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Post-covid-19 : Ordre D’un Monde Nouveau (par Cheikhouna Ndiaye)

Dans le sillage de l’article intitulé « Nouvel Ordre Mondial : Aubaine ou Poisse », publié récemment, une autre piste de réflexion s’ouvre à l’égard de post-COVID-19 insinuant un monde nouveau éventuellement conçu au profit des acteurs les moins influents ou ceux qui font l’objet du sacrifice dans le temple du Nouvel Ordre Mondial. Ce dernier, comme il a été mis en relief dans ledit article, est globalement mis sur pied par les acteurs les plus puissants (Etats, Organisations Internationales, Multinationales, ONG, Sociétés secrètes etc.) conformément à leurs valeurs et intérêts stratégiques. Et le monde post-COVID-19 ne déroge guère à cette règle quelle que soit la nature du (NOM). En effet, le (NOM) comporte deux volets : un volet officiel à vocation impérialiste, sous l’égide des Etats en compagnie des Multinationales, liée strictement aux enjeux économiques, financiers et politiques. Et un volet officieux à vocation universelle, sous la tutelle de Sociétés secrètes, liée aux questions d’ordre cultuel, culturel et civilisationnel. Même si le volet officiel prend le dessus dans le discours des élites, le second volet demeure toujours un élément constitutif important. 

En conséquence, le (NOM) de post-COVID-19 s’inscrira dans la rubrique d’une globalisation capitaliste monstrueuse : statuquo intact. C’est-à-dire il n’y aura rien de nouveau sous le soleil hormis des configurations portant sur quelques sous-ensembles que la pandémie a mis à nu, en l’occurrence l’amélioration des systèmes de santé laissés en rade en faveur d’autres secteurs moins importants vis-à-vis du quotidien des populations, des modèles d’affaires plus mobiles et une main-d’œuvre plus flexible, la massification de l’usage de la technologie, la mise en question de la pertinence du déplacement de la production en cherchant des juridictions à faible imposition  et des coûts de production moins élevés, ainsi que de la pertinence de certaines unions confédérales dans la proportion où des membres en mauvaise passe ne voient aucune intervention significative, venant des Etats membres, à leur rescousse.

Mais, en ce qui concerne les fléaux constituant le goulet d’étranglement de la paix et de la sécurité mondiales (guerre, conflit, course aux armements, terrorisme, réchauffement climatique, épidémie, famine, pauvreté, despotisme, répartition partiale des richesses…) seront à l’ordre du jour au lendemain de COVID-19. Car, tout ces fléaux sont liés directement ou indirectement aux intérêts stratégiques des acteurs décisifs de l’ordre mondial. Au stade des Etats, l’application de leurs politiques étrangères requiert un environnement propice pour maximiser les profits, et ces fléaux garantissent souvent des gains de cause à l’avantage des puissants qui boostent les conditions favorables à ce goulet d’étranglement. C’est pourquoi, l’avènement de COVID-19 pourrait être une aubaine pour les unités et acteurs étant sous la férule de l’ordre pour formuler un modèle récalcitrant, dans un monde nouveau, qui leur permettrait de flanquer une raclée à l’ordre défavorable : l’Ordre d’un Monde Nouveau versus le Nouvel Ordre Mondiale. Une conception complètement en opposition au (NOM).

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L’ORDRE D’UN MONDE NOUVEAU 

Le COVID-19 a découvert le pot aux roses: la fragilité de l’ordre dit “mondial”, et des systèmes des pays dits “grandes puissances”. Des mythes tombent, des certitudes mises en question, et le sens de la ralativité s’impose plus que jamais. Des “puissances’’ concourant à la conquête de l’espace, et se lançant dans une course aux armement à la pointe de la technologie, jettent leurs bonnets par-dessus les moulins face à un « infiniment petit » qui incite chez eux des comportements de gangster pour s’approvisionner d’équipements de protection individuelle. Et cette découverte marque une nouvelle ère qui se caractérise par deux évidences : la relativité de la notion de la puissance, et la nécessité de l’implication d’autres pôles (idéologiques, politiques, économiques et militaires) influents pour établir une sorte d’équilibre empêchant les comportements unilatéraux qui secouent la stabilité internationale. L’envergure d’une telle fragilité et le second caractère de la nouvelle ère devraient donner l’impulsion aux acteurs relégués au second plan, toute proportion gardée, dans la configuration de l’ordre pour s’imposer stratégiquement. Et une telle opération s’effectue en deux dimensions complémentaires et interconnectées : une dimension géographique comportant l’Afrique, et une dimension idéologique incluant le Monde musulman. 

