Au carrefour du contentieux Ousmane Sonko vs Adji Sarr, la justice. La masseuse, par médias interposés, a encore secoué dame justice, l’invitant à vider au plus vite cette affaire de viol présumé. Elle estime que c’est la seule manière pour elle de recouvrer sa « liberté » mise entre parenthèses.
Le président du Pastef n’en est pas moins d’accord, rappelant aussi sa «liberté» confisquée. Le hic, selon Ousmane Sonko, c’est que, dit-il, il n’a pas foi en certaines personnes, en l’occurrence le juge chargé de l’instruction du dossier. Ce dernier serait, d’après l’actuel maire de Ziguinchor, membre d’une organisation de pensée chargée de sa liquidation politique.
Du coup, Sonko replace la justice au cœur d’un débat socio-politique qui enfle grave. Ce débat, des magistrats n’en veulent pas. Ils estiment que la rhétorique qui s’en est emparé est de nature à jeter l’anathème et à fragiliser l’institution judiciaire. Or, poursuivent-ils par la voix du président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), si le système judiciaire s’affaisse, c’est toute notre démocratie qui s’écroule. Ce qui est vrai. Pourtant, abstraction faite de cette affaire de mœurs qui n’est qu’une parenthèse dans la marche de la justice, ce n’est pas un « crime » de questionner l’éthique de certains représentant de la loi, tout comme on le ferait pour des journalistes, des enseignants, des médecins…
L’institution judiciaire n’a pas d’existence in abstracto. Elle est éminemment sociale, dirigée par des hommes et des femmes qui ne sont pas non plus des êtres désincarnés. C’est-à-dire qu’ils peuvent être dans le parti-pris ou dans une subjectivité tendancieuse. Ce qu’il y a, c’est qu’il faudrait pouvoir accepter la possibilité d’une situation non finie.
Autrement dit, voir le mal dans la chose (la critique), et non la chose en tant que mal. Cela dit, la critique du fonctionnement de la justice est une initiative venue de l’intérieur. La voix de plusieurs magistrats s’est fait entendre en premier pour mettre en évidence son caractère problématique.
Les justiciables, au nom de qui la justice est rendue, commettent-ils un « crime » lorsqu’ils joignent leurs voix à celles de ces magistrats pour émettre des objections déontologiques au sujet de certains dossiers ? Commettent-ils un « crime » lorsque, sous ce rapport, ils en appellent à une inquiétude éthique et à l’équité ? Commettent*-ils un « crime » lorsqu’ils attirent l’attention sur les intérêts personnels et l’obsession de l’ambition de certains ?
Clairement non, à mon avis. Que l’on soit magistrat, journaliste, médecin, enseignant, membre des forces de l’ordre ou de n’importe quel corps professionnel, on doit pouvoir tendre la bonne oreille pour entendre les voix de ceux dont nous sommes au service. C’est un acte de grandeur qui permet d’être encore plus grand par l’exercice de l’introspection et de la remise en question de soi. Parce que, finalement, il est plus fondamentalement ici question de responsabilité. D’une responsabilité qui n’est pas une question, mais une réponse. Se porter garant, s’engager en conscience. Pour l’autre, et devant la Loi, c’est-à-dire la communauté des Autres.