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« La PoÉtique De La Ville» De Dakar

Laissez moi emprunter le titre du livre fabuleux de mon défunt professeur Pierre Sansot  qui nous a habitué au département de Sociologie de l’université de Grenoble II  à avoir une autre grille de lecteur de la ville à partir du paradigme de la phénoménologie de Gaston Bachelard.

Fondée en 1857 par le capitaine de vaisseau Protet, commandant supérieur de Gorée, Dakar fut la seule véritable ville en Afrique Noire française jusqu’en 1939. C’est en  1444, que le navigateur portugais Denis Dias a découvert le Cap-Vert et a trouvé comme premiers habitants les Mandingues. Les lébous ont entamé leur migration dans la presqu’ile du Cap-Vert  en 1580 et 1617. Passé de 300 000 habitants en  1960, Dakar aujourd’hui compte plus de 3,5 Millions d’habitants. Plus de 400 000 voitures sont en circulation à Dakar qui repose sur une superficie de 550 kilomètres carrés. Héritier du modèle urbanistique colonial avec le plateau et la Medina, la ville de Dakar porte la même empreinte que la plus part des villes coloniales avec le palais du gouverneur devenu palais présidentiel, l’hôpital militaire, l’église, le camp militaire, le marché, le building administratif, les collèges catholiques, les bistrots pour le pinard après le travail, les boites de nuits  et la Banque. La distribution de l’espace géographique comme tel correspond à une logique des pouvoirs que vous pouvez facilement repérer dans toutes les capitales africaines francophones. Dans les anciennes colonies anglaises, c’était le modèle de la séparation entre les populations autochtones et les colons, tous les employés indigènes devraient disposer de carte de passage pour accéder aux résidences ou à l’administration, les employés de  se confinaient dans leur chambres de bonnes. Ce détour historique permet de camper le décor pour mieux comprendre la logique de l’urbanisation et se projeter sur la nouvelle poétique de la ville ou l’imposture de la ruralité transfigure la ville. La phénoménologie de l’espace par le biais d’une poétique centrée sur la maison, de la dialectique du dedans et du dehors disait Gaston Bachelard qui nous interpellait sous la forme de  topo analyse qui se définit comme  « l’étude psychologique systématique des sites de notre vie intime ». Les Habitats à loyer modérés ont été crées  par l’ordonnance 59-026 du 18 mars 1959  qui a institué un Commissariat à l’Urbanisme et à l’Habitat. La première préoccupation du président Senghor était de sortir le Sénégalais de la grande concession  ou résidaient plusieurs générations sous le contrôle du patriarche pour l’amener dans les villas et le rendre plus performant dans le travail. Les quartiers Mbot, Tieudeme, yakh dieuf Thieudeme, Gouye Salam, Kayefindew, Hock, Santhiaba, Thierigne , Mbakana,  Dieko , Ngaraf , Kaye Ousmane Dieye occupaient l’espace urbain avec une symbolique sur les noms des totems. L’imaginaire  leboue est submergé par les totems et les rites et Dakar porte tous les stigmates de la société hiérarchisée selon les classes d’âges et les alliances dans les pouvoirs. Mame Coumba étant le génie protecteur du Cap vert suivi de Coumba Castel a Gorée, Mame Ndiare a Yoff, Ndeuk Daour aux iles madelaine. Chaque pinthie avait une fonction sociale spécifique qui pour le traitement de la follie, qui pour le traitement de la fièvre jaune, l’apprentissage religieux, etc. La  stratification sociale repose sur deux composantes majeures que sont la parenté et l’alliance d’une part et le système d’inégalité et de domination avec des ordres ethniques, politiques et  religieux.

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Conçue comme une presqu’ile entonnoir comme Conakry sur un modèle binaire entre le Plateau et la Medina, l’urbanisation de Dakar procède d’une logique de superposition de la ruralité à l’urbanité. Tout s’entrechoque, les jeunes talibés, les mendiants adultes, les handicapes devant les restaurants et les boulangeries, les gargotes, le marché à ciel ouvert, les ambulants autour des feux rouge et des carrefours, les sandwicheries, les vendeurs de lait caillés de chaussettes. Tout se fait à  la sauvette dans une urbanité barbare ou il n’y a pas de place à l’humain. Les messages affichés sur les cars rapides avec l’effigie de saints hommes rivalisent avec le marketing de la pauvreté ou des rues sont prises d’assaut selon le type de handicap social, physique ou mental. L’espace du dedans et de dehors n’existe, la ville est nue et d’une nudité sauvage qui ne fait plus la différence entre urbain et rural. Le tohu- bohu au niveau des marchés avec un concours de sonorité débordante et d’odeurs à qui mieux mieux. Tout se joue dans ce méli mélo, avec des Grand-Place à ciel ouvert, des plats cuisinés à ciel ouvert et prés des égouts et des canalisations à la Gueule Tapée. La ville de Dakar devient un enjeu des jeux de pouvoir, de distinction, d’association et d’alliance stratégique entre les damnés de la terre. C’est comme une mafia de l’urbanisation sauvage et débridée des chaines de valeur qui s’installe entre les policiers, les gendarmes, les mendiantes enceintes et allaitantes avec les bébés ; les agents de gardiennage, de sécurité, les vigiles des boutiques, les boutiquiers,  les vendeurs ambulants, les parc- mètres humains postés a des niveaux urbains stratégiques. Les dortoirs à ciel ouvert derrière le centre culturel français, à la place de l’indépendance sur des matelas en cartons renseignent mal sur notre humanité  urbaine perdue et notre indifférence urbaine. A cela, il faut ajouter les loumas qui sont devenus la norme la mieux partagée. Dakar est devenu un Souk à ciel ouvert ou tout le monde est vendeur, les charrettes, les vendeurs de café Touba avec des tasses en plastique, un souk de vente de pièces détachées importées un souk de vente de voitures importées, des chaussures de deuxième main importées. En somme Dakar est devenu un dépotoir d’ordures ou  tous les types de déchets sont déversés sans aucune considération esthétique et humaine de l’urbanité. L’incivisme, le manque de respect de la chose publique, le je vends ma force de travail au détriment des normes de l’urbanité. Enfin, Dakar comme projetait notre défunt président, serait comme Paris à l’an 2000, à la vérité en 2020 Dakar manque de lisibilité urbaine avec une absence de routes piétonnes ou de flâneries et devient une faune urbaine ou personne ne respecte personne, ou la culture rurale absorbe la ville avec ses fantasmes de la lumière et de l’eau courante. Doit-on mettre en place des programmes d’éducation à l’urbanité en cours du soir ou revisiter notre modèle d’urbanisation et faire à la défiguration urbaine ? Changer la vie et changer la ville de Dakar.

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L’évocation des grands trajets urbains impliquera une plus grande participation, il faudra forcer la ville à dire ce qu’elle ne montre pas à tout le monde. En revanche, la mise à nu des essences urbaines constituent plutôt une lecture. Les lieux ne se refusent pas à la gloire de l’apparaître pour conclure cette chronique avec le Professeur Pierre Sansot. Dakar à la fois ville de Désir et ville de dépit à transcender pour une nouvelle urbanité.







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