Première dimension – l’Afrique : l’état actuel de l’Afrique en termes de la démographie et de ressources naturelles ne s’accorde guère avec son niveau de développement socioéconomique : une évidence d’axiome qui ne nécessite pas de disserter là-dessus. Mais, au-delà de la responsabilité de la classe dirigeante, la situation s’empire à cause d’une sangsue impérialiste. Et la fragmentation du continent par des micro-Etats facilite une telle vampirisation encouragée par l’ordre établi par les plus forts. En tenant compte de cette situation, aucun Etat n’y sera en mesure de se livrer à un bras de fer contre l’envahisseur. Ce qui requiert l’accélération du processus de la conglomération des micro-entités dans l’optique de mettre en œuvre, à l’échelle continentale, un pôle récalcitrant qui n’obéit qu’aux intérêts du continent. Car si l’Afrique, vu son poids en termes de marché de consommation et d’exportation des matières premières, entame une politique cordonnée sous l’ombre d’une union à l’échelle continentale, les rapports de force vont changer en son faveur, ayant le sésame de l’office de renégociation de toutes les conventions, de même que la possibilité de redéfinir sa propre politique et son idéologie de développement conformément à ses réalités. Puisque, les modèles qu’on lui propose vont toujours à l’encontre de son suc : des « ismes » venant de l’hexagone ou ailleurs envoûtant les spirits complexés, notamment une grande partie de l’élite intellectuelle et politique, mais qui prennent une gamelle. Donc, l’Afrique constituerait un élément décisif dans l’ordre d’un monde nouveau pour équilibrer la balance si elle saisit cette opportunité offerte par COVID-19 via une conglomération des fragments.

Deuxième dimension – le Monde musulman :  tout d’about c’est à noter que ce terme est un peu vague comportant des ambiguïtés dans l’optique de la géopolitique à cause de sa dimension géographique triangulaire : Asie, Afrique, Europe. Cependant, c’est tolérable d’avoir recours à son usage pour désigner le Moyen-Orient dans la mesure où il s’agit d’une région abritant 14 pays musulmans dont les trois les plus influents géopolitiquement : l’Arabie Saoudite, l’Iran, et la Turque. Une zone hautement stratégique du point de vue géopolitique et géostratégique comme nous en trouvons l’illustration dans les deux dernières décennies du XXᵉ siècle et les deux premières décennies du XXIᵉ siècle : les deux Guerres du Golf, l’invasion américaine de 2003, la guerre en Syrie, la question nucléaire uranienne, la question israélo-palestinienne (relativement plus ancienne). C’est la région où quasiment les stratégies de toutes les ‘’grandes puissances’’ se jouent. En conséquence, il est devenu la sphère la plus conflictuelle du globe : terrorisme, guerre par procuration, guerre civile, agression étrangère, conflits régionaux. Et cette tension permanente peut s’expliquer en trois choses : 1- la diversité religieuse : Islam, Christianisme, Judaïsme. 2- la diversité culturelle : Arabe, Perse, Turque. La richesse abondante de la région qui constitue un appât géostratégique pour les autres puissances en dehors de la région. Mais, les deux premiers motifs ne semblent pas très solides pour expliquer tous les malheurs qui s’y succèdent. Car, en ce qui concerne le volet religieux figure seulement d’une manière patente dans la question israélo-palestinienne, mais elle aurait pris d’autres formes plus paisibles et pacifiques s’il y avait eu une véritable entente entre les pays musulmans de la région : un rapport de force plus stable. Mais s’agissant des conflits internes de l’Islam comme la question Chiite et Sunnite dans les enjeux géopolitiques de la région, l’aspect politique est plus factuel que l’aspect religieux, même si ce dernier est plus manifeste. En guise d’exemple, l’Iran est toujours chiite, même à l’époque de Chah, et l’Arabie Saoudite toujours sunnite, mais ils entretenaient de très bonnes relations diplomatiques avant la Révolution Islamique de 1979. Une fois que la nature des rapports politiques eut changé entre l’Iran et les Etats-Unis, leurs relations se transformèrent hostilement : des désaccords d’ordre d’idéologie politique, mais exprimés religieusement. 

