontre des embellissements qui d’ailleurs ne changent pas grand-chose à la réalité. Comme l’histoire de ce sacrificateur dogon du Mali racontée par Amadou Hampâté Ba. A la recherche d’un Blanc ou Rouge pour leur sacrifice humain annuel, les préposés à la chasse, devant l’impossibilité de trouver un Blanc ou un albinos, jettent leur dévolu sur une femme peule venue vendre du lait caillé comme à l’accoutumée. Mais comme cette dernière avait lié une relation de mère à fille avec une vieille dame qui vendait dans le marché, cette bonne dame, au courant de tout, conseilla à sa protégée d’aller se mettre sous la tutelle du sacrificateur. Mis devant le fait accompli, pour résumer ce récit assez long, le maître du couteau révéla le secret qui a permis à la vendeuse de lait de se sauver. Après avoir amené sa filleule d’infortune jusqu’à son village, le vieux, à son retour, remit le couteau à son fils aîné, car il s’estimait indigne d’en être désormais le dépositaire parce qu’ayant failli à la parole donnée.

Donc le mensonge, le reniement et le dédit pour garder un strapontin, gagner des prébendes et des émoluments ont fait irruption en Afrique avec la militarisation…la civilisation. Si elle en est une ! La classe politique héritière du pouvoir colonial en est la plus affectée, et la presse. Certaine presse. En effet en 2011, quel est le Sénégalais qui n’a pas admiré le courage avec lequel le journaliste d’investigation Abdou Latif Coulibaly a abattu un travail de Titan pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur le pillage des deniers publics par le puissant régime d’alors ? Alors que Talla Sylla venait de l’échapper belle aux abords du restaurant Le Régal. Cette aura a expliqué et justifié son choix comme candidat en 2012 de Benno alternative, avec Dr Diallo Diop et consorts. Pourtant, aujourd’hui, l’ex-parton de La gazette a troqué son manteau de paladin contre une guenille de pantin ; et survit en s’empiffrant sous tous les râteliers selon l’humeur du Président Macky Sall.

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Mamadou Sy Tounkara aussi, comme l’auteur des Comptes et mécomptes de l’Anoci, n’a pas pu se mettre à son compte et en fin de compte, il s’est rendu compte que c’est seulement au côté du Président qu’il peut trouver son compte. Pourtant, on peut bel et bien servir son pays sans pour autant être dans un gouvernement, sans aucun risque d’être traîné un jour devant le tribunal de l’Histoire. Par contre, ce soi-disant universitaire a poussé son incapacité d’indignation jusqu’à avouer, selon ses propres propos dans l’émission «Face-to-Face» avec Aïssatou Diop Fall, que c’est lui qui a suggéré au Président de ne dire ni oui ni non sur son supposé troisième mandat, et de renvoyer tout collaborateur qui oserait se prononcer sur la question. Alors que la Constitution est limpide là-dessus comme l’eau de roche, aussi bien dans sa lettre que dans son esprit, à moins qu’ils veuillent prendre son contrepied comme ils en ont l’habitude. Pourtant, certains de ses pairs de la Cedeao comme Buhari du Nigeria et Issoufou du Niger ont complètement tranché ce débat au grand bonheur de leurs concitoyens et des investisseurs soucieux de stabilité. Macky Sall, un Président qui se targue d’être né après les indépendances, se range dans un «ni oui ni non» honteux et douteux, à côté de Présidents décrépits comme Alassane Ouattara et Alpha Condé.

Pourtant, Matthieu 5 : 37 est catégorique : «Si c’est ‘’oui’’ dites oui, si c’est ‘’non’’ dites non, tout simplement, ce que l’on dit en plus vient du mauvais.» Par ailleurs, le Coran 61 : 02 ne dit pas le contraire en stipulant : «Oh vous qui croyez, pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas, c’est une grande abomination auprès de Dieu que de dire ce qu’on ne fait pas.» D’où la question à savoir : De quelle maudite race et de quelle perverse religion répond cette engeance qui nous a toujours dirigés ?

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Heureusement que la société sénégalaise, par sa capacité d’indignation très forte, parvient à chaque fois, on ne sait par quel tour de passe-passe, à sortir de son chapeau des sentinelles prêtes à se donner corps et âme pour leur patrie. Si par le passé on a connu Omar Blondin Diop, aujourd’hui on assiste à l’avènement de Guy Marius Sagna. Toutefois, si ce dernier roule ou a roulé pour Ousmane Sonko, pour qui roule Pape Alé Niang ? Cette question semble innocente et paradoxale, vue la trajectoire ascendante de l’auteur de Scandale au cœur de la République, le dossier du Coud. Cependant, elle a tout son pesant d’or pour tout mineur qui sait observer et détecter les pépites jaunes. Sinon, comment peut-on dissocier l’irruption inopinée du patron de la 2Stv dans une émission animée par Pape Alé et où l’invité était Ousmane Sonko, son départ de cette boîte, sa collaboration avec un opposant au régime, Bou­gane Guèye Dani, propriétaire de SenTv ? Un organe dans lequel c’est avec le candidat malheureux arrivé troisième à la Prési­dentielle du 24 février 2019 qu’il a fait ses premiers face-à-face. Coïncidence ou préméditation ?

Par contre, on peut lui accorder le bénéfice du doute d’autant plus qu’en politique, il ne faut jamais dire jamais. Et l’adage de renchérir : seules les montagnes ne se rencontrent jamais. Et comme on sait que les prédateurs de la République ont des arguments sonnants et trébuchants, irréfutables et quasi irrésistibles, attendons de voir. Toutefois dans son roman Jane Eyre, Charlotte Brontë avertit : «Les règles et les principes ne sont pas faits pour des moments où il n’y a pas de tentations. Ils sont faits pour des moments pareils où le corps et l’âme se rebellent contre leur rigueur. Si pour une convenance personnelle je devrais les fouler au pied : Quelle serait donc leur valeur ?» (traduction mienne).

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Elimane BARRY

professeur d’anglais

au lycée Maciré BA de Kédougou,

eltonbarry87@gmail.com

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