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Des «conseils Commissionnes » Au Barreau Communautaire De L’uemoa

Des «conseils Commissionnes » Au Barreau Communautaire De L’uemoa

1859/2015 – l’avocature au Sénégal

La profession d’avocat apparaît officiellement, à Saint-Louis, le 5 mars 1859, à la suite de la publication, par le gouverneur Louis Faidherbe, de l’arrêté n°26 définissant la profession de « conseil commissionné ». Pour être nommés, les candidats doivent avoir 25 ans accomplis et connaître le droit. Ceux qui ne sont pas licenciés en droit sont soumis à un examen public sur les lois et ordonnances en vigueur dans la colonie. Ils doivent aussi être citoyens français, naturalisés français, nés d’un père français ou avoir servi dans l’armée française.

Les conseils commissionnés -dont le nombre est alors limité à cinq sur toute l’étendue du territoire- ont un statut d’officier ministériel et exercent sous l’autorité du Procureur général. L’appellation « conseil commissionné » est remplacée en 1901 par « défenseur », puis « avocat-défenseur » de 1905 à 1960. Les archives de la famille Crespin, des Métis de Saint-Louis, permettent de situer l’apparition du premier conseil commissionné natif du Sénégal en 1872. Mais, Jean-Jacques Crespin est surtout connu pour avoir été maire de la ville, en 1890 et 1894.

Dans les années 1900, ses deux fils, Georges et Germain, ainsi qu’un autre Mulâtre, Louis Huchard, deviennent à leur tour défenseurs. Quant au célèbre Maître Lamine Guèye, il prête serment le 4 février 1921 devant la Cour d’appel de l’Afrique occidentale française (A.O.F), située à Dakar.

Généralement considéré comme étant le premier avocat sénégalais, Lamine Guèye avait pourtant été devancé de huit ans par François-Xavier Benga, un Lébou né à Gorée le 27 août 1885, inscrit au barreau de Paris en 1913 et devenu bâtonnier de Châteauroux en 1935. Jusqu’en 1947, année de l’inscription de Babacar Sèye, diplômé en Droit de l’Université de Montpellier, la majorité des avocats-défenseurs exerçant au Sénégal étaient des Français de la Métropole ou des Antilles. Mais, après l’élection de Lamine Guèye à la mairie de Dakar, plus de Sénégalais accèdent à la profession. Les bourses d’études offertes par la mairie, puis l’ouverture de l’École de Droit de Dakar, en 1950, contribuent à ce début de « sénégalisation ».

Ainsi, entre 1949 et 1960, arrivent notamment Sidy Karachi Diagne, Fadilou Diop, Doudou Thiam, Boubakar Guèye, Malick Dione, Valdiodio Ndiaye, Omar Diop, Ogo Guèye, Moustapha Seck, Khar Ndofene Diouf, Abdourahmane Diop, Lamine Sall, Amadou Diop dit Thierno ou encore Moustapha Wade et son jeune frère Abdoulaye Wade, futur président de la République du Sénégal. Les premiers avocats ont presque tous joué un rôle majeur dans la lutte pour l’égalité des droits et l’indépendance ainsi que dans la mise en place et l’organisation de la Fédération du Mali. Et depuis 1960, plusieurs ont occupé (et occupent toujours) des postes clés au sein des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

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A.N.A, PREMIERE ORGANISATION D’AVOCATS AU SENEGAL

Avant l’Indépendance, bien que plusieurs documents mentionnent les barreaux de Dakar et de Saint-Louis, il n’existe pas de barreau légalement constitué. En revanche, des archives révèlent l’existence d’une association portant la parole des avocats-défenseurs. La section dakaroise de l’A.N.A (Association nationale des avocats inscrits aux barreaux de France et de la communauté française), créée semble-t-il en 1955, est présidée par Alain Crespin (fils de Germain Crespin et petit-fils de Jean-Jacques Crespin). L’A.N.A avait été fondée en France en 1921 à l’initiative de Maître Jean Appleton, considéré comme anticolonialiste.

 3 SEPTEMBRE 1960, CREATION DU PREMIER BARREAU DU SENEGAL

Le 3 septembre 1960, la profession d’avocat devient la première profession libérale organisée en forme statutaire. Le Barreau du Sénégal a été créé, par ordonnance, 14 jours après la proclamation de l’Indépendance, intervenue dans la nuit du 19 au 20 août 1960, et quatre jours avant la formation du premier gouvernement de la république naissante dont la composition fut rendue publique le 7 septembre 1960, par le Président du Conseil, Mamadou Dia. Le nombre exact d’inscrits en 1960 n’est pas connu car le tableau de l’Ordre des avocats du Sénégal le plus ancien, conservé à la Maison de l’avocat (siège du barreau à Dakar), date du bâtonnat de Maître Malick Dione, élu en 1965. Il compte 45 avocats dont 4 stagiaires; les Sénégalais ne représentent qu’un tiers de l’effectif. Le premier bâtonnier du Barreau du Sénégal est le Français Pierre Geni. Maître Abdourahmane Diop -fils du futur grand Serigne de Dakar El Hadj Moussé Diop et de Katy Diop- lui succède en 1961. Il devient ainsi le premier bâtonnier sénégalais.

1960-1984, VERS LA CREATION DE L’ORDRE DES AVOCATS DU SENEGAL

A partir de 1960, les conditions d’admission au barreau changent de manière significative. Les enquêtes de moralité ne sont plus confiées à la police, mais au Conseil de l’Ordre, qui, avec le bâtonnier, statue sur les demandes. En revanche, les avocats restent soumis à l’autorité des magistrats, notamment du Procureur général ce qui implique, par exemple, en cas d’incident à l’audience, une comparution immédiate pouvant être suivie d’une exclusion du barreau, plus ou moins longue.

