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La ProblÉmatique Du DÉveloppement De La Pme

Dans le cadre de l’évènement organisé le 16 février courant par l’Agence Française de Développement (AFD) sous le thème : « Investir ensemble pour une nouvelle alliance entre l’Afrique et l’Europe », les présidents Macky SALL et Emmanuel MACRON ont magnifié dans leurs discours le rôle joué par la DER dans le financement des PME du Sénégal, identifiées comme les vecteurs de croissance et d’emploi.

L’exemple de la DER est ainsi recommandé comme solution aux problèmes de viabilité des petites et moyennes entreprises (PME) d’Afrique devant les difficultés exprimées par les banques à financer ces structures.

Dans le même temps, Ecobank Sénégal vient d’établir, sous l’égide de la BCEAO, un partenariat avec les Structures d’appui et d’encadrement (Sae) des Petites et moyennes entreprises (Pme) agréées dans le cadre du dispositif de soutien aux financements des Pme/Pmi mis en place par le Conseil des ministres de l’Uemoa.

La question qu’il convient de poser dès lors c’est celle de savoir si la vulnérabilité des PME est uniquement liée au défaut d’accès au financement des banques. A propos de vulnérabilité, le recensement fait par l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) en 2016 avait établi que 99,8 % du tissu économique du Sénégal était constitué de PME.

Ce recensement renseignait en outre que l’essentiel de ces PME évoluait dans le secteur informel, soit 97 % du tissu économique, et que 81,8 % de celles-ci étaient juridiquement enregistrées comme « entrepreneurs individuels ».

De cela, on pourrait donc déduire que les PME constituent la quasi-totalité des entreprises sénégalaises, qu’elles évoluent dans le secteur informel, et sont quasi exclues du financement bancaire. De plus, elles ont un taux de mortalité très élevé (selon le Directeur des PME, 65 % des petites et moyennes entreprises meurent moins d’une année après leur création). A notre sens, il convient donc de s’interroger sur l’ensemble des difficultés inhérentes à ce type d’entreprise, afin d’enrayer les déperditions qu’elles causent en termes de gaspillage de ressources financières, de découragement de l’initiative privée et de pertes d’emplois. De toutes celles rencontrées par les PME, celle ayant trait à l’accès au financement bancaire est identifiée comme étant la difficulté majeure. Le rôle dévolu au secteur privé dans le cadre du plan de développement actuel et les leçons tirées du COVID poussent l’Etat et les institutions financières à davantage promouvoir le secteur privé comme moteur de l’activité économique.

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L’Etat du Sénégal, en sus de la BNDE, a créé la DER/Fj, institution caractérisée par la rapidité de décaissements financiers au profit des femmes et des jeunes. Il faut reconnaître qu’avec la DER, c’est la première fois qu’une institution financière va au-devant des entreprises de femmes et de jeunes en vue de leur octroyer des financements allégés de toute forme de bureaucratie.

La BCEAO, dans l’espace UEMOA, a mis en place depuis 2015 un dispositif d’appui aux PME tant en termes de facilitation d’obtention de crédit que d’encadrement et accompagnement de celles-ci via des SAE. Les structures d’appui et d’encadrement ont pour missions d’accompagner en amont les PME à satisfaire les conditions d’éligibilité et de faire un suivi expost après l’obtention du financement. Elles doivent veiller en aval à une bonne utilisation des crédits bancaires, au bon déroulement des plans d’affaires et au respect des échéances, permettant de réduire le risque de défaut de paiement.

Au total, il y a eu près de 33 structures agréées dans le cadre du dispositif de soutien aux financements des Pme/Pmi mis en place par le Conseil des ministres de l’Uemoa sur proposition de la Bceao, parmi lesquelles nous pouvons citer l’ADEPME, Afrique Emergence Conseils etc…

Les SAE constituent un premier palier, lequel, une fois franchi par le demandeur de crédit bancaire ouvre la voie au financement à un taux d’intérêt en rapport avec la faiblesse relative du risque, et une possibilité de refinancement «Banque centrale » quasi automatique et à taux réduit (refinancement à un taux d’intérêt directeur de 2 %).

