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Souvenirs Des IndÉpendances

Jour 11

#SilenceDuTemps20h 00. Ce 3 avril 2020, jamais discours – je suis persuadée – n’aura été autant attendu ! Demain le Sénégal fête 60 ans d’indépendance. Je suis … au fourneau, légumes sautés croquants à la chinoise. J’attendrai les commentaires. 

60 ans ce n’est pas rien quand même et j’ai la conviction que nous ne les avons pas travaillés « comme il l’eût fallu » ?

J’entends ça et là depuis Covid : « après la crise sanitaire, la crise économique ! peut-être pour les autres pays du monde ». Ne sommes-nous pas au Sénégal dans la crise économique déjà et depuis des années ? J’espère que dans la pluie de milliards à venir pour sauver le pays, les griots de Matam que j’ai écoutés pleurer ce midi à la radio : plus de ngénté tapageur, plus de mariage où l’argent va-et-vient …, trouveront leur manne !

Mais je préfère me souvenir d’il y a 60 ans et j’en ai de vrais souvenirs. J’avais 7 ans, presque 8 ans j’aurais dit à l’époque et nous habitions Fann Hock, dans ce quartier où le « vivre-ensemble » était une réalité jusqu’à il n’y a pas si longtemps.

Le pap’Thèo (mon père) comme nous l’appelions, aussi « toubabé » fut-il, a planté l’Acacias qui trône encore au milieu de la cour et dont la coupe est régulièrement mise sur la table par ce merveilleux couple, qui habite les lieux.

Sûr que le fantôme de Pap’théo se promène toujours dans les environs, un verre de Pastis à la main ! ahahah les fantômes de la famille qui nous obligent à regarder dans la bonne direction…

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Et puis ce jour, dans l’après-midi, nous sommes allés tous à Soumbedioune, au village artisanal où des spectacles avaient lieu, et d’où nous pouvions assister aux régates des pêcheurs Lébou. Je portais fièrement une « khit’mbala » (modèle de taille basse à la mode), je crois, pour la première fois, mes sœurs aussi et peut-être que nous avons mangé un tiep’u dien u’ndaar que nous ne mangions pas tous les jours. Ce fut, avec ces « petits riens » qui vous marquent à jamais, un grand moment familial d’affirmation, d’appartenance !

Ce matin en faisant le ménage côté entrée/cuisine (je ne fais pas vraiment le ménage partout tous les jours, respect à nouveau aux domestiques), j’ai délimité un « périmètre de sauvegarde » comme on dit dans notre jargon professionnel et là non pas pour mettre en valeur un monument hélas, mais pour créer une zone où chaussures et autres bagages qui viennent de l’extérieur sont déposés pour ne pas souiller le fameux périmètre … On se moque et pense que j’exagère… wait’n see !

En prenant ma dose de soleil quotidienne sur la terrasse, je constate que lézards et pigeons font la noce en ce moment. Personne ne venant les déranger régulièrement, ils se sont installés, ne fuyant même plus à l’approche de mes pas ! Je ne voudrais pas qu’ils pensent comme les animaux des campagnes qui, paraît-il, reconquièrent leurs territoires !

Ici c’est chez moi dé…

 

Jour 12

Notre 4 avril 2020 est donc passé sans tambour ni trompette sans humour aucun … Et j’avoue que de notre traditionnel défilé que j’ai souvent regardé d’un œil, cette année les majorettes d’ouverture et de clôture du défilé, m’auront manqué. Celles-là au moins, ce sont des majorettes bien de chez nous ! La ville a son air de jour de fête, quoique, quelques mendiants au coin du feu…de signalisation ! moins nombreux et moins longtemps dans la journée. Les autres seraient-ils rentrés chez eux, au village, dans une autre ville ? Je ne le saurais pas, je ne leur parle pas ni ne les regarde d’ailleurs, non pas par mépris bien entendu, mais par méfiance.

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Ils savent tout de nous, nos noms, où nous habitons précisément, qui sont nos enfants … certes la mère Mich’ et ”pièce unique” sont allés – je le sens – de leur compassion, mais quand même ! Et si une mesure arrivait enfin pour mettre de l’ordre dans ce grave problème de mendicité des grands, des petits. Faut bien rêver un peu ! Et pourtant …

Deuxième jour de mon « périmètre de sauvegarde » et toujours peu de reconnaissance. Pire, le nouveau Viou, coquet changeant tous les jours de chaussures, remplit l’espace à lui tout seul. Je replace mon marquage au sol, il n’est pas assez visible, je cherche un marqueur noir, rouge sur le conseil de Madeleine et que je ne trouve pas, pour capter l’attention de mes détracteurs. Avec des dessins au sol peut-être que cela les fera déjà sourire et après ils comprendront sûrement.

Et puis le 4 avril, deux anniversaires dans la famille, deux de mes enfants et oui, encore. Mame Bousso de Aziz à qui j’offre le panier de légumes de la saison avec les meilleures recettes en prime et mon fils, l’artiste de Abeye Ababa, le plus sénégalais d’entre nous ! Ivoirien né un 4 avril et qui venu se frotter à une autre réalité professionnelle de Dakar sans grande illusion il y a 20 ans, s’y est incrusté, y a trouvé entre autres femme et famille, et quelle famille !

J’imagine mon amie de Marseille dire « encore un fils qu’elle m’a caché » ! Non, je pense que cette fois-ci elle saura ne pas se perdre dans ma large et généreuse progéniture …

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Et en les appelant pour les embrasser et dire « oulala cette méga teuf, ça va chauffer », Viou le sage me rappelle que la crise est là et sera pire encore plus tard, et qu’il faudrait peut-être penser aux problèmes à venir après confinement ! »

Hum, le temps de la fête sera toujours là pour chasser les problèmes, comme souvent.

Dans le cadre du projet d’écriture #SilenceDuTemps, retrouvez tous les dimanches sur SenePlus, le « Journal d’une confinée » d’Annie Jouga.

Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.

Épisode 1 : AINSI COMMENÇAIENT LES PREMIERS JOURS CORONÉS

Épisode 2 : AVEC LA BÉNÉDICTION DE FRANÇOIS, LE PAPE LE PLUS AVANT-GARDISTE

Épisode 3 : SOCIALISER EN TEMPS DE COVID

Épisode 4 : PREMIÈRE SORTIE EN PLEIN COVID







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