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Il Faut Laisser Exploiter Ces Immenses Étendues De Terres Qui Dorment

L’actuelle pandémie du coronavirus a révélé de manière dramatique l’extrême dépendance du monde entier à l’égard de la Chine devenue non seulement l’usine mais aussi la cantine du monde. Si l’Occident, de manière générale, a délocalisé l’essentiel de son industrie dans ce pays-continent en passe de devenir la première puissance du monde, notamment en raison de ses bas salaires et de la qualification de sa main d’œuvre – qui ne connaît pas le droit de grève qui plus est ! -, au moins il ne dépend pas de la Chine, de l’Asie d’une manière générale, pour sa nourriture.

Certes, à la lumière de la pandémie, les pays européens, et pas eux seulement, ont découvert, ébahis, que l’essentiel des médicaments qu’ils consomment est fabriqué au pays du président XI Jinping. Pour un pays comme le Sénégal, hélas, tout — y compris les cure-dents ! — vient de la Chine.

De ce point de vue, le fameux rapport du Boston Consulting club qui, au milieu des années 80, avait prédit que l’application de la Nouvelle politique industrielle (NPI, élaborée sous les injonctions des institutions de Bretton Woods) aurait pour effet de transformer le Sénégal en un gigantesque souk, ce rapport avait terriblement raison. Le Sénégal importe de tout et chaque mois, ce sont des centaines de containers qui y entrent à la grande satisfaction de la Douane qui peut se vanter année après année d’avoir battu des records de recettes…

Hélas, au détriment de ce qui reste du tissu industriel local. A preuve s’il en était besoin par l’appel au secours sous forme de coup de gueule poussé il y a deux semaines par les industriels ou fabricants du fer à béton.

Plus grave, soixante ans après son indépendance, le Sénégal importe toujours d’Asie, notamment du Viêt-Nam, de Thaïlande, de Cambodge et du Laos, mais aussi de plus en plus de l’Inde, le riz qui constitue l’aliment de base de ses populations.

Certes, depuis 1960, diverses initiatives (dans la vallée du fleuve Sénégal et le bassin de l’Anambé, notamment) ont été prises pour produire du riz et, si possible, atteindre l’autosuffisance en cette céréale. Ce qui serait synonyme de coupure du cordon ombilical qui nous lie à ces pays asiatiques et aussi mettrait fin à une ruineuse saignée de devises. La dernière initiative en date, c’était l’objectif volontariste du président Macky Sall d’atteindre justement l’autosuffisance rizicole en 2017.

Un deadline finalement repoussé aux calendes sénégalaises, si ce n’est à la Saint Glinglin. Or, de sombres prédictions indiquent que l’actuelle pandémie mondiale pourrait pousser les pays asiatiques à garder leur production pour nourrir leurs populations. Ce qui, évidemment, aurait un effet dramatique pour des pays comme le Sénégal qui importent presque tout ce qu’ils mangent. A l’exception, en effet, de quantités somme toute modestes d’autres céréales comme le maïs, le mil et le sorgho, notre pays dépend de l’extérieur pour son alimentation. Une dépendance périlleuse et suicidaire en ces temps d’incertitudes. Une dépendance, surtout, d’autant plus inexplicable et intolérable que nous disposons de vastes étendues de terres, d’un relief plat et d’eau en abondance qu’il suffirait de drainer vers les parties arides de notre pays.

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Bienvenue chez les fainéants !

Hélas, ce potentiel n’est pas mis en valeur et nos braves paysans, partisans du moindre effort, se contentent de cultiver trois fois l’année et passent le reste du temps à l’ombre des arbres tandis que les braves femmes s’échinent à nourrir le foyer.