Dès 1970, tandis que l’on assiste à un agrandissement et à un rajeunissement de la profession, favorisés par les départs de plusieurs Français âgés, les revendications se précisent. Outre la relation magistrat-avocat, l’accès aux grands dossiers civils (banques, assurances, etc.), l’amélioration des conditions de travail, etc., préoccupent de plus en plus les nouveaux venus. 1975 reste une année particulière pour le Barreau du Sénégal. Cette année-là, Mame Bassine Niang devient la première avocate sénégalaise, d’origine et de nationalité. C’est également la première fois que plusieurs promotions sont admises en quelques mois, dont une de trois avocats (un record!). Un an plus tard, la très dynamique Association des jeunes avocats sénégalais (AJAS) engagée, entre autres, dans la lutte pour le respect des droits de la défense et la vulgarisation du droit auprès des justiciables, voit le jour.

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Dans les années qui suivent, les droits de l’homme font également leur apparition lors de conférences internationales organisées sous le bâtonnat de Maître Moustapha Seck, ayant à son actif la création à Dakar de l’Union interafricaine des avocats (U.I.A) et de l’Institut des droits de l’homme et de la paix (IDHP). En 1978, l’agrandissement du barreau se confirme avec l’admission de groupes de dix voire plus. Mais c’est en 1982 qu’il prend un tournant décisif. Cette année-là, trente-quatre avocats prêtent serment, le même jour, après une bataille juridique et judiciaire contre le Bâtonnier Ogo Kane Diallo et le Conseil de l’Ordre. Craignant une dévalorisation de leur profession, ils avaient rejeté leurs demandes d’admission. C’est ce qui leur valut une plainte des jeunes et un procès devant la Cour d’appel de Dakar.

Les candidats avaient été défendus par un ancien bâtonnier, Fadilou Diop, et par Babacar Niang, plus connu sous le nom de Mbaye Niang (également fondateur du Parti pour la libération du peuple, P.L.P). Des bâtonniers (Mame Adama Guèye, Ameth Ba), plusieurs ministres (El Hadj Amadou Sall, Madické Niang, Aïssata Tall Sall) et ténors du barreau (Boukounta Diallo, François Sarr, etc.) sont issus de la fameuse promotion de 1982. Durant cette période, le ministère de la Justice, dirigé par Alioune Badara Mbengue, produit un projet de loi sur la profession d’avocat au Sénégal, très attendu par le barreau. La loi 84-09 du 4 janvier 1984 est finalement votée après d’âpres négociations avec son successeur, Me Doudou Ndoye.

1984-2015, LE BARREAU DU SENEGAL D’UN SIECLE A UN AUTRE

 La loi 84-09 du 4 janvier 1984 portant création de l’Ordre des avocats du Sénégal marque le début d’une ère nouvelle pour les avocats comme pour leurs clients. Le texte affirme le caractère libéral et indépendant de la profession, précise les conditions d’entrée au barreau, les règles de l’Ordre et d’exercice du métier, etc. La mise sur pied de la Caisse de règlements pécuniaires des avocats du Sénégal, communément appelée Carpa, y est également mentionnée. Elle vise à sécuriser la relation avocat-client, en particulier pour tout ce qui concerne les manipulations financières. La création de la Carpa, considérée comme un acquis majeur, sera difficile.

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En 1986, au moment où les avocats planchent encore sur la création d’une caisse répondant à leurs aspirations, l’État prend les devants et produit un texte de loi qu’il fait passer devant les députés sans l’avis des concernés. Le nouveau bâtonnier, Me Boubakar Guèye mobilise le Conseil de l’Ordre, saisit le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Seydou Madani Sy ainsi que le Président de la République, Abdou Diouf. L’exécutif fait la sourde oreille. Le 28 mai 1986, le projet de loi portant création de la Carpa passe à l’approbation de l’Assemblée générale de la Cour suprême, puis il est soumis au Conseil des ministres.

Outré, Boubakar Guèye convoque une assemblée générale à l’issue de laquelle il demande à ses confrères Abdoulaye Wade, Thierno Diop, Babacar Niang, Christian Valantin et Ibrahima Bèye, tous députés à l’Assemblée nationale, de s’opposer au texte. La loi 86-21 est tout de même votée le 16 juin 1986 et le décret d’application pris peu de temps après. Mais les avocats finissent par obtenir ce qu’ils veulent: la loi 87-30 du 28 décembre 1987 fait oublier celle de 1986. La Carpa devient finalement opérationnelle en 1990; elle permet de renforcer l’autonomie financière de l’Ordre. A la même période, l’Afrique s’engage, petit à petit, sur la voie de la coopération juridique et judiciaire.

Un premier pas est franchi le 17 octobre 1993 avec la signature à Port-Louis (Ile-Maurice) du Traité pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). Depuis lors, la coopération juridique et judiciaire continue de faire son bonhomme de chemin sur le continent africain abritant désormais plusieurs juridictions dans lesquelles interviennent régulièrement des avocats sénégalais (Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada, Cour de justice de la CEDEAO, Cour de justice de l’UEMOA, Cour africaine de justice et des droits de l’homme de l’Union africaine). Depuis le 1er janvier 2015, date de l’entrée en vigueur du Règlement n°5 de l’Union économique et monétaire ouest africaine, UEMOA, l’intégration sous-régionale a connu de nouvelles avancées. Désormais, les avocats des huit États membres sont soumis aux mêmes règles d’admission, d’exercice, etc. et les justiciables bénéficient (en principe) des mêmes droits de la défense.

PAR CÉCILE SOW, JOURNALISTE ET RÉALISATRICE (HISTOIRE DU BARREAU DU SÉNÉGAL)







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