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La Douce Lionne De L’ajs S’est éteinte Ce Soir

La Douce Lionne De L’ajs S’est éteinte Ce Soir

Marie Delphine Ndiaye s’est éteinte dans la soirée du 17 février 2021 après une vie au service des personnes les plus faibles et les plus vulnérables de notre société : les femmes et les enfants sans ressources et sans défense.

Marie Delphine Ndiaye fait partie des aînées qui ont fait connaître et aimer l’Association des juristes sénégalaises dont elle incarnait si bien la mission et les valeurs. Douce et souriante au quotidien, elle devenait inflexible quand il s’agissait de s’élever contre les atteintes à la dignité de la personne humaine et contre les violations des droits des femmes et des enfants en particulier.

Marie Delphine Ndiaye, que certaines d’entre nous nommaient in petto Marie Fulla, était le type même de la main de fer dans le gant de velours. Dans la discrétion, sans jamais faire de vagues, mais avec une constante fermeté, elle a mené aux avant-postes les combats de l’Ajs, arrachant d’éclatantes victoires telles que la première boutique de Droit. C’est en effet sous sa présidence que ce long rêve de l’association s’est enfin réalisé. Jusque-là et depuis sa création formelle en 1974, ce qui était d’abord l’Amicale des juristes sénégalaises, organisait des journées portes ouvertes où tout justiciable, homme ou femme, quel que soit son origine ou son statut social pouvait venir s’entretenir gratuitement de son cas avec les professionnel-le-s du droit qui les attendaient soit à la grande salle de la chambre de commerce de Dakar ou de Saint-Louis, soit dans une salle prêtée pour l’occasion par une mairie. Des conseils juridiques étaient ainsi gracieusement offerts à une population, au sein de laquelle de nombreux analphabètes en français, qui n’avaient pas d’autres moyens d’accéder à la connaissance sûre du Droit et de leurs droits. Entretenu par le succès constant de ces journées portes ouvertes, le rêve de l’Ajs était d’avoir un local, une permanence ouverte tous les jours de la semaine à toute personne ayant un souci, léger ou grave, et souhaitant être édifiée sur les voies juridiques de résolution de ce problème.

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Le choix s’était porté sur l’expression «boutique» de Droit, non pas parce que l’on y vendrait quoi que ce soit mais pour montrer que l’ambition était d’en faire un lieu aussi accessible et aussi présent dans nos quartiers que la petite boutique installée à tous les coins de rue de nos villes, jusque dans nos villages. Depuis la première boutique de Droit, ouverte à la Médina, en 2008, avec le soutien de la coopération italienne et des maires, le regretté Me Biram Sassoum Sy (paix à son âme) et l’actuel maire Bamba Fall, l’Ajs compte 7 boutiques de dDroit supplémentaires (Pikine, Thiès, Kaolack, Kolda, Sédhiou, Ziguinchor et Kébemer) en partenariat avec le ministère de la Femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants, la coopération italienne, ainsi que l’Ue et Osiwa, l’Ancs et le Fadec. Mais c’est toujours la première brique de l’édifice qui compte le plus, et cette première brique a été posée par Marie Delphine ! Sois en remerciée à jamais, chère Marie Delphine. Désormais la boutique de Droit de la Médina sera baptisée Boutique de Droit Marie Delphine Ndiaye.

C’est encore sous la présidence de Marie Delphine Ndiaye que l’Ajs a réussi à monter, avec succès, le dossier de candidature pour un projet de financement par l’Union européenne de l’accès des femmes à la terre (Projet droit foncier et égalité des chances). En compétition avec des projets envoyés du monde entier, c’est celui pensé et élaboré par Marie Delphine, en partenariat avec le Cncr et l’Ong Cospe, qui l’a emporté. Il a permis de mettre en place, en 2010, un numéro vert le 800 805 805, ainsi que des livrets de vulgarisation des procédures d’affectation de terres en langues nationales, joola et seereer. Marie Delphine a coordonné ce projet pendant 4 ans sans discontinuer.

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C’est aussi de main de maître qu’elle a coordonné l’élaboration de livrets de vulgarisation, illustrés et bilingues (langue officielle/une langue nationale : wolof, pulaar) destinés à faire connaître les dispositions juridiques relatives aux violences physiques et sexuelles ainsi que les sanctions prévues.

Sous sa présidence, le flambeau de l’Ajs a brillé partout dans le monde avec l’organisation au Sénégal, par l’Ajs, du XXIe Congrès de la Fédération internationale des femmes de carrière juridique, avec des délégations et des intervenants venus d’Afrique, des Amériques (du Nord et du Sud) et d’Europe en novembre 2012. Le congrès s’est tenu sous la présidence effective de son Excellence le Président Macky SALL, accompagné de son Premier ministre, Monsieur Abdoul Mbaye, et des membres de son gouvernement, le président de l’Assemblée nationale, Monsieur Moustapha Niasse, était également présent avec nombre d’honorables députés, la magistrature sénégalaise était elle aussi représentée en force, tout comme le barreau et les autres professionnels du Droit. Madame Fatou Bensouda, procureure générale auprès de la Cour pénale internationale, était venue spécialement pour l’occasion. Le thème du congrès était : «La paix garantie des droits humains» et l’occasion a été saisie pour faire un plaidoyer en faveur de la prise en compte des droits de l’autre moitié du genre humain dans les matières suivantes : Paix et sécurité, Accès à la justice, Droit à la santé, Accès et contrôle des ressources.

Dans le cadre de ses activités professionnelles, Marie Delphine a été appelée, en qualité d’experte fiscale, à être membre d’un comité de réforme de la loi fiscale mis en place sous l’égide du Premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré. Alors qu’il ne s’agissait nullement de s’intéresser à l’équité fiscale pourtant exigée par la Constitution (article 25 al. 2), elle a résolument et fermement insisté pour que cette question soit inscrite à l’ordre du jour des travaux. La suite on la connaît, alors que pendant des années l’Ajs avait expliqué sans succès aux différents gouvernements l’obligation de mise en conformité de la loi fiscale avec la Constitution, il a suffi que Marie Delphine soit appelée en tant qu’expert fiscal pour que, sans crainte de perdre sa place dans ce comité, elle insiste sans relâche pour obtenir ce qui est devenu la Loi 2008-01 du 8 janvier 2008 portant modification de certaines dispositions du Code général des impôts et relative à l’égalité de traitement fiscal (J.O. n° 6387 du lundi 21 janvier 2008).

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Combien de Sénégalaises, qui reçoivent leur fiche de paie ou remplissent leur déclaration d’impôt, savent qu’elles doivent l’abattement fiscal dont elles bénéficient pour chacun de leur enfant à la pugnacité, à la ténacité d’une association, l’Ajs, et d’une de ses membres en particulier, Marie Delphine Ndiaye.

Sur le plan professionnel elle était la rigueur même, sur le plan humain, elle était d’une bonté sans bornes, elle avait un sourire de madone, un visage d’ange et un cœur à l’avenant. Dans son corps de métier, ses collègues ont attesté de ses exceptionnelles qualités humaines et professionnelles en l’élisant présidente de l’Ordre des Experts. Faisant d’elle, à notre grande fierté, la première femme à être élue à cette fonction au Sénégal.

Sois en Paix chère Marie Delphine, accueillie par Maam Yàlla dans son Paradis le plus haut, accompagnée des prières ferventes de toutes les personnes que tu as marquées pour le meilleur dans ta vie au service des autres et du Bien.

Tes sœurs de l’Ajs

www.femmesjuristes.org

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