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Indépendances Africaines, à Quand L’âge D’or ?

Cette année, dix-sept pays africains fêtent le soixantième anniversaire de leur indépendance, dont quatorze anciennes colonies françaises. Nous avons choisi de donner la parole à de jeunes auteurs de la diaspora et du continent, afin qu’ils nous en parlent soit à travers leur expérience, soit à partir d’œuvres africaines qui les ont marqués. Né au Sénégal, en 1990, Mohamed Mbougar Sarr, lauréat de nombreux prix littéraires dont le prix Ahmadou Kourouma 2015, ou encore le prix littérature monde 2018 du festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, nous parle du désenchantement postcolonial. Son dernier roman, De purs hommes, est paru aux éditions Philippe Rey. Une série proposée par Christian Eboulé.

La force de L’âge d’or n’est pas pour demain du ghanéen Ayi Kwei Armah repose sur le dilemme qui tourmente son protagoniste (simplement nommé « l’homme« ) : comment, dans un pays récemment indépendant mais moralement failli, garder son intégrité malgré la pauvreté à laquelle elle condamne ? 

Modeste cheminot, « l’homme » contemple, en refusant d’y participer, la corruption généralisée du Ghana, que les indépendants  (et Nkrumah [Nkwame Nkrumah, premier président du Ghana indépendant, NDLR]) ont précipitée. Devant l’attitude de son mari, Oyo, qui rêve de sortir de la misère, le qualifie de « chichido », oiseau « qui déteste les excréments mais mange les asticots qui s’y complaisent ».

C’est donc sur une double scène (conjugale et collective) que le drame de l’homme, être seul mais lucide, se joue. Un putsch éclate  (occasion d’un inoubliable passage où Koomson, ministre corrompu et camarade d’enfance de « l’homme« , échappe aux militaires en passant par des latrines débordant de merde). Mais le nouveau pouvoir fera-t-il mieux ? L’âge d’or n’est pas pour demain, lit « l’homme » à l’arrière d’un car. Prédiction pessimiste ou foi en un avenir radieux, lointain mais possible ?

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Traduit en français en 1976, ce roman a d’abord paru en anglais en 1968, presque au même moment que d’autres grands livres  (Les Soleils des indépendances [de l’Ivoirien Ahmadou Kourouma], La Plaie [du Sénégalais Malick Fall]) avec lesquels il partage le même désenchantement postcolonial. Mais il y a dans ce livre une densité philosophique et une lucidité que je trouve uniques.

Armah, hélas moins connu qu’Achebe, Soyinka ou Ngugi dans l’espace africain anglophone, me semble pourtant être de leur trempe. On gagnerait à relire ce classique magistral et implacable, qui n’a pas pris une ride.

Le refermant, je songe à la situation de tant de pays du continent et me dis: « L’âge d’or n’est toujours pas pour demain ».

Ayi Kwei Armah, L’âge d’or n’est pas pour demain, Présence africaine, 1976, Traduit de l’anglais par Josette et Robert Mane







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