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Vacciner Contre Le Mal Avec Une Réflexion Critique (par Maurice Dianab Samb)

Vacciner Contre Le Mal Avec Une Réflexion Critique (par Maurice Dianab Samb)

Au moment où j’écris ces lignes, ma mémoire remonte au passé lorsque j’étudiais la philosophie dans le nord de l’Espagne, en tant que seul étudiant d’origine africaine au département de philosophie. Me voir dans cet environnement de dispute philosophique constante et d’augmentation des années qui venaient avec l’habitude de poser certaines questions fondamentales pour mon existence était comme si j’étais sur un champ de bataille ; pris au piège dans une prison sans perspective de sortie possible, mais les impulsions demandaient la liberté, quelles qu’elles soient.

Dans ce contexte, avoir un seul enseignant euro centrique ou au point de ne voir la notion d ‘ « histoire et science » que dans le monde occidental, était encore plus tragique pour moi. Si les concepts philosophiques étaient difficiles à absorber, d’avoir à faire face à la négation de sa propre culture par une personne prétendant à posséder les connaissances scientifiques (universel) produisait en moi des épisodes très douloureux qui m’a marqué jusqu’à présent. Plusieurs fois, j’ai voulu réfuter ces arguments que je considérais comme rétrogrades, mais la condition d’un étudiant me limitait. Je me suis donc consacré à la recherche de ma propre culture, en adoptant le style de Robinson Crusoé, l’homme solitaire qui cherche secrètement le Sophos (savoir).  

Depuis lors, et après des études avancées, mes intérêts se sont concentrés sur le continent : ses philosophies, religions, culture, anthropologie, politique … et en chemin, j’ai rencontré des « envoyés » comme Cheikh Anta Diop, Anthony Appiah, Marcus Garvey, WEB Du Bois, Bachir Diagne, Felwine Sarr, Théophile Obenga, Achille Mbembe, Mamousse Diagne, Serge Bile, Aimé Césaire et bien d’autres qui m’ont libéré de ma propre angoisse. Non seulement j’ai cessé de me sentir étrange au milieu de nombreux doutes, mais j’ai aussi commencé à percevoir mon continent à partir de ma propre métamorphose : retourner en Afrique pour me rencontrer et pouvoir dialoguer avec mes interlocuteurs. La trajectoire est difficile : il y a des moments où l’histoire ancienne nous rend fiers, et d’autres fois, nous avons honte des malheurs commis à l’ère moderne. Mais, surtout, la voix ancienne continue d’appeler et nous écoutons. De là, j’ai consacré toutes mes recherches à la réalité du continent.

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Cela dit, je ne veux pas tomber dans l’utopie qui voit impérativement le mal chez les autres et refuse de dire « ma faute ». Il est vrai que pendant des siècles nos ancêtres ont été extirpés du continent de la manière la plus inhumaine ; des décennies de colonialisme et d’exploitation jusqu’à ce que vienne le vent de la souveraineté internationale. Cependant, il y avait de nombreuses lacunes dans la gouvernance par les Africains, les dictatures, les génocides, les coups d’État, les États en déroute, la corruption, le népotisme, l’irresponsabilité envers les jeunes à tel point qu’ils offrent leur vie au drame quotidien loin de leurs frontières à la recherche d’un avenir rarement atteint en raison des politiques d’immigration sévères.

 Les années passent, le monde international se dirige vers la confrontation multipolaire et les régionalismes devant l’impuissance des institutions politiques et le déclin des États-nations. Le cri devient universel et nous sommes obligés de vivre dans un village planétaire, mais ce n’est rien de plus qu’un euphémisme, car alors que le monde se déplace vers l’est, l’ouest continue de tisser des mécanismes pour défendre le statu quo. Toutes les parties et tous les acteurs des échecs internationaux sont positionnés à la recherche d’alternatives aux incertitudes et aux défis posés par le progrès de la technologie et le changement climatique. Les initiatives viennent rarement des palais africains, mais devraient plutôt prêcher les béatitudes à Washington, Bruxelles, Pékin, Moscou … pour rejoindre la messe.

C’est du drame, et en tant que jeune homme ça me fatigue. Ça nous fatigue. Comment l’Afrique peut-elle être le berceau de l’humanité et ne pas avoir d’initiative ou de voix respectable ? Dans les années 80, les mesures d’ajustement imposées par les organisations de Breton Woods ont liquidé le système de protection publique des pays africains. Depuis, nous continuons à marcher comme des personnes ayant la lèpre, aveugles et désorientés. Des banquets sont souvent organisés   sous forme de conférences (USA-Afrique, Chine-Afrique, Union Européenne-Afrique, Japon-Afrique, et le dernier arrivé était Moscou-Afrique). Plus de cinquante  » semi-états  » à genoux malgré les envois de fonds qu’ils avaient pris de leurs propres dont les vraies disnations restent encore floues.  Quand je médite sur l’humiliation qu’ils nous font, je me demande s’il vaut la peine de s’identifier comme Africain. C’est douloureux, mais nous n’avons d’autre identité qu’africaine.

