Face à la pandémie du coronavirus, tous les pays du monde sont en train de réajuster leur économie et de prendre des mesures conservatoires pour se prémunir des conséquences d’une récession à l’échelle mondiale. Avec les mesures de confinement indispensables à la lutte contre la propagation de la maladie, certains pays ont adoptées des mécanismes de dotations de ressources additionnelles aux ménages et aux entreprises pour leur permettre de faire face à l’urgence des pertes de revenus et de recettes.
Des mesures plus hardies ont été prises pour prévenir les conséquences d’un rallongement de l’épidémie dans le temps avec toutes les incertitudes que cela comporte. Au Sénégal, sans vouloir être paranoïaque, nous avons l’impression que les sénégalais ne mesurent pas l’éventualité de situations catastrophiques dues à la propagation de la maladie. En effet, nous assistons à la mise en œuvre de mesures sanitaires en occultant le fait que leur efficacité est fortement corrélée à la réponse économique que notre pays développera dans les jours et mois à venir.
A quoi nous servirait d’être un îlot indemne de coronavirus dans un monde en pleine récession économique manquant de tout ? Ne faudrait-il pas élaborer notre stratégie de survie en simulant des scénarii des plus catastrophiques pour les transformer en opportunités pour notre pays ? Les scientifiques, les acteurs de développement et l’Etat doivent nécessairement mener la réflexion pour apporter des solutions à court et moyen termes à cette nouvelle donne. A ce titre, nous entamons la réflexion sans prétention sur des mesures qui nous semblent opportunes et que nous avons consignées ci-dessous :
1. Evaluer les stocks de denrées de première nécessité disponibles dans le pays : riz, huile, lait, sucre, blé, oignons, pomme de terre, carburants
2. Mettre en place des crédits import pour le secteur privé (notamment les acteurs historiquement identifiés dans leurs secteurs respectifs) pour assurer au moins six mois de consommation ; ce crédit import peut être garanti par l’Etat via les banques commerciales pour l’achat d’intrants et de denrées de premières nécessités qui seront éxonérées de droits de porte
3. Lever les restrictions d’importations sur certaines denrées (huiles, riz, tomates concentré, pomme de terre, oignons) soumises à des quotas
4. Suspendre tous les projets d’infrastructures (TER, BRT, etc.) et orienter les ressources vers un fonds de soutien aux salariés et aux PME
5. Création d’un fonds de solidarité sous forme de redistribution des revenus par prélèvements de 5% sur tous les salaires (publics comme privés) et sur les importations. Ce fonds permettra de renforcer la dotation des bourses familiales pour les sans revenus selon le modèle en cours
6. Suspensions du reversement des taxes (TVA, VRS, BRS) et cotisations sociales pour le mois de mars et avril au moins
7. Suspensions des paiements des factures d’électricité, d’eau, des échéances de prêt aux salariés et PME pour les mois de mars et avril au moins
8. Réduction drastique des déplacements par transport public inter et intra urbain
9. Mise en place de congés payés pour les employés du public et du privé occupant des postes non indispensables
10. Mettre en place des mesures de rationnement pour optimiser l’utilisation des denrées de premières nécessités et le carburant
11. Mise en place d’une cellule de réflexion stratégique sur les conséquences à court, moyen et long terme d’une prolongation de la maladie dans le temps.
La cellule pourra être constituée de professionnels de la santé, des sciences sociales, secteur privé et l’Administration publique Face à l’incertitude qui plane sur nos économies, ces mesures non exhaustives permettront surement de gérer l’urgence d’éventuelles pénuries de denrées alimentaires et d’assurer aux ménages des revenus pendant cette période de crise.
Cheikh Tidiane Sy
AGro-EconomistE