Le Sénégal a connu des remous ces derniers jours suite à l’affaire Adji Sarr–Ousmane Sonko. Des hordes de manifestants ont investi les rues de la capitale mais aussi de plusieurs villes de l’intérieur. De mémoire de sénégalais, jamais on a vu autant de violence pour la même cause en maints endroits du pays et simultanément. 13 victimes nous dit-on, voire plus ! De nombreux blessés, des civils mais aussi des hommes de tenue. Sans parler des casses et autres pillages. Les choses ont débordé au point que les autorités ont dû faire appel à la grande muette. On a eu chaud !
Mais au-delà de ces martyrs tombés pour des batailles qui avaient été pourtant engagées par d’autres qui avaient en son temps payés un lourd tribut pour que la démocratie soit une réalité, Adji Sarr a aussi fait deux victimes politiques qui ne sortiraient pas indemnes de cette situation inédite pour le Sénégal : Ousmane Sonko et le Président de la République Macky Sall ! Au début de cette affaire, le leader du parti Pastef avait d’ailleurs déclaré : « Le Président Macky Sall me fera peut-être mal, mais il va aussi y laisser des plumes » Apparemment, cette déduction est en train de se réaliser.
D’abord, l’ancien inspecteur des impôts aura beaucoup de mal à se sortir de ce guêpier sur le triple plan politique, judiciaire, moral ! Comme beaucoup de sénégalais, je doute fort qu’il y ait eu viol ! Une victime de viol aurait-elle le temps de deviser tranquillement avec son bourreau qui lui ferait même des confidences sur la couleur de la robe de nuit de son épouse ? Avouons que ce serait un violeur plutôt sympathique ! Bref. Mais dès lors que le leader de Pastef a admis qu’il est un habitué de ce salon de massage très peu recommandable, à certaines heures, pour une personne qui est à cheval sur certaines règles de la religion musulmane et, qui plus est, est bigame, il a semé le doute dans la tête de beaucoup de citoyens. Ses adversaires useront de tous les moyens légaux mais surtout illégaux pour le couvrir d’opprobre et lui faire porter de force une camisole de déshonneur avec l’appui d’une certaine presse qui va s’en donner à cœur joie. Et Ousmane Sonko aura du mal à s’en départir, ce qui aurait un impact dommageable sur son image et sur sa carrière politique qui avait pourtant pris son envol d’une façon extraordinaire ! Il aura beaucoup de difficultés à faire fi de toute cette histoire avec des détails salaces que son accusatrice va continuer à débiter et que ses adversaires politiques vont prendre le temps de distiller dans les consciences. Les « esprits tordus » parlent même d’un probable procès retransmis en direct à la télé ! Et cela ferait certainement mouche auprès de certains citoyens et électeurs. Au sein de son parti aussi il n’est pas exclu que certains refusent de continuer à trainer ce boulet qui risquerait de les ralentir pour très longtemps encore !
Ensuite pour le Président Macky Sall, cette révolte citoyenne et populaire est une douche froide qui le bloque de plusieurs manières. Non seulement il perd le monopole de l’initiative et pour la première fois est obligé de subir et de jouer la défensive, alors qu’il avait l’habitude d’être à la manœuvre depuis 2012 ! En plus la pression a été tellement forte qu’il a dû avouer publiquement, à demi-mot peut-être, qu’il n’a jamais dit qu’il briguerait un troisième mandant. Aujourd’hui, je vois plus un président qui a peur et qui n’a plus que deux obsessions :
- Calmer le jeu en amadouant les jeunes pour pouvoir terminer son mandat en paix !
- Manœuvrer autant que faire se peut pour éviter de mettre Ousmane Sonko sur orbite et d’avoir à faire la passation de service avec lui.
Des éditorialistes ont souvent présenté le patron de l’Alliance Pour la République comme un génie politique. C’est le moment pour lui de sortir le grand jeu pour montrer qu’il mérite ce titre.