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Etre CompÉtitif Ou PÉrir !

Etre CompÉtitif Ou PÉrir !

Le Rapport annuel 2017 consacré à l’évolution démographique de l’Afrique intitulé l’ « Africa Competitiveness Report », réalisé en consortium par la Banque africaine de développement et le Groupe de la Banque mondiale, concluait ainsi qu’il suit : « si des mesures ne sont pas prises d’urgence pour remédier à la stagnation de la compétitivité, les économies africaines ne créeront pas suffisamment d’emplois pour le nombre de jeunes qui vont entrer sur le marché du travail ». Le rapport estimait ces besoins à 450 millions d’emplois nouveaux.

La compétitivité est un élément essentiel pour l’accroissement de la richesse nationale, mesurée par l’indicateur du Produit Intérieur Brut (PIB) annuel. En UEMOA, au Sénégal en particulier, à la question de la compétitivité du coût des facteurs de production (énergie, salaires etc.) se rajoute le facteur bloquant du taux de change monétaire, en défaveur de nos exportations du fait de la politique monétaire de fixité du FCFA adossé à un euro fort, renchérissant nos exportations manufacturières face à une concurrence essentiellement asiatique.

Cette concurrence a fini de décourager le développement d’industries locales tournées vers l’exportation et même vers le marché intérieur, la préférence des consommateurs allant vers les produits similaires de moindre coût. Une situation qui a conduit les institutions financières internationales à financer, depuis 30 années, des programmes axés sur la compétitivité. Sans gros succès. Aujourd’hui, le tissu industriel est à reconstituer après de nombreuses fermetures d’entreprises.

La pandémie du COVID 19 a aggravé la situation. Il est donc nécessaire de mettre en place une nouvelle politique de promotion industrielle centrée sur l’obtention de gains de compétitivité au profit de nos entreprises afin de les rendre davantage performantes sur les marchés régional et international. Nos économies sont essentiellement basées sur l’exportation de matières brutes du sous-sol. Des exportations dont nos Etats veulent tirer le maximum de revenus pour couvrir les besoins en dépenses publiques diverses (fonctionnement, investissements) et honorer leurs échéances de dettes. Les flux de revenus provenant de ces matières premières dépendent bien entendu de la demande dont elles font l’objet sur le marché (en vertu de la loi de l’offre et de la demande), et influent en retour sur le niveau des ressources publiques disponibles. Ceci pour dire que le manque de maîtrise sur le niveau réel des recettes attendues de la vente des matières premières non transformées, conduit à une gestion budgétaire publique incertaine. Ce en plus d’ouvrir la voie à un surcroît d’endettement pour combler le gap, si l’on sait que la tendance des termes de l’échange est à la détérioration.

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Le développement d’activités à forte valeur ajoutée est par conséquent indispensable pour accroître les ressources publiques et créer des emplois, ce qui exige une politique de promotion industrielle spécifique dans le domaine minier dans lequel le Sénégal est particulièrement privilégié. Le développement de l’activité industrielle, productrice de biens matériels, est essentiel quand on sait que plus de 70 % des exportations et plus de 80 % des dépenses de recherche et développement viennent de l’industrie.

Aucun pays ne peut imaginer rester sur une trajectoire de croissance économique soutenue et, surtout, génératrice d’emplois s’il ne développe pas son industrie

En ce qui concerne l’Afrique, le Sénégal en particulier, notre présence sur le marché international des biens industriels est marginale

En 2021, le continent africain représente 3 % seulement du PIB mondial !

En 2021, l’Afrique représente 3 % du PIB mondial, alors que sa population fait près de 1/5 (17 %) de la population mondiale. Pour accroître cette part, elle doit gagner en compétitivité industrielle. Au Sénégal, pour la relance industrielle, les autorités misent sur la fabrication locale de vaccins, avec comme partenaires techniques Pfizer et Institut Pasteur (souveraineté pharmaceutique) et le développement de l’agroalimentaire.

A notre avis, ce ne sont pas les seuls secteurs de souveraineté économique à investir. De plus, il y a un risque qu’à terme d’autres pays africains dont les marchés sont ciblés par ce projet aient tendance en « toute souveraineté » à créer leur propre industrie pharmaceutique par effet de démonstration. La similarité de structuration de nos économies vient en partie de cette propension à se doter de la même structure industrielle que le voisin, au lieu de prôner une complémentarité plus rentable parce que davantage porteuse d’économies d’échelle.

L’expérience du passé permet d’affirmer ce propos. Le secteur le plus à même de convenir au développement industriel est, à notre avis, celui de la transformation des richesses minières pour lequel le Sénégal est particulièrement bien doté. La compétitivité de nos économies renvoie à la création d’une base industrielle solide. Pour cela, il urge de mettre en œuvre des réformes qui permettront d’accroître la productivité. Cette productivité est induite par l’introduction d’équipements nouveaux ainsi que de nouvelles techniques de production permettant d’améliorer l’efficacité de la main d’œuvre. Aujourd’hui, les économies qui rivalisent sur le marché international complexifient les modes de production des biens industriels afin d’offrir, au meilleur coût, les meilleurs produits bénéficiant des technologies les plus avancées. Les grands pays industriels accordent d’importants budgets à la recherche et au développement et se dotent de programmes d’enseignement et de formation professionnels dédiés au développement industriel.

