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Étrange Metamorphose (1)

« Il y avait là, par malheur, un petit animalcule en bonnet carré… » ( Voltaire, « Micromégas » »)

Il a bien changé, cousin Baye Doudou, depuis la catastrophique irruption dans notre atmosphère de ce meurtrier microbe qui tue à petit hommes, femmes et enfants de tous pays. Je devrais même plutôt dire qu’il s’est complètement métamorphosé, mon cher cousin ! A tel point que j’ai maintenant l’impression qu’il n’est plus le même et que quelqu’un d’autre s’est substitué à celui que je connaissais avant ce fatidique mois de mars 2020 où la planète tout entière a été mise sens dessus dessous par cet insignifiant mais ô combien virulent microbe coiffé d’une malfaisante couronne ! Au début, personne ne voulait croire qu’il fût aussi dangereux et tous ceux qui avaient tiré la sonnette d’alarme avaient d’abord été tournés en dérision ou traités de fous. Allons donc ! Ce n’était guère plus qu’une grippe passagère voire un simple rhume des foins et il n’y avait vraiment pas de quoi fouetter un chat !…

Et puis, petit à petit, le nombre des morts ne cessant d’augmenter, l’on s’est rendu à l’évidence que l’on avait là, affaire à un ennemi des plus redoutables. Et puis lorsqu’il a explosé dans les pays développés d’Europe occidentale, les mieux dotés de la planète en structures , équipements sanitaires et personnels soignants hautement qualifiés, provoquant de véritables hécatombes et semant une panique générale, alors on a compris qu’il s’agissait d’une pandémie sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Comme de bien entendu, sénégal sunugal, notre cher bateau à moitié ivre, ne pouvait faire exception à la règle, même si les choses se sont déclarées un peu plus tardivement qu’ailleurs.

C’est ainsi que quelques semaines après l’éclatement de l’incendie chez les chinetoques, précisément dans la ville de Wuhan où résident pas mal de nos compatriotes, les premiers cas de cette maladie venue prendre le relais d’Ebola et du sida sont apparus chez nous. Bien sûr, et comme toujours, cela n’a pas suffi à convaincre les habitants de ce charmant pays qui ont la fâcheuse habitude de ne jamais rien prendre au sérieux et qui se croient, on ne sait trop pourquoi, protégés par une mystérieuse baraka dont ils sont les seuls à avoir le privilège. En fait il aura fallu que l’un de nos plus valeureux concitoyens tombe au champ d’honneur pour que ces bénis ouioui, qui se prennent pour des bénis du ciel, se réveillent enfin et sortent de leur léthargie suicidaire. Depuis ce moment-la, c’est le branle-bas de combat tous azimuts, le sauve qui peut national et le pays tout entier est en ébullition !

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Partout, en tous lieux et à tous moments, les gens n’ont plus que ce mot à la bouche : CO-RO-NA-VI-RUs ! On en parle à tort et à travers et, malheureusement, plus souvent à tort qu’à raison ! Chacun y va de son petit commentaire ou de son avis de soi-disant connaisseur, au point que cela en devient franchement énervant pour ne pas dire exaspérant.

Les hypothèses les plus loufoques, les plus dénuées de bon sens circulent au sujet des origines, des causes et de la dangerosité de la maladie, certaines étant de véritables insultes à l’intelligence humaine. sautant sur l’occasion pour faire le buzz ou tenter de redorer leurs blasons ternis ,les rappeurs, slameurs, chanteurs de mbalax et autres amuseurs publics, rivalisent d’inspiration pour créer des airs plus farfelus les uns que les autres, sous le prétexte de sensibiliser la population qui, elle, pense que le coronavirus n’est rien d’autre qu’une sorte de minuscule diablotin sorti tout droit de l’enfer. En tout cas, jamais virus n’aura fait couler autant de salive ni fait dire autant d’âneries ! Une véritable épidémie de fake-news, pour employer un anglicisme très à la mode. Il est vrai que jamais de mémoire d’homme l’on n’aura vu pareil fléau s’abattre sur le monde avec tant de brutalité !

Tout de même il faut reconnaitre que l’on est mieux loti du coté de la presse écrite ou en ligne où l’on est autrement soucieux de l’exactitude et de la véracité des faits qu’à radio cancan. Là au moins on a droit à des débats plus relevés, même s’il arrive aussi que ça vole parfois au des pâquerettes. Voilà donc que cet incroyable virus que l’on appelle également Covid-19, ne me demandez pas pourquoi, est venu « remettre en question nos certitudes et nos croyances les plus ancrées et ébranler les fondements même de nos sociétés pour jeter les bases d’un monde nouveau » ainsi que le proclame doctement un de nos éminents spécialistes en sciences de la pensée à la plume bien affutée et comme le répètent à l’envi nos philosophes, sociologues et autres anthropologues. Ces savantissimes font tout à coup preuve d’une extraordinaire créativité dont on peut légitimement se demander quelle en est la cause. serait-ce cette angoisse diffuse, cette peur sourde et glaçante distillées par l’omniprésence de la mort qui jamais auparavant n’a été aussi imminente dans le quotidien de tous et de chacun ?

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Personnellement je n’ai pas une opinion très précise sur cette question, mais je ne doute pas que les psychanalystes, psychiatres, psychologues et autres « psy », qui sont les médecins de l’âme, possèdent la clef de l’énigme. Quoiqu’il en soit, pour moi qui suis un assidu de la presse, écrite ou en ligne, la lecture de certains articles publiés dans leurs colonnes est un véritable régal de l’esprit. Leur profondeur, leur pertinence et la justesse du ton me laissent parfois même admiratif. Mais il n’arrive aussi parfois d’être irrité par le manque d’objectivité, d’honnêteté intellectuelle, le parti-pris manifeste ou tout simplement la médiocrité du style de certains autres «papiers » qui ressemblent plus à d’infâmes galimatias qu’à d’édifiants articles de presse. Ceux-là, je les balance à la poubelle sans état d’âme ou alors j’en fais du papier d’emballage, mais pas question de les classer dans mes archives ! Mais bon, tout excès nuit et lorsque je sens mon cerveau un peu fatigué par toute cette prose journalistique, bonne ou mauvaise, je me tourne alors vers quelque chose de plus léger, de plus ludique, de plus aérien…

Ces temps-ci, étant comme tout le monde soumis aux obligatoires mesures de confinement, j’ai relu avec un grand plaisir quelques uns de mes bouquins préférés comme « Moby Dick », « Pourquoi j’ai mangé mon père » « L’ivrogne dans la brousse » ou encore « Le vieux qui lisait des histoires d’amour» de l’écrivain Chilien Luis sepulveda, malheureusement emporté par le coronavirus le 16 Avril dernier.

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Quant à « La peste », remis au goût du jour, actualité oblige, j’ai préféré l’éviter pour ne pas en rajouter. J’adore la littérature ! Pour moi elle est, avec la musique et l’amour, l’une des trois choses les plus désirables dans notre vallée de larmes. Heureusement qu’elles existent car sans elles la vie eut été bien morne !…

(A suivre )







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