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Le Couple Biden-harris Fera-t-il Le Bonheur Des Noirs ?

Un fait historique vient de se produire aux Etats-Unis d’Amérique. Joe Biden et sa colistière Kamela Harris ont battu Donald Trump, le candidat du Parti républicain et Président sortant. Biden est le plus vieux candidat à être élu Président après avoir été le plus jeune Sénateur à représenter l’un des Etats de l’Union à la chambre haute du Parlement qu’est le Congrès. Harris est la première femme de couleur à occuper le poste du numéro Deux de l’exécutif du pays de l’Oncle Sam. L’histoire est remarquable. Kamela Harris est noire, elle est aussi indienne, fille d’une mère immigrante venant de l’Inde (différente des natives indiens, seuls authentiques américains), et d’un père immigrant née en Jamaïque.

Pour la première fois donc, une femme descendante d’une famille aussi diverse accède non seulement à une position aussi élevée dans la nomenclature de la Maison blanche, mais défriche aussi les travées sinueuses qui mènent à la fonction suprême dans un avenir peut être pas lointain. On dit que le vice-président n’est séparé du Bureau ovale que par une simple attaque contre son patron. A la suite de cette élection de l’ancienne procureure générale et actuellement sénatrice de la Californie, l’Etat le plus peuplé de l’Union, avec une économie qui occuperait la sixième place au monde s’il ne faisait pas partie de l’Etat fédéral américain,  relance la question de la place des Afro-américains et du leur continent d’origine dans la future Administration Biden-Harris.

Certes, le monde a déjà vécu ce type d’interrogation au lendemain de l’élection en 2008 de Barack Obama, fils d’un étudiant venu du Kenya et d’une femme blanche du Midwest, mais les termes de ce débat sont radicalement nouveaux cette fois-ci. Cette année, la contribution des Noirs et des autres minorités au succès du nouveau couple politique a été le facteur déterminent. Ed Koch, un ancien maire de la commune de New York disait des minorités, avec une hallucinante franchise, qu’elles ne l’intéressaient pas « parce qu’elles ne votaient pas. »

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Les politiciens, c’est connu, sont en général guidés par les retombées électorales que peuvent générer leurs choix. Il est unanimement admis aujourd’hui que si Joe Biden est élu président, c’est grâce aux votes des Noirs qui ont d’abord sauvé sa candidature aux primaires des Démocrates en Caroline du nord avant l’arrivée de Harris dans le ticket, pour ensuite accompagner ce même ticket inédit au triomphe le 3 novembre 2020 dernier.

Dans le cas de Barack Obama, l’opinion a accrédité l’idée selon laquelle que vote noir fût sentimental et non raisonné. Cette fois-ci,  il est important de noter que cette implication massive des Africains Américains à la victoire de Biden n’a pas eu comme motivation principale la couleur de la peau, même si ses relations antérieures avec Obama ont été un encouragement supplémentaire. C’est plutôt un processus enclenché depuis la candidature de Jesse Jackson aux primaires démocrates en 1988, qui arrive en maturité. Si aujourd’hui l’Etat de Géorgie, porte d’entrée du Sud profond et jusque-là hermétiquement fermé à tout candidat démocrate tombe dans l’escarcelle du nouvel homme fort de Washington, la raison est d’abord à chercher dans la mobilisation des Noirs dans les grandes villes de cet Etat d’un développement fulgurant des classes moyennes noires plus éduquées et à la conscience politique plus aiguisée.

D’ailleurs ces transformations politiques étaient déjà perceptibles depuis des années. Lors de la dernière élection spéciale locale pour choisir un gouverneur de la Géorgie, la candidate démocrate Stacy Abraham une Noire, a perdu la compétition de justesse avec quelques centaines voix. Et les élections de 3 novembre dernier ont donné une occasion rêvée à cette « dame de fer » pour prendre sa revanche. Depuis sa défaite d’il y a de cela deux années elle a mobilisé des millions de dollars pour inscrire massivement les membres de la communauté noire sur les listes électorales avant de contribuer à pousser ces mêmes membres à voter avec un record historique.  Les tendances similaires se sont confirmées dans l’Arizona et ont également consolidé les positions démocrates dans le Nevada.

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Avec la nouvelle force de frappe électorale de la communauté noire, l’Administration Biden-Harris n’aura d’autre choix que de faire très attention aux priorités des Africains Américains.

Ces priorités se déclinent en termes d’investissements massifs dans l’éducation des enfants des minorités, de gratuité des universités publiques pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur, de lutte farouche contre la racisme systémique qui continue de sévir dans le pays avec des réformes du fonctionnement de la police généralement très hostile aux minorités, de renforcement conséquent du système d’assurance médicale qui avait déjà été entamé par Barack Obama à travers Obamacare que le Républicains ont tout fait pour démanteler, etc.

Et l’Afrique dans tout ça ? 

Comme toujours, son sort, sa place et son importance aux yeux des Etats-Unis, ne varieront pas de manière substantielle. Les Etats-Unis, comme presque tous les partenaires de l’Afrique, s’appuient sur le principe du « What’s in For Me ? » (Qu’est-ce que j’y gagne ?), quel que soit le Président qui siège dans le Bureau ovale. Un continent qui représente moins de 5% du commerce mondial peut difficilement être au centre des préoccupations d’une nouvelle Administration américaine.

L’Afrique n’intéresse réellement l’Amérique que sous l’angle de la sécurité, et ce sujet est toujours laissé entre les mains des militaires et des services de renseignements. Toutefois, si l’élite africaine décidait de bien négocier, dans le sens de bien faire prendre conscience de sa position de ventre mou du terrorisme, elle pourrait exiger (le mot n’est pas fort) des Etats-Unis, et du reste du monde occidental, que ses préoccupations de développement ne soient placées en arrière-plan des questions principales de la diplomatie mondiale.

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Mais une telle attitude de la part de l’Afrique serait difficilement efficace, si les différents leaders africains continuent à se lancer dans une concurrence pour être chacun, « le président le mieux adoubé » par Washington, Berlin, Londres, Paris ou les institutions de Breton Woods. Toutefois, un nombre limité de pays africains continuera à tirer son épingle du jeu en restant des modèles de bons élèves que l’Amérique et l’Occident voudront toujours présenter au monde. Le Sénégal en fait partie évidement.







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