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Problematique De L’assainissement Dans La Ville De Dakar, Enjeux Socioeconomiques Et Perspectives

Ces deux dernières décennies, le Sénégal a entrepris d’énormes efforts pour rendre le secteur de l’assainissement autonome et le hisser au rang de priorité nationale. Ce dernier était jusque là rattaché aux services de l’hydraulique, notamment la Société Nationale d’Exploitation des Eaux du Sénégal-SONEES. Cette autonomisation fut concrétisée par la Loi n° 2009- 24 du 8 juillet 2009 portant Code de l’Assainissement. Les différents plans, politiques et stratégies d’assainissement promus depuis cette première alternance politique ont contribué à donner une nouvelle image du milieu urbain, Dakar en particulier.

Au-delà de l’amélioration du cadre de vie, le secteur de l’assainissement incarne un fort enjeu économique susceptible de relever le niveau du Produit Intérieur Brut. Même s’il fait face en outre à quelques défis liés en partie à la bonne gestion des ressources qui lui sont allouées. Des perspectives sont néanmoins en vue pour rendre ce domaine de l’assainissement plus attractif pour les décideurs nationaux. Enjeux socioéconomiques Première ville économique du Sénégal, Dakar est confrontée à des défis multiples concernant le secteur de l’assainissement.

Sa population est estimée à 3 630 323 (ANSD, 2018) pour une superficie de seulement 550 km2.D’après les projections, cet effectif devrait atteindre plus de 4 millions d’individus en 2025. Ce qui nécessite un cadre plus viable pour le déroulement des activités socioéconomiques. A préciser que la majorité de la main d’œuvre s’active de manière informelle sur les grandes artères de la ville. En effet, les deux grands problèmes d’assainissement les plus en vue à Dakar restent le déversement des eaux usées dans les rues à partir du système de canalisation et l’insalubrité.

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S’agissant de la dernière citée, une étude de Désille et al.(2012) intitulée : « Financer la filière assainissement en Afrique Subsaharienne » a montré une perte économique énorme de 5% du PIB en Afrique qui lui est imputée.

En termes de pertes en vies humaines, 840 000 personnes dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires meurent à cause du manque d’eau, d’assainissement et d’hygiène selon une étude réalisée par la Banque Européenne d’Investissement sur l’impact économique du manque d’assainissement. Au Sénégal, le vote des budgets était auparavant plus orienté vers le sous-secteur de l’hydraulique avec l’assainissement comme parent pauvre du secteur Hydraulique-Hygiène-Assainissement. Cependant ces dernières années, les ressources allouées à ce sous-secteur Assainissement ont évolué vers la hausse même si les objectifs nationaux et de développement durable en la matière sont loin d’être atteints. En addition, les fréquentes inondations notées pendant l’hivernage dues principalement au manque d’assainissement dans les banlieues dakaroises, impactent négativement sur le tissu économique mais aussi sur l’image d’une ville-capitale. A cela s’ajoute les risques sanitaires liés surtout à la propagation de diverses maladies comme le paludisme, le choléra, la dysenterie, la diarrhée, la typhoïde etc.

De la même manière, les retombés d’un assainissement normé devront procurer une bouffée d’oxygène à Dakar, principal hub économique. Ce, par une domiciliation facilitant aux opérateurs économiques et autres entreprises privées de s’acquitter pleinement de leurs impôts et d’enrichir les comptes du trésor public. Par ailleurs, le ratio bénéfice coût des interventions pour atteindre l’accès universel à l’assainissement est de 2,8 en Afrique Sub-saharienne et de 5,5 en moyenne dans le monde selon la Banque Européenne d’investissement. Ce qui signifie que, si le Sénégal s’investissait pleinement dans ce secteur, son PIB connaîtra une intéressante amélioration, toutes choses égales par ailleurs.

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Néanmoins, quelques défis sont à prendre en compte. Parmi ceux-ci on peut citer le problème de la gouvernance des ressources mobilisées pour le secteur de l’assainissement. Ce dernier a connu des améliorations majeures dans l’allocation des ressources ces dernières années. Cependant, la gestion des fonds alloués à cet effet manque de transparence. L’exemple du plan national d’organisation des secours (ORSEC) l’illustre pertinemment. En effet, dans le cadre de ce programme d’urgence, les ressources allouées ont été entièrement débloquées sans que les travaux n’atteignent le quart.

La conséquence majeure demeure la récurrence des inondations, l’insalubrité mais surtout la non-atteinte des objectifs fixés pour un développement durable et un cadre viable. Le manque de civisme notoire chez certaines populations ne peut rester sans être évoqué. Ces dernières contribuent à rendre insalubres des voies, les marchés ou tout autre espace à usage public. Ce qui ne facilite pas le travail des services publics ou privés chargés de la gestion des déchets et de l’assainissement de manière générale. Ce phénomène peut constituer aussi un véritable frein à l’atteinte de l’Objectif numéro 6 du Développement Durable, relatif à l’accès aux services d’assainissement et d’hygiène. Perspectives Les entités étatiques de gestion de l’assainissement demeurent l’Office national de l’assainissement du Sénégal-ONAS, la Direction de la prévention et de la Gestion des Inondations-DPGI, l’Unité de Coordination de la Gestion des déchets solides-UCG et récemment le Programme National de Développement Durable pour l’Assainissement Autonome-PNDDAA.

Bien que des efforts majeurs se font dans ces différentes entités mais avec la pression démographique que subit la ville de Dakar, la demande devient ainsi croissante. Ces seules structures n’arrivent pas relever les défis liés à ce secteur. Ce qui anime les moult initiatives autonomes ou collectives de gestion de l’assainissement, des initiatives privées, des études avec le CRES et l’IPAR, la présence d’entreprises individuelles et le soutien de certains organismes internationaux dont le plus récent est l’Agence Française de Développement. A ce titre, il devait subsister une initiative participative permettant de capitaliser sur l’ensemble de ces approches, plus ou moins isolées.

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En outre, pour des perspectives économiques de grande envergure, l’Etat du Sénégal doit promouvoir et/ou encourager certaines initiatives notamment le traitement des eaux usées pour les cultures maraîchères, la réutilisation des boues de vidange pour la production d’engrais, de briques etc. et le recyclage des déchets ménagers. De même, la récupération des eaux d’inondation pour alimenter – après traitement – des bassins de rétention ou des étangs piscicoles peut être une énorme activité économique et source d’emploi pour des jeunes.

Dr Amadou TANDJIGORA, Économiste

Thierno Bachir SY, Géographe-Environnementaliste







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