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Quant à le troisième point s’agissant de la richesse abondante consiste en le suc substantiel du statuquo de la région. Puisque c’est un élément qui s’accorde parfaitement à une grande partie des théories géopolitiques telles que celles de Friedrich Ratzel (1844-1904), de Rudolf Kjellen (1863-1922) et de Karl Haushofer (1869-1946) arguant que l’Etat est un être vivant qui ne cesse pas de grandir même en dehors de ses frontières naturelles ; et cette croissance nécessite une puissance qui lui permet d’annexer d’autres zones potentiellement riches pour garantir une croissance permanente. De même que « Pivot Area / Heart Land Theory » de Halford John Mackinder (1861-1947), arguant que cette zone constitue le cœur de la terre, et aucun pays ne peut prétendre dominer le monde sans qu’il y tienne le haut du pavé, et le Moyen-Orient constitue une partie importante de cette zone. Ce qui explique la présence permanente et musclée des ‘’grandes puissances’’ dans cette région. Et la mainmise sur ces richesses s’effectue par trois stratégies : 

  1. Invasion directe sur la base d’arguments captieux ; puis semer le désordre, l’Irak en est une preuve éloquente ;
  2. Créer et encourager des tensions régionales, puis y prendre part en faveur de la partie la plus frêle et lui propose des marchés d’armement juteux et une garantie de protection : l’Arabie Saoudite en est une parfaite illustration ;
  3. Intimidation, menace et ingérence pour dompter ou renverser un acteur hostile et récalcitrant : en l’occurrence l’Iran et la Syrie ; 

Ce qui fait qu’ils sont permanemment sous le joug, même s’il y a parfois certains acteurs rebelles qui se débrouillent comme un manche pour restaurer la stabilité et l’équilibre. Par exemple, le bras de fer de l’Arabie Saoudite avec la Russie, à l’occasion de COVID-19, par rapport à la réduction de la production pétrolière, en provoquant l’inondation du marché, Trump a menacé directement Mohammed bin Salman que s’il ne se conforme pas à la décision de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), une loi serait adoptée pour retirer les troupes américaines de l’Arabie Saoudite, ce qui a fléchi le prince héritier saoudien. Mais ceci révèle pertinemment encore une fois que l’autonomie sécuritaire et la politique économique autonome sont inséparables :  le fait que sa sécurité nationale soit concédée à une puissance étrangère, serait quasi-impossible de dissocier ses décisions des intérêts de cette puissance. 

D’où la pertinence d’une union inter-Etats devient irréfutable. Et l’ère de post-COVID-19 présente d’un oiseau rare du fait de ses caractéristiques déjà mentionnées en haut (la relativité de la notion de la puissance, et la nécessité de l’implication d’autres pôles idéologiques, politiques, économiques et militaires). Puisque, les relations conflictuelles des pays majors de la région ayant d’une trempe géopolitique influente (l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Turque) sont dues à des considérations politiques, même si elles prennent parfois des formes typiquement religieuses. En fait, cette situation perdure s’ils ne reconfigurent pas leurs relations au profit d’un pôle politique, économique et militaire dans le but de fléchir tous les agresseurs envahissants dont la force découlent de la stupidité stratégique des pays dits islamiques et africains.

Alors, une fois qu’un tel pôle soit mis en œuvre étant en connexion stratégique avec une Afrique unie dans un monde nouveau offert gracieusement par le COVID-19, les rapports de force changeraient en faveur de la stabilité et de l’équilibre permettant l’instauration d’un ordre moins hostile à l’encontre des acteurs sous la férule de l’ordre mondial.  

 Cheikhouna Ndiaye

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