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Dans cette situation, nous n’avons d’autre choix que d’être responsables envers nous-mêmes. L’Afrique ne peut pas continuer d’être dans la file d’attente ; elle ne peut pas être la victime éternelle et l’humiliée ; la mère qui laisse ses enfants mourir en Méditerranée ; complice du crime immunitaire et des institutions transformées en clans, ghettos et échange de faveurs.

Les progrès de la technologie et de la mondialisation ont signifié que les jeunes Africains et le reste des autres pays sont au même niveau de conscience, ambitions et demandes. Nos dirigeants le savent-ils ? L’ère du « clic » vient faire tomber les mythologies. Le jeune sénégalais ou de tout autre pays africain a les mêmes aspirations que celui qui est dans les états avancés : éducation de qualité, santé universelle, emplois décents, participation à la gestion du bien commun … Malheureusement, les institutions africaines sont rares qui en tiennent compte. Nous préférons la culture du « copier-coller » apprise chez les ancêtres colonisateurs. Manquons-nous de l’intelligence pour avancer ? Manquons-nous des ressources humaines pour changer la mauvaise image ? Non, il y a un manque de volonté politique.

Comme Socrate, je préfère enseigner par l’exemple plutôt que de regarder la paille dans les yeux de l’autre. Fréquemment, de la politique africaine, nous passons du temps à porter des accusations et à consacrer très peu de temps à la réflexion sur notre avenir commun. Cherchant à retirer cette culture très désastreuse pour les acteurs eux-mêmes et pour nous, la jeunesse demande qu’elle soit entendue et qu’on leur donne la possibilité de transformer leur société : être responsable de notre propre destin. Pour ce faire, nous invitons les dirigeants à commencer à faire confiance aux enfants du continent au lieu de dépenser de nombreuses ressources dans des cabinets étrangers qui nous présentent des plans totalement absents de notre réalité sociologique. Afin d’établir des politiques adaptées à la réalité socioculturelle et sans rivaliser avec personne (je reviens sur les mots du penseur Felwine Sarr), il faut commencer à réfléchir par nous-mêmes. 

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Cela m’a encouragé à créer un Think Tank (Ubuntu-Pachamama Strategic Think Tank) qui cherche à englober tous les fils et filles du continent autour d’une réflexion critique et comme source de propositions alternatives et publiques. Notre mission se concentre avant tout sur les questions de gouvernance, de droits de l’homme, de paix et de sécurité, d’économie inclusive et de protection de l’environnement, car les Africains souffrent le plus des drames du changement climatique. Nous ne voulons participer à aucune organisation politique, mais penser stratégiquement, méthodologiquement et scientifiquement pour le bien-être de notre continent. Les données, les rapports, la démographie, le dynamisme de la jeunesse … montrent que l’avenir appartient à notre continent. Il faut le croire pour le matérialiser. 

Nous sommes un groupe de réflexion et d’étude sur la réalité africaine. Face aux signes d’un monde qui évolue vers la bipolarité (la lutte des anciennes puissances et des puissances émergentes), beaucoup se demandent quel sera le rôle de l’Afrique dans le nouveau panorama mondial ? Alors que certains continuent de défendre l’ethnocentrisme-eurocentrisme dans les relations internationales, nous nous éloignons de cette position, affirmant que l’Afrique, en tant que continent, doit et doit participer à la réflexion sur toutes ces questions qui affectent l’humanité. C’est notre devoir éthique et moral et nous ne devons pas échouer. Il suffit de suivre les recommandations et le paternalisme.

Le prophète de l’islam (que la paix soit sur lui) a recommandé à ses disciples de trouver des connaissances, même s’ils doivent se rendre en Chine, et notre aimable compatriote Cheikh Anta Diop nous a invités à nous armer de connaissances car c’est le seul moyen de changer les cinq siècles de souffrance. Nous invitons toute l’intelligence du continent à se rassembler autour de la réflexion et de la recherche de solutions. Les temps ont montré que les politiciens ont besoin d’appui et nous devons offrir des alternatives viables pour la gloire de notre continent. 

Maurice Dianab Samb

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