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Le Procès Adji-sonko: Une Bombe à Retardement Pour Le Sénégal ? (abdoulaye Diallo)

Bref rappel des faits

Le 1/03/2021, la dame dénommée Adji Sarr, travaillant dans un salon de massage sis à Mermoz dans la capitale sénégalaise, avait accusé l’opposant politique, Ousmane Sonko l’un des principaux rivaux de Macky Sall, de viol répétitif. Ce fait divers, privé, a eu des ramifications dans l’espace politique. Au moment de répondre à la convocation de la justice par le leader du parti Pastef, il y a eu des affrontements entre forces de l’ordre et les partisans de cette formation politique ayant causé la mort de 14 personnes. Même s’il faut rajouter le contexte de restriction des activités (confinement, couvre-feu, arrêt des activités socioreligieuses) à cause de la Covid-19, le pays avait sombré dans un spiral de violence et effleuré l’embrasement. Une relation privée, avait fini par créer une tension politique nationale voire internationale, notamment avec les remous contre les biens appartenant aux ressortissants français. Le juge chargé de cette affaire a rendu l’âme le 8 avril 2021, ses proches évoquent un relent mystique sur ce dossier, rendant beaucoup de juges sceptiques pour une nomination à ce poste pour le remplacer. C’est huit mois plus tard qu’un nouveau juge a été nommé, mais à l’heure actuelle, le procès est au point mort. Comment comprendre cette situation qui apparaît comme une bombe à retardement pour le Sénégal ?

Deux blocs se font face pour réclamer justice. D’un côté, il y a le camp d’Adji Sarr, composé d’associations de femmes et d’avocats issus du régime actuel, et de l’autre, le camp de Sonko, composé de partisans, de sympathisants et d’alliés politiques.

Non à la banalisation du viol

Est-ce que le Sénégal serait un pays où le viol est banalisé ? De nombreux procès sur le viol ont eu lieu dans ce pays et la dame justice a pu effectuer son travail sans ingérences politique, ethnique ou religieuse. Moins populaires certainement, des personnes accusées de viol ont eu à écoper la peine maximale de 10 ans de prison ferme. Alors, pourquoi une si grande lenteur sur ce dossier ? Y aurait-il des intouchables dans ce pays ? Apparemment oui, car les crimes de certaines personnes appartenant à des familles religieuses et des formations politiques sont très vite épongés, grâce à leur appartenance ou à leur poids politique qui leur accorderait une humilité et un bouclier contre le bâton de la justice. Adji Sarr, comme toutes les autres femmes abusées ou présumées être abusées, ne devrait-elle pas avoir une réparation, à travers un procès juste et équitable ? Alors même que les conséquences psychologiques, sociales, familiales voire économiques pour ces dames sont incommensurables.

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Non à la liquidation d’un adversaire politique

La percée de la coalition Yewwi Askan wi, et du parti Pastef en particulier, lors des élections municipales du 23 janvier 2022, démontre à suffisance qu’Ousmane Sonko est une force politique majeure dans le pays. Avant cela, il était placé 3e lors des dernières élections présidentielles de 2019, avec 15% des voix des Sénégalais. Un grand nombre des Sénégalais a placé sa confiance en sa personne et voit en lui un homme présidentiable. Toutefois, cette aura devrait-elle être un mobile pour l’éliminer du jeu politique, en fomentant des accusations infondées pour entacher son image ? Non. À l’heure de la révolution des réseaux sociaux, permettant une meilleure mobilisation de l’opinion nationale et internationale sur divers fronts (débats politiques télévisés, manifestations dans la rue, conférences de presse…), cette manière de faire de la politique est révolue. Le vent du souverainisme ouest-africain se matérialiste au Sénégal par le refus de l’injustice, qui d’ailleurs mobilise plus les masses que leur paupérisation imputable significativement par des malversations dans la gestion des biens publics.

Dès lors, une troisième voie émerge : celle de la ligne de crête. Cette voie de la raison permet d’esquiver les pièges de la banalisation du viol et de la liquidation d’un adversaire politique. Qui pour tenir cette ligne de crête ? Évidemment c’est Dame-justice.

Pour un jugement impartial et sans délai

Le Sénégal a eu d’illustres défenseurs de la justice, de l’équité et de la transparence. L’évocation du nom de Kéba Mbaye symbolise encore l’intégrité et le patriotisme dans la gestion des controverses de justice. Cependant, depuis quelques années, la justice semble perdre du poil à la bête. Elle est de plus en plus perçue comme un instrument politique et non plus comme un instrument au service de la nation, légiférant en conformité avec les attentes du peuple. Le procès Sonko contre Adji est une occasion en or pour rompre cette spirale de crise de la confiance en la justice, permettant aux justiciers de redorer leur blason, un tant soit peu, aux yeux de leurs administrés. Pour se faire, il est impératif de dérouler ce procès de mœurs, coûte que coûte et sans délai, dans un climat impartial et objectif. Les médias devront aussi jouer le rôle de sentinelle en diffusant les vraies informations au peuple. Que chacun joue son rôle, car le temps nous est compté. Plus ce procès s’approche des élections présidentielles de 2024, plus il sera difficile d’accepter le verdict pour les deux camps.

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Si le verdict est en défaveur de Sonko, les partisans de Pastef auront la latitude de trouver dans leur rang un remplaçant à temps pour rempiler pour un mandat présidentiel. Si le verdict est défavorable au camp d’Adji, ses souteneurs, y compris ceux et celles dans le régime actuel, seront en mesure de préparer leur riposte politique avant les élections présidentielles de 2024.

En conclusion

En définitive, ni pour la banalisation du viol ni pour la liquidation d’un adversaire politique, la dame justice a l’obligation de désamorcer cette bombe. Le procès judiciaire est donc le dernier rempart pour la stabilité du Sénégal pour les 3 prochaines années. Elle est l’arbitre entre le procès moral ou social et le procès politique, ainsi que le catalyseur de la paix sociale lors des joutes électorales de 2024. Au regard des difficultés d’accès aux hydrocarbures dans monde, conséquences de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les yeux sont braqués davantage sur les ressources africaines. De grandes entreprises privées, sous la coupole de puissances étatiques étrangères, attendent impatiemment l’occasion pour mettre la main sur le gaz sénégalais. Une situation sociale tendue leur accorderait un prétexte pour installer le chaos dans notre pays. L’enjeu est donc énorme. Dame-justice ! Tu as entre tes mains la clé pour ouvrir à notre pays la porte de l’apaisement sociopolitique, seul gage du développement durable. Mais, quelle que soit ta sentence à l’issu de ce procès, elle ne devrait pas se faire attendre longtemps. Le temps est notre ennemi.

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