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Au regard de la faiblesse de ses ressources publiques assises essentiellement sur des produits primaires faiblement rémunérés et à la merci de manipulations boursières de tous ordres (cacao par exemple), l’Afrique n’est pas en mesure de concurrencer ces pays dans ce domaine. Il est regrettable de constater qu’on en soit encore à former en masse les universitaires africains, essentiellement dans les domaines de la littérature, du droit et des langues, domaines certes importants, mais sans impact déterminant sur le développement industriel. Il est encore plus regrettable que cet enseignement, général pour l’essentiel, nécessite la mobilisation de près de 40 % du budget du Sénégal, et que l’Etat en arrive à cumuler des arriérés de paiement de primes aux professeurs et doive s’endetter pour y faire face. Une réforme des enseignements supérieurs, devenue très urgente, devrait d’abord partir du lycée avec des professeurs dûment formés dans les pays émergents au développement industriel et avec lesquels nous partageons une similarité de structures de production originelles.

Le Sénégal doit avoir l’ambition de se positionner à l’international, sur des produits sophistiqués à forte valeur ajoutée, utilisant les technologies de pointe. Le monde est à l’heure de l’intelligence artificielle. Cette technologie permet la forte amélioration des performances et de la productivité des entreprises via l’automatisation des processus ou des tâches industrielles nécessitant antérieurement des ressources humaines en nombre et en qualité. Elle permet en outre d’exploiter des données à un niveau au-delà des capacités humaines, tout cela étant susceptible de générer des avantages commerciaux substantiels sur le marché mondial. Nos pays balbutient dans ce domaine, du fait des retards pris en termes de formation et de recherche et développement. Dans notre pays le projet “Sénégal Numérique 2025 » a été mis en place ; il reste à en déterminer les résultats à mi-parcours par rapport aux ambitions originelles. En toutes hypothèses, notre insertion dans le marché mondial des produits hautement technologiques ne se fera que lorsque des ressources humaines formées dans ce domaine seront disponibles. La fabrication de ces produits procède aujourd’hui de stratégies et pratiques de production complexes. L’éclatement des processus de production en différents points géographiques du monde, non seulement remet en cause la notion de pays d’origine des produits, mais surtout constitue aujourd’hui un facteur de compétitivité essentiel des entreprises qui y ont recours.

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Aller vers la maitrise de l’intelligence artificielle

Cet éclatement consiste à externaliser dans les pays à bas coûts salariaux la production des biens intermédiaires, souvent à haut niveau technologique, ensuite intégrés en tant que composants des produits finis.

L’objectif de ce détour industriel est de renforcer la compétitivité de ces derniers, de maintenir et de développer l’emploi industriel domestique et de stimuler les exportations. D’autres entreprises vont plus loin en délocalisant toute la chaîne de production, transférant du même coup les emplois et la technologie vers les nouveaux pays d’accueil.

Pour caractériser ce phénomène qui n’est pas rare dans le monde, on parle de désindustrialisation. Les pays miniers d’Afrique comme le Sénégal devraient créer les conditions de spécialisation dans un premier temps, dans la production de biens intermédiaires, afin de capter ainsi un surcroît de valeur qui, pour l’instant, leur échappe. Cette stratégie a été suivie par les pays aujourd’hui émergents comme l’Inde et la Chine. Pour cela, il serait bien entendu nécessaire de maîtriser les coûts de production, ainsi que les coûts se rapportant au change monétaire pour être compétitif. Pour ainsi dire, la compétitivité d’un pays tient à sa capacité d’exporter, sachant que l’essentiel des exportations est de nature industrielle.

La Vision minière pour l’Afrique invite ainsi à une exploitation transparente, équitable et optimale des ressources minérales afin de soutenir le développement. Elle promeut la transformation et la valorisation locale des matières premières afin de constituer un capital humain, financier et institutionnel capable de survivre à l’épuisement de la ressource minière. Cette vision doit être celle des pays miniers d’Afrique pris individuellement.

Pour finir, nous citerons les propos du Dr Carlos Lopes, Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), qui disait fort justement ce qui suit en 2014 : « L’Afrique va devoir passer d’un modèle de croissance pour partie financé par le prix des matières premières et une demande en hausse, mais n’occupant qu’un pour cent de la main-d’œuvre du continent, à un modèle de transformation dans lequel ces ressources ne constituent qu’un ingrédient parmi d’autres et dont le fer de lance est l’industrialisation ». Pour y parvenir, le facteur primordial est la volonté politique.

Abdoul Aly Kane







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