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Le Non-alignement Du Senegal

Le 2 mars 2022, à l’Assemblée générale des Nations unies, il y a eu un rejet massif de l’invasion de l’Ukraine par la Russie d’une part, et de l’usage d’armes nucléaires d’autre part ; et enfin, l’avènement d’une nouvelle voie de non-alignement des pays africains.

Le vote des membres de l’Assemblée générale de l’Onu revêt un caractère historique dans l’histoire de l’Afrique du 21ème siècle.

En effet, par un rejet massif avec 141 voix contre, 5 pour et 35 abstentions, la communauté internationale s’oppose à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et à l’usage éventuel d’armes nucléaires.

Il est important de souligner l’écrasante majorité de ce vote, 77,9%, mais il est tout aussi considérable d’en tirer des leçons pour le continent africain, qui est  à la croisée des chemins. Car la date du 2 mars  2022 sera inscrite dans l’agenda des nations, pour les raisons importantes  suivantes : l’Onu demeure viable et les Africains peuvent ne pas s’aligner ni sur l’Otan/l’Ue, ni sur l’empire résiduel russe.

L’Onu reste malgré tout encore viable, en dépit du caractère obsolète de son droit de veto que détiennent seules les cinq grandes puissances vainqueurs de la Deuxième guerre mondiale en 1945, il y a 77 ans.

Oui l’Onu permet, au moins, de recueillir les suffrages de l’ensemble des peuples de la planète à travers leurs représentants ; par le  moyen de la démocratie indirecte. Elle donne également l’opportunité aux membres de pays en conflit ouvert de s’asseoir, côte à côte, selon l’ordre alphabétique, et d’échanger.

Ainsi, Poutine a tort de régler ses différends avec les Européens et l’Otan, et la République indépendante d’Ukraine en exerçant une violence brutale et aveugle contre un peuple qui ne demande qu’à vivre librement, avec les partenaires de son choix.

La Charte de l’Organisation des Nations unies ne proclame-t-elle pas la libre détermination des peuples à disposer d’eux-mêmes ?

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Cette condamnation massive de la Russie est un avertissement à tout autre Etat qui serait tenté d’user des privilèges de l’antériorité ou de l’appartenance de blocs durant la Guerre froide ou des apanages d’une colonisation précédente.

Mais au-delà de cette viabilité, ce vote montre le caractère obsolète du droit de veto de l’Onu. En vérité, les 3 pays détenteurs de cette fameuse prérogative du Conseil de sécurité de  l’Organisation des Nations unies, porteurs de cette résolution de l’Ag de l’Onu, ont senti la nécessité de porter le différend à l’Assemblée générale après un blocage par le refus russe.

Ceci prouve, à tout le moins, qu’aucun des cinq grands ne sciera jamais la «branche du droit de veto» sur laquelle il est assis et encore moins donner des bâtons pour se faire battre.

Ce mode de fonctionnement de l’Onu est tout à fait régulier. Et il est même légal.

C’est donc un grand retour aux méthodes de l’ère de la  Guerre froide, quand aucune issue n’était possible au Secrétariat général du Conseil de sécurité de l’Onu ; alors la bataille était portée à l’Assemblée générale de l’Onu, qui apparaissait comme une instance plus démocratique (indirectement certes).

Oui, enfin à l’Assemblée générale de l’Onu où les représentants des 181 nations pouvaient librement voter et ainsi exprimer leur position par rapport à une marche cruciale du monde qu’ils sont censés représenter.

Ainsi donc 17 pays africains sur 54, dont le Sénégal, à juste raison, se sont abstenus hier à New York.

Et en Afrique, la condamnation est encore plus cinglante si l’on se rend compte que seule l’Erythrée est pour l’invasion russe en Ukraine.

Finie l’époque de l’alignement aveugle des Etats africains pour la défense ou la lutte pour des causes sans intérêts réels ou supposés, au bénéfice des habitants du continent noir. L’Afrique n’a rien gagné de la Guerre froide et elle perdra énormément en s’alignant automatiquement sur Poutine ou l’Otan et les Européens.

