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Le Maquillage Des Statistiques Agricoles, Un Danger Pour L’Économie SÉnÉgalaise

Même si le Sénégal a officialisé sont adhésion aux normes de diffusion de statistiques spéciales (SSDS) du FMI en 2017 pour la production et la diffusion de statistiques exhaustives et de qualité, il faut dire qu’il n’existe aucune politique ou de normes officielles de qualité des données au Sénégal qui permettent d’auditer la qualité des données publiées et utilisées par le gouvernement. 

Il n’y a pas de suprastructure en charge de vérifier et de valider la qualité des données publiées aussi bien par l’ANSD que par d’autres structures comme la Direction de l’analyse, de la prévision et des statistiques agricoles (DAPSA). 

Or, les données publiées par l’ANSD en collaboration avec la DAPSA dans le Bulletin mensuel des statistiques économiques et financières de janvier 2022, notamment sur le bilan final de la campagne agricole 2020/2021 sont truffées d’incohérences (https://www.ansd.sn/ressources/publications/Bulletin_Janvier_2022.pdf). 

Il n’existe nulle part dans le pays de directive ou un ensemble de normes nationales vis-à-vis desquelles on peut analyser et valider leur qualité. Cela est ainsi un gap énorme qui met en danger l’économie sénégalaise surtout en face d’un gouvernement qui aime maquiller les chiffres pour présenter une fausse performance de ses programmes.

Le président Macky Sall et ses ministres ont l’habitude de mettre en avant des chiffres de productions agricoles pour vanter la performance du secteur. La plupart des données qu’ils utilisent sont truffées d’erreurs et trompent systématiquement sur la performance du secteur agricole. 

Un exemple simple est le volume total de production agricole par spéculation qui augmente en crescendo depuis quelques années. Par exemple, selon ce rapport, la production arachidière est passée de 1,4 millions de tonnes à 1,7 millions de tonnes entre 2020 et 2021, alors que la production de mil est passée de 0,8 millions de tonnes à 1,15 millions de tonnes sur la même période. Qu’est-ce qui explique alors la pénurie actuelle et la flambée des prix si la production domestique connaît cette grande performance ?

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La DAPSA utilise les directions régionales de l’agriculture qui font des carrés de rendement ça et là, font des estimations sans jamais visiter le terrain régulièrement dans la plupart des cas faute de moyens. Ils déterminent avec des calculatrices des rendements et des superficies cultivées de manière souvent cavalière. C’est cette approche qui est utilisée pour déterminer les productions totales brutes et les publications de statistiques bilan annuel. Cette approche ne prend hélas pas en compte les pertes durant et post-récoltes donc les productions nettes. 

Ainsi toutes les statistiques de productions agricoles doivent être remises en cause et jetées à la poubelle de facto. Il en est de même pour la détermination des prix des produits agricoles. Des appels téléphoniques d’agents sur le terrain servent de base lors des jours de « loumas » en général. Voilà une manière paresseuse de déterminer les prix et déboucher sur des statistiques les plus erronées des prix et revenus des producteurs.

Subséquemment, on ne comprend pas l’inflation sur les prix de denrées de première nécessité malgré la hausse vertigineuse des productions nationales présentées par le gouvernement. On ne comprend pas aussi la hausse de la pauvreté si les producteurs ruraux sont aussi riches en productions agricoles. 

La réponse est simple : on a été floué par des statistiques de mauvaise qualité présentées par les services techniques au gouvernement central qui lui permettent de vendre ses « résultats » sans refléter la réalité de terrain : pauvreté galopante, inflation, insécurité alimentaire, misère, etc. On nous gouverne avec des chiffres tout faux sans des normes de qualité en place pour permettre leur vérification. A qui profite la mauvaise qualité des statistiques agricoles et l’absence de normes pour leur validation scientifique ?

