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Faut-il Laisser Le Virus Circuler ?

Au regard de la façon dont cette pandémie du covid-19 nous met à l’épreuve, il est possible d’y voir comme un test de résilience. Chaque pays y va de sa stratégie, en fonction des moyens dont il dispose, de son expérience des grandes épidémies et de l’intelligence de ses dirigeants. Le cas des anglais est de ce point de vue révélateur de ce qu’il ne faudrait pas faire. Pendant que le virus tuait des milliers de personnes en Chine et que toute la planète se préparait au pire, le Premier ministre Boris Johnson pensait, lui, qu’il n’y avait pas péril en la demeure. La solution, simple selon lui et quelques-uns de ses conseillers, consistait à laisser circuler le virus et pénétrer la population le plus profondément possible. Beaucoup de personnes mourront, c’est certain – environ 250 000 victimes selon les estimations des épidémiologistes anglais – mais à un moment donné les gens qui auront survécu développeront suffisamment d’anticorps, ce qui mettra un terme à la propagation du virus. C’est la fameuse théorie de « l’immunité de troupeau » (« herd immunity » en anglais) ou immunité collective. Ce que la théorie ne dit pas c’est qui va mourir. Dans la tête de Boris Johnson c’était pourtant très clair : ce sont les pauvres et tous ceux qui n’ont ni assurance maladie ni protection sociale, bref tous ceux qui n’ont pas les moyens de se soigner. Les quelques jours perdus en tergiversations, le temps que ses conseillers lui font changer d’avis, le mal était fait. Lui-même a contracté le virus et a développé une forme sévère, alors qu’il se croyait en sécurité au Ten Downing street. Aujourd’hui l’Angleterre est le pays qui recense le plus de morts en Europe, en partie à cause de cette doctrine, un avatar darwinien de la lutte pour la survie selon lequel seuls les plus aptes survivront. 

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La stratégie adoptée par le Sénégal est-elle sensiblement différente de ce que Boris Johnson prévoyait pour son pays ? Trois grandes mesures ont été prises pour rompre la chaîne de transmission du virus : l’interdiction des rassemblements, largement respectée, le couvre-feu dont l’efficacité est très limitée vu que l’écrasante majorité ses sénégalais ne sort pas le soir et l’interdiction de circuler d’une région à une autre. Pour le reste on compte sur l’application des gestes-barrières, c’est-à-dire sur l’autodiscipline des sénégalais. Autant dire sur une chimère. Qu’est-ce qui est fait pour limiter les déplacements à l’intérieur de chaque région et à l’intérieur de chaque ville ? Tant que les tests massifs – qu’il faut saluer – ne seront pas complétés par une politique rigoureuse de confinement généralisé de tout le pays, le virus continuera à se propager. Nous sommes sur une courbe ascendante, et il faut être d’une grande naïveté pour croire qu’elle va s’infléchir toute seule. Seules des décisions d’une grande ampleur permettront de l’aplatir et de soulager les hôpitaux. Le Professeur Seydi et ses collaborateurs, sans doute parce qu’ils n’ont pas voulu outrepasser leurs prérogatives, l’ont pourtant demandé, mais à mots tellement couverts que l’on se demande si les autorités ont capté le message.

Nous franchirons dans quelques jours le cap des 1000 malades, et déjà on ne compte plus le nombre d’agents des personnels soignants en quarantaine à travers le pays. Il est indécent de continuer à leur demander de toujours faire des miracles. Qui ne voit que nos structures hospitalières, déjà au bord de l’effondrement parce que fragilisées par des décennies de politique de coupes budgétaires ne supporteront pas le choc ? C’est ce scénario catastrophe d’hôpitaux débordés dont on a vu les effets désastreux en Italie et en Espagne qu’il faut éviter à tout prix ! La résilience des Africains que l’on a tant vanté ces jours-ci a des limites. Certes, le confinement est une décision difficile à assumer politiquement, dans un pays où la majorité des gens vit au jour le jour. Mais à quoi était censé répondre ce formidable élan de solidarité nationale de mobilisation de fonds – 1000 milliards – si ce n’est pour soutenir les sénégalais qui allaient être durement frappés par les rigueurs du confinement ? On le sait, le propre des situations d’urgence, c’est qu’il n’y a pas de solutions toutes faites. Il faut faire preuve de hardiesse et d’inventivité, mais avec la certitude que chaque mauvaise décision, ou chaque décision qui n’aura pas été prise au moment opportun se traduira fatalement pas des pertes en vies humaines. Si nous voulons éviter le syndrome anglais c’est maintenant ou jamais. 

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