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Ce vote de 31,4% (17/54 Etats) des pays du continent jette un jalon historique qui  met dos à dos l’Otan/les Européens d’une part ; et l’empire du nouveau tsar russe d’autre part.

Un bon vote teinté de sagesse ; qui ouvre une nouvelle voie en Afrique, qu’accompagne la Chine.

Un accompagnement circonstanciel, ponctuel ; peu importe. Ce vote est décisif car il honore la diplomatie sénégalaise revigorée. Certainement l’Otan/les Européens, sentant leurs intérêts gravement menacés par le caractère belliqueux de Poutine, ont préféré prendre à témoin la communauté internationale et faire voter une résolution dont le vote est écrasant.

D’ailleurs, l’issue ne présentait aucun suspens ; mais l’existence de deux poids et deux mesures laisse encore perplexes  tous les Peuples africains. En 2011, quand il s’est agi du problème de la Libye, l’Otan/les Européens n’avaient pas éprouvé le besoin de porter la question libyenne sur la table de l’Assemblée générale de l’Onu. Au contraire, ils ont préféré faire voter précipitamment la résolution 1973, dont les conséquences sont encore vécues, de façon plus que négative, par les pays africains.

Cette résolution 1973 explique d’ailleurs, en partie, l’enchaînement, par un effet de domino, de quatre coups d’Etat militaires en Afrique de l’Ouest (Tchad, Mali, Guinée et Burkina Faso) après une détérioration  profonde des conditions économiques, sociales  et politiques dans le Sahel et plus généralement en Afrique. Bien sûr le terrorisme existait en Afrique avant l’affaire libyenne, mais cette dernière  a accru les facteurs favorables à l’implantation de cellules djihadistes dans le Sahel.

C’est donc bien une voie d’un nouveau non-alignement que 17 pays tracent. La troisième voie de salut : ne s’aligner ni sur une Otan désuète que ne veut plus financer le principal bailleur, ni sur les Européens de démocratie libérale ; et ni sur l’empire anachronique de Russie.

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Une nouvelle voie de non-alignement, opportuniste ou non, qu’accompagne la Chine

Ce vote du 2 mars 2022 est le pendant de l’esprit du mouvement des non-alignés  de Bandoeng, une ville de l’Indonésie, des années 1955, quand des pays décidaient de devenir des émancipés, par rapport aux blocs de l’Est et de l’Ouest, pendant la Guerre froide. Parmi eux, beaucoup de pays africains. Ce mouvement des non alignes fut créé et animé par les premiers dirigeants des pays en voie de développement qu’étaient Kwamé Nkrumah (du Ghana), Josip Broz Tito (Yougoslavie), Soekarno (Indonésie), Chou en Lai (Chine), Gamal Abdel Nasser (Egypte).

Ce vote du Sénégal, le 2 mars 2022, sort enfin le pays de la morosité du facile «copier/coller» de nos élites (une extraversion outrageante de consommation passive de tout ce qui vient de l’extérieur), du «guerté thiaf» (une culture agricole de rente d’une légumineuse sans valeur ajoutée), du «car rapide» (l’usage, pendant 70 ans, d’une banale technologie d’un moteur à quatre temps, pour essayer de résoudre vainement les énormes difficultés de transport de masse), du «feug djiaye»  (l’importation de friperie à propos de laquelle la pandémie du Covid-19 a montré qu’elle est un vecteur puissant de transmission de microbes et de virus)  et «des trois normaux ( des séances longues et infinies, animées par une jeunesse massivement au chômage, oisive et inoccupée, de partage de bouillon de thé vert importé)».

Autant d’attitudes qui bloquent le Sénégal et l’empêchent de tendre véritablement vers l’émergence.

Colonel Alioune SECK (er)

Grand officier de l’Ordre de mérite du Sénégal

Senior consultant, AC consultants

Usa naval Postgraduate School graduate

Monterey, California, usa

Dakar, Sénégal, Africa







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