La qualité des données et des statistiques surtout celles utilisées par les décideurs est une affaire très sérieuse. Le Fonds Monétaire International (FMI) considère la qualité des données à travers un prisme qui couvre la gouvernance des systèmes statistiques, les processus statistiques de base et les caractéristiques observables des résultats des politiques publiques. Ainsi, le Cadre d’assurance de la qualité des données (DQAF) qu’il définit aborde un large éventail de questions à travers la qualité et cinq dimensions essentielles de qualité : 1- Assurance d’intégrité, 2- Solidité méthodologique, 3- Exactitude et fiabilité, 4- Facilité de service, et 5- Accessibilité. Le FMI suggère aussi de poser des questions transversales de qualité telles que : Comment la qualité des statistiques est-elle affectée par l’environnement et les ressources juridiques et institutionnels, et y a-t-il une sensibilisation à la qualité dans la gestion des activités ?

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L’Eurostat considère un cadre de qualité qui se concentre sur les résultats statistiques tels qu’ils sont vus par les utilisateurs et remonte aux processus sous-jacents uniquement lorsque les résultats ne donnent pas une mesure directe comme c’est le cas des statistiques agricoles au Sénégal. L’Eurostat repose son système d’assurance qualité des données statistiques sur six dimensions : 1- Pertinence, 2- Précision, 3- Comparabilité, 4- La cohérence, 5- Opportunité et ponctualité, et 6- Accessibilité et clarté. L’idée de la définition de la qualité d’Eurostat est de garantir que certaines normes sont respectées dans les aspects de la production statistique qui sont soumis à des mesures quantifiables, telles que des mesures standardisées (par exemple, les erreurs de mesure).

L’OCDE a développé sa propre approche pour améliorer les statistiques qu’elle diffuse, la qualité des statistiques nationales qu’elle reçoit, la qualité de ses processus internes de collecte, de traitement, d’analyse et de diffusion des données et métadonnées. Elle a défini sept dimensions de qualité des données : 1- Pertinence, 2- Exactitude, 3- Crédibilité, 4- Actualité, 5- Accessibilité, 6- Interprétabilité, et 7- Cohérence. 

En outre, l’OCDE considère quatre prismes ou piliers essentiels dans l’analyse de la qualité des données : 1- Une définition de la qualité et de ses dimensions ; 2- Une définition de référentiels qualité internes couvrant toutes les phases du processus de production statistique ; 3- Une procédure d’évaluation régulière de la qualité des processus et des résultats statistiques en cours ; et 4- Une procédure pour assurer la qualité des nouvelles collections statistiques.

L’Agence américaine pour le développement internationale (USAID) a défini une approche DQA (Data Quality Assessment) qui est un processus pour aider le personnel de l’USAID et les partenaires de mise en œuvre à comprendre les forces et les faiblesses de leurs données et la mesure dans laquelle les données peuvent être fiables pour influencer les décisions de gestion. Une DQA doit être menée systématiquement pour comprendre et documenter dans quelle mesure les données satisfont ou ne satisfont pas aux cinq normes de qualité : 1- Validité, 2- Intégrité, 3- Précision, 4- Fiabilité, et 5- Opportunité.

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Dans la même veine, une autre agence américaine, le Millenium Challenge Corporation (MCC) exige que tout indicateur utilisé dans ses programmes doit s’efforcer de répondre aux critères suivants : 1- Direct, 2- Sans ambiguïté, 3- Adéquat, 4- Pratique, et 5 – Utile. En outre, le MCC exige que les données utilisées dans ses programmes répondent aux six normes de qualité suivantes : 1- Validité, 2 – Fiabilité, 3- Opportunité, 4- Précision, 5- Cohérence, et 6- Objectivité.

Des réformes doivent être engagées pour définir des politiques et normes de qualité des données et de contrôle qui nous permettront de nous prémunir contre les dirigeants de mauvaise intention et vendeurs d’illusions et qui nous garantiront l’utilisation de données probantes dans les processus de pise de décision pour préserver notre économie.







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