La planète est fermée. Le temps s’est arrêté. Le monde s’est confiné.
En ces jours les plus sombres et les plus incertains de l’histoire de l’humanité, mieux vaut vivre confiné que d’être contaminé par la pandémie mondiale du Covid 19.
Face au pire désastre humanitaire lié à l’épidémie de décès dans le monde, les médecins sont désorientés, les gouvernements dépassés, les populations déstabilisées, quand bien même la riposte s’organiserait sur tous les plans, non sans mal.
Nous voici ainsi catapultés dans « la gouvernance de crise » où les instruments juridiques auront pour noms : pouvoirs exceptionnels ; état de siège ; état d’urgence ; loi d’habilitation ; ordonnances ; couvre-feu ; entre autres.
Dans la quasi-totalité des Etats démocratiques, le niveau de gravité et d’immédiateté du péril en appelle, avant tout, à limiter les dégâts considérablement gigantesques.
Dans cet ordre d’idées, la question de droit constitutionnel se pose en des termes à la fois simples et complexes : Comment décider juste en situation d’urgence ?
Auparavant il faut rappeler qu’au-delà des intérêts personnels les plus respectables, au-delà des intérêts collectifs les plus défendables, se placent indubitablement l’intérêt général, l’intérêt national et l’intérêt supérieur. Cet ordre public sanitaire mondial que [re]découvrent les gouvernants des pays riches et pauvres, recommande à tout Etat digne de ce nom, d’assurer la survie de la population, face à un chaos d’une ampleur sans précédent.
Décider juste en situation d’urgence
C’est pourquoi, le président de la République, à bon droit, a décrété l’état d’urgence sanitaire, le 23 mars 2020, conformément aux article 69 et 77 de la Constitution du 22 janvier 2001, en même temps qu’il a saisi ce lundi 30 mars 2020, l’Assemblée nationale en vue de l’adoption d’une loi l’habilitant à prendre pour une durée de 3 mois, des mesures relevant du domaine de la loi afin de faire face aux défis et enjeux d’ordre sanitaire, économique, financier et social imposés par la pandémie.
Soit dit en passant, cette habilitation sera probablement prorogée de 3 autres mois, compte tenu de la dure période de soudure qui arrive et de l’état de notre agriculture essentiellement pluviale.
Pour sûr, avec une forte majorité parlementaire, cette loi d’habilitation sera adoptée et publiée dans le journal officiel, le 3 avril 2020, au plus tard. Elle habilitera de jure et de facto le gouvernement à prendre un concert de mesures urgentes et d’ordonnances salutaires dans les domaines budgétaire, de sécurité sociale, de fiscalité, d’appui aux entreprises et d’assistance et de soutien aux personnes les plus vulnérables.
Le projet de loi d’habilitation actuellement sur le bureau du parlement permettra d’administrer avec diligence et agilité un « trésor de guerre » appelé Fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Covid-19 (Force-Covid-19). Objectif final : lever 1.000 milliards de FCFA en provenance des structures de l’Etat et de la participation populaire et citoyenne. « Un trésor de guerre » assez modeste à nos yeux. Nous pouvons et devons aller à 1.500 milliards de FCFA, une véritable « économie de guerre » qui permettra d’alimenter les quatre fronts les plus sensibles : la protection des personnes vulnérables, l’assistance aux ménages, l’appui aux entreprises, enfin le soutien au personnel médical et aux travailleurs sociaux.
Dans cette filiation directe, il est techniquement possible de rapatrier hic et nunc les 8.000 milliards de FCFA de réserve de change dont la moitié est déposée dans les comptes d’opération de la Banque de France. Carrément ! Dans un leadership de crise, le Général en chef doit viser loin, voir grand et juger large. Sous ce rapport, nous proposons dix vigoureuses ordonnances pour le grand corps malade qu’est devenu notre cher Sénégal.
1. Mesures relatives aux personnes les plus vulnérables. Une enveloppe de 100 milliards CFA – au lieu des 60 annoncés – consacrée à l’achat de vivres pour l’aide alimentaire d’urgence. Au soutien de cette mesure, pour lutter efficacement contre la flambée des prix, nous proposons de subventionner le riz à hauteur de 50% tout en assurant la distribution dans les magasins référencés.
2. Mesures relatives au report des factures d’eau, d’électricité et de loyer. Il est évident que la majorité des ménages tire principalement ses revenus de l’activité informelle. En conséquence, les ménages ne pourront pas honorer leurs engagements dans les trois prochains mois. D’où la proposition de report jusqu’en juillet 2020.
3. Mesures relatives aux factures des petites entreprises. En application du principe général de droit « zéro recettes, zéro dépenses », les factures d’électricité et d’eau et de loyers des entrepreneurs, commerçants et artisans en situation de précarité professionnelle ne seront pas payées dans les trois prochains mois. Leur paiement sera échelonné sans aucune pénalité.
4. Effets induits de la baisse du prix du baril de pétrole. Du fait de l’effondrement de l’économie causé par le Covid-19, les prix du baril du pétrole brut demeurent historiquement faibles depuis un mois. La conséquence directe devrait être la forte baisse des prix de l’essence à la pompe au Sénégal dans quelques jours.
5. La réquisition pour cause d’utilité publique sanitaire des industries et usines. Plusieurs d’entre elles sont capables de participer à la production, à la confection et à la fourniture des tests, masques et gels hydro alcooliques, etc., à l’instar de l’Institut Pasteur et Valda Afrique en relation avec la Chine et la Corée du Sud.
6. La réouverture sans délai de l’usine Médis spécialisée dans la chloroquine.
La seule industrie pharmaceutique capable de produire de la chloroquine a fermé ses portes en raison des difficultés financières. Plus 120 employés licenciés pour motif économique.
7. Une allocation d’une prime exceptionnelle à tous les travailleurs du secteur de la santé livrés au combat le plus périlleux de leur vie.
8. La création d’un fond spécial d’appui aux secteurs en crise. Il s’agit de l’hôtellerie, de la restauration, du transport et des médias.
9. Mesures relatives à la dette intérieure. La priorité devra être le remboursement rapide de la dette intérieure et le rééchelonnement du service de la dette extérieure.
10. Recadrage budgétaire du ministère de la santé et l’action sociale. Le budget 2020 est arrêté à plus de 4.200 milliards de FCFA. Le ministère de la Santé et de l’Action sociale bénéficie d’une modeste allocation budgétaire d’environ 192 milliards de FCFA, très loin des 15% recommandés par les organisations internationales et régionales. Sans parler de 1% réservé à la recherche scientifique. Au vu de ce qui précède, il y a nécessité absolue de multiplier par six le budget de la santé.
Résultat ! A défaut d’atténuer les conséquences économiques et sociales indéchiffrables, ces dix propositions d’ordonnances limiteront autant que possible, les dommages incalculables et insondables liés au chaos sanitaire en cours dans le monde et au Sénégal. En ces temps tristes et sinistres, abondance de précautions ne nuit pas. La vie reprendra bientôt son cours normal.
Dieu bénisse le Sénégal et pardonne l’humanité !
A tout bientôt !
Cheikh Omar Diallo est Docteur en Science Politique, Juriste et Expert en Communication, Directeur de l’Ecole d’Art Oratoire