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Dans les faits, ce dispositif mis en place par la BCEAO n’a généré qu’environ une centaine de financements bancaires au profit des PME encadrées.

C’est dire que même lorsque les informations comptables sont agréées par les banques, les entreprises n’ont pas automatiquement droit au crédit.

Financement des PME par les banques : une question complexe

En dehors des garanties foncières et d’états financiers fiables, d’autres critères liés à la rentabilité sur la durée de l’opération de crédit entrent en ligne ce compte, ainsi que des critères subjectifs comme la moralité du dirigeant etc.

C’est dire que le financement des PME par les banques est une question complexe. En effet, au delà des questions d’états comptables des entreprises, d’autres motifs sont invoqués par les banques tenant à l’absence de ressources financières adaptées pour ce type de crédit, à la rentabilité des crédits PME, à l’absence de garanties et aux difficultés de leur réalisation lorsqu’elles existent, à la lenteur des décisions de justice en cas de contentieux, à la réglementation prudentielle BCEAO en matière de comptabilisation des immeubles hors exploitation et de réalisation des garanties.

Toutes ces difficultés rencontrées par les PME pour obtenir le financement bancaire doivent conduire l’Etat à mettre en oeuvre de nouvelles stratégies de promotion et de financement des PME.

CONCLUSIONS

La réussite en matière de création d’entreprise est liée à plusieurs facteurs parmi lesquels on peut citer : l’esprit d’initiative du promoteur, un business model basé sur une étude de marché performante, un business plan réaliste sur le moyen terme, des ressources financières et humaines disponibles, une maîtrise de la technologie utilisée, un encadrement technique et commercial adaptés et un accompagnement sur une durée compatible avec les phases de développement de l’entreprise.

L’Etat doit sélectionner les secteurs dans lesquels les PME évoluent comme la confection, la bijouterie, la maroquinerie, la cordonnerie, les produits agroalimentaires locaux, les arts visuels, et les accompagner en ressources humaines techniquement qualifiées et leur donner l’accès aux équipements technologiques modernes.

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Les secteurs identifiés doivent contenir en leur sein, dans le cadre de domaines industriels spécifiques, des instituts spécialisés de formation de jeunes et d’adultes et pourvoir des postes de stagiaires aux apprenants de l’Université. Des institutions financières spécialisées (et non des banques) « managées » par des techniciens du métier pourront octroyer des crédits en connaissance de cause contrairement aux banquiers généralistes de banques commerciales noyés dans des fonds de commerce surdimensionnés.

Dans cet ordre d’idée, la DER/Fj devrait créer des filiales spécialisées par gros secteurs homogènes afin de faire prévaloir la spécialisation sur la généralité. L’accompagnement et l’encadrement doivent être à la charge exclusive de l’Etat qui devra cibler les secteurs à promouvoir.

Les PME ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour « salarier » des comptables ou des conseillers en organisation, encore moins pour certifier des états comptables par des experts agréés. La formation des chefs d’entreprise en comptabilité et en gestion financière et commerciale est indispensable.

De même, les SAE qui travaillent avec des consultants privés peinent à couvrir leurs charges, d’autant que les PME débitrices ne disposent pas de ressources financières leur permettant de payer les services sur une longue durée. Avec le développement du numérique, l’accompagnement doit être étendu à la création de sites web, aux sites de ventes en ligne, notamment pour les industries créatives dont les marchés à l’export sont potentiellement consistants.

Pour ces dernières, la question du transport international (fret avion) doit être réglée d’autant plus que les coûts actuels sont prohibitifs ou alors risqués lorsqu’il s’agit de passeurs non professionnels. En fonction de ce qui précède, il est indiscutable qu’il revient à l’Etat d’être en première ligne pour le développement de la petite et moyenne entreprise.

Abdoul Aly Kane







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