En réalité, la plus grande partie de nos terres n’est jamais exploitée, nos parents ruraux les considérant comme une « richesse de contemplation » à la manière des éleveurs avec leurs bœufs qu’ils n’abattraient pour rien au monde pour consommer de la viande et donc des calories. Le Sénégal, donc, bien qu’ayant des terres à ne pas savoir quoi en faire, des cours d’eau, du soleil…est incapable de produire de quoi se nourrir. Une des raisons à ce paradoxe est, certes, que l’agriculture est largement pluviale et dépend donc des caprices du ciel. La culture irriguée serait donc la panacée. Oui mais voilà, pour cela, il faudrait disposer de moyens financiers pour réaliser les investissements nécessaires. Des moyens dont ne disposent pas nos paysans. Ils ont des terres dont ils revendiquent la propriété et n’exploitent qu’une partie infinitésimale. Des terres dont ils ne veulent pas que les gens qui ont des moyens puisse les mettre en valeur.

Exemple par l’affaire qui défraye actuellement la chronique à Ndingler où on assiste à une véritable révolte paysanne contre un homme d’affaires sénégalais, M. Babacar Ngom en l’occurrence, qui a des moyens financiers et veut investir dans la terre ! Il en est empêché au prétexte que ces terres appartiendraient depuis des temps immémoriaux — façon de parler, bien sûr — aux braves paysans de Ndingler qui ne les ont jamais exploitées ! Et pour cause, puisqu’ils n’en ont jamais eu les moyens. Ni la volonté, sans doute… Des terres (au niveau du Sénégal tout entier) que le président Senghor, visionnaire, avait reversées dans le patrimoine de l’Etat par le biais de la loi sur le domaine national votée en 1964. Une loi en vertu de laquelle toutes les terres non immatriculées — cas de celles de Ndingler — appartiennent à l’état, ceux qui les cultivent ne bénéficiant que d’un droit d’usage. Lorsque la société Sédima — qui a réussi le tour de force de mettre fin à la dépendance du Sénégal aux poulets importés — a voulu lancer un ambitieux programme de culture de céréales et autres spéculations, son propriétaire s’est adressé à la communauté rurale gestionnaire des terres sur lesquelles il avait jeté son dévolu, qui lui a fait une délibération pour lui octroyer 300 ha. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin et pour sécuriser ces terres sur lesquelles il allait quand même engager des investissements de plusieurs milliards de nos francs, le patron de la Sedima s’est adressé à l’Etat, véritable propriétaire, pour demander un bail.

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Après enquête des autorités administratives qui a fait apparaître que le foncier en question relevait bien de la gestion des ruraux qui l’ont cédée à l’exclusion de tout autre, le bail demandé a été accordé. Auparavant, l’Etat avait procédé à la désaffection de ces terres pour les reverser dans son patrimoine. La Sédima a-t-elle voulu sécuriser davantage sur le plan juridique son bien ? Toujours est-il que, dans la foulée, elle a sollicité la transformation du bail en titre foncier. Autrement dit, que l’Etat lui vende les 300 ha en question. Ce qui a été fait là aussi. C’est au moment où les travaux ont commencé que des paysans surgis du diable Vauvert, c’est-à-dire d’un village situé à six kilomètres du terrain de la Sédima, sont venus dire que leurs terres ont été spoliées ! Depuis lors, l’investisseur Babacar Ngom, bien que jouissant d’un titre de propriété incontestable, est empêché de travailler !

