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Amadou Mahtar Mbow, ProfondÉment Moderne

Nous avons célébré, ce samedi 20 mars, le centenaire de Amadou Mahtar Mbow, figure majeure de notre pays dont il a accompagné le destin, de la deuxième Guerre mondiale à la deuxième alternance de 2012. Nous avons célébré le patriarche quand notre pays venait de traverser une des plus violentes crises de sa jeune histoire. Crise qui, par sa nature et ses divers intrants, laisse augurer des lendemains sombres pour le Sénégal.

Notre pacte républicain et notre démocratie ont vacillé, nous interpellant sur la nécessité de repenser notre pays en profondeur, par-delà les diverses chapelles. Nos institutions républicaines sont imparfaites, mais jusque-là elles sont le rempart contre l’anarchie sans lendemain créateur. Cette crise nous oblige à revisiter notre passé et le legs de nos pères fondateurs. Parmi eux, nous avons Amadou Mahtar Mbow, un trésor humain vivant, dont l’œuvre a été marquée par la sacralisation dont il a toujours fait sienne de la République et des institutions démocratiques.

En 2007, l’opposition groggy par une victoire «surprise» au premier tour de Abdoulaye Wade avait boycotté les Législatives et occupé la rue et les médias. Elle était absente des institutions, ce qui constituait un danger pour une démocratie comme la nôtre. Elle avait eu la lumineuse idée de proposer ce grand moment de refondation démocratique et de modernisation de nos institutions que furent les Assises nationales. Amadou Mahtar Mbow dirigea les travaux et permit de faire des propositions révolutionnaires afin de moderniser la démocratie sénégalaise et de la mettre en cohérence avec nos objectifs de progrès économique et social. Les Assises nationales ont été un formidable moment de bilan de cinquante ans de politiques publiques, mais aussi un temps de réflexion et de production de nouveaux savoirs en vue de rendre l’horizon moins sombre, moins incertain.

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Amadou Mahtar Mbow est allé au-delà des chapelles, des rancœurs et des postures pour convier les différentes composantes de la Nation dans un même élan de réflexion afin de bâtir des communs et mener la bataille pour le progrès humain et social. Je me souviens encore des menaces de Abdoulaye Wade vis-à-vis de toute personne ou organisation qui répondrait à l’appel des «Assisards». Hélas, des années plus tard, les Assises ont été pour certains un prétexte, pour d’autres un marchepied ou un instrument cosmétique aux fins d’ambitions politiciennes en déphasage avec ce qui en a été l’essence.

En 2012, Amadou Mahtar Mbow ne s’est pas découragé. Il n’a pas ignoré l’appel pressant du pays quand, à nouveau, on eut besoin d’une figure pour réfléchir sur les institutions après la deuxième alternance. Ainsi naquit la Cnri, dont la mission était d’apporter une réponse aux querelles dans l’espace public, provoquées par la nature de nos institutions. L’œuvre de la Cnri a été révolutionnaire en vue du renforcement de l’ancrage démocratique du Sénégal. Hélas, ses conclusions ont été ignorées par le régime actuel malgré leur pertinence.

Parmi les jeunes sortis récemment dans la rue, certains ont crié justice, Etat de droit, libertés publiques, institutions républicaines. Leur demande en matière d’approfondissement démocratique sied à notre tradition historique que semble ignorer une bonne partie de la classe politique.

Je fais partie des citoyens déçus de voir les conclusions des Assises nationales remisées dans les oubliettes en dépit des engagements d’avant. Le Sénégal a raté le coche des Assises pour refermer le premier cycle procédural de sa démocratie, qui concerne les institutions afin d’inaugurer le deuxième, ayant trait au progrès économique et social. Voir les politiques afficher encore leurs désaccords sur la question du fichier électoral et le bulletin unique renvoie une image triste d’un si grand pays qu’est le Sénégal.

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Amadou Mahtar Mbow n’a pas seulement joué un rôle d’avant-garde durant sa jeunesse. Il n’a cessé d’être disponible au service de son pays par une œuvre de modernisation de la démocratie afin de rendre la République plus juste, plus sociale et plus égalitaire. C’est en cela que l’homme est profondément moderne. C’est en cela qu’il doit être pour ceux qui gouvernent ou aspirent à gouverner une source sincère d’inspiration sur l’éthique républicaine.

C’est en cela que son œuvre doit inspirer les jeunes tentés par le déni et la désacralisation des institutions républicaines. Ces institutions qui font que notre pays a tenu en 1962, 1988 et 1993 et qu’il tient encore en 2021.







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