Opposants radicaux du parti Pastef menés par l’inspecteur des impôts et domaines Bassirou Dioma faye, un ressortissant du cru, organisations de la société civile avocates du diable et en mal de causes à défendre, activistes et maîtres chanteurs de tout poil ont formé une coalition hétéroclite pour aboyer et mener un combat improbable sur l’air du « touche pas aux terres des pauvres paysans » ! Des « pauvres paysans » qui, d’abord, n’ont jamais été propriétaires des terres qu’ils revendiquent. Lesquelles appartiennent à l’Etat qui les cède à qui il veut. Et qui ensuite — ces « pauvres paysans » — ont toujours été incapables de mettre en valeur ces terres qu’ils se contentent de regarder depuis des lustres. Et qui, aussi, ne manquent pas de lopins de terres à mettre en valeur si tant est qu’ils veulent cultiver. Car enfin, au Sénégal il n’y a pas de latifundiaires que l’on sache qui exploiteraient d’immenses domaines et disposeraient de milices pour massacrer de pauvres paysans afin de s’emparer de leurs terres. Ce qui a emmené le phénomène des guérillas rurales en Amérique latine. Ceci n’étant, bien sûr que la variante contemporaine, les latifundia ayant surtout existé dans la Rome antique… Dans notre pays, il y a des terres pour tout le monde, l’Etat garantissant aux paysans l’accès à cette terre. Pour peu qu’on ne soit pas un fainéant, on peut y cultiver la terre.

Non, messieurs, il n’y a pas de latifundia au Sénégal !

Cela dit, depuis la crise agricole de 2006, on sait que l’un des enjeux du monde contemporain, c’est l’agriculture et, par extension, l’alimentation. Le Sénégal peut-il se permettre de laisser en jachère on non exploitées d’immenses espaces que des paysans qui s’en disent propriétaires ne peuvent pas mettre en valeur tout en interdisant à quiconque de s’en approcher ?

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Des terres qui demandent, pour donner tout leur potentiel et nourrir nos compatriotes, mais aussi contribuer à rééquilibrer notre balance des paiements par le biais des exportations, des capitaux et des technologies. Nos paysans ne disposent ni des uns, ni des autres. L’idéal serait, bien sûr, un partenariat gagnant-gagnant dans lequel ils mettraient à disposition leurs terres (du moins, celles sur lesquelles ils ont un droit d’usage) et où des investisseurs apporteraient le savoirfaire ainsi que la technologie et les moyens financiers. A condition que ces paysans ne s’arc-boutent pas sur des terres qui, de toutes façons, ne leur appartiennent pas et ne chassent pas tous les investisseurs qui se présenteraient ! Notre pays a besoin d’investisseurs directs étrangers (IDe) dans tous les domaines — industrie, mines, tourisme, pêche, TIC — et particulièrement dans l’agriculture. A condition, pour ce dernier domaine, que les détenteurs de capitaux aient accès à la terre ce qui est bien le moins. Il y a déjà des espagnols, des français, des Marocains, des Indiens et des ressortissants d’autres pays qui exploitent de vastes domaines dans notre pays, qui ont boosté la production et c’est très bien ainsi. Mais alors, pourquoi des Sénégalais n’auraient-ils pas le droit d’en faire autant ? Lorsqu’ils viennent dans notre pays, l’une des choses qui frappent le plus les visiteurs asiatiques, ce sont les terres à perte de vue qu’ils voient…et qui ne sont pas exploitées.

Souvent, ils ne manquent pas de demander pourquoi est-ce que donc on importe nos aliments alors qu’on a tout ça ? On aurait envie de leur répondre : la paresse des Nègres ! Si le président Senghor, pour en revenir encore à lui, n’avait pas été assez visionnaire pour accepter que son ami Jacques Mimran — auquel il a accordé beaucoup de facilités soit dit en passant — plante de la canne à sucre dans la Vallée, aurions-nous eu aujourd’hui la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), l’une des plus grandes industries du Sénégal et, surtout, le premier employeur privé ?

Richard-Toll, qui n’était qu’un hameau perdu avant l’arrivée des Mimran, aurait-elle connu l’essor qui est le sien aujourd’hui au point d’être le plus grand pôle de développement de notre pays ? Gageons pourtant que si c’est aujourd’hui que les vastes étendues de terres sur lesquelles les Mimran ont réalisé leurs plantations de canne devaient leur être octroyées, eh bien on aurait vu une camarilla se lever pour crier haro sur les spoliateurs de terres paysannes ! et pourtant, si on avait dix familles Mimran seulement dans ce pays…







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