Depuis quelque temps, je remarque qu’il y a de plus en plus une plus grande exigence des Sénégalais envers leur pays, envers leurs dirigeants, envers eux-mêmes. Je crois que le Sénégal et les Sénégalais comprennent enfin que notre pays aurait dû dépasser le stade où il est présentement.
Tout comme une personne humaine, une entité va de l’avant parce qu’elle a l’ambition de le faire. Cela demande qu’elle abandonne certaines de ses habitudes pour en adopter d’autres qui lui permettront d’atteindre ses objectifs. Pour un être humain, c’est la discipline, la fixation d’objectifs et leur poursuite, le sacrifice, un travail dur et acharné, la patience et la persévérance. Pour un Etat, c’est la priorisation, l’investissement dans l’éducation et la santé, la lutte contre la corruption et l’emphase sur la transparence, la construction d’infrastructures stratégiques de qualité.
En entreprenant ces actions, un Etat se donne les chances d’augmenter son taux de croissance et de progressivement trouver les ressources financières afin de pouvoir investir encore plus. Cela crée un cercle vertueux : plus un pays met en place des actions qui lui permettront de se développer, plus il réussit à se procurer les fonds nécessaires pour y parvenir. Le développement est une affaire de création d’une dynamique positive : il faut faire croire à sa population qu’aujourd’hui, les conditions de vie sont difficiles certes, mais cela n’est que temporaire. Nous devons consentir à des sacrifices dans le présent pour jouir dans le futur.
Les premiers qui doivent montrer l’exemple sont les dirigeants étatiques. Ils doivent, par leurs actions, prouver aux populations que les sacrifices qu’ils leur demandent s’appliquent aussi à eux. Cela ne doit pas être seulement des mots, mais aussi des actions comme diminuer le train de vie de l’Etat, condamner les personnes coupables de détournement de deniers publics avec équité, faire preuve de transparence dans l’utilisation des fonds publics. C’est ainsi qu’ils parviendront à convaincre la population de les suivre, d’être patiente face aux difficultés.
Le Sénégal a fêté le 4 avril, le soixante-deuxième anniversaire de son accession à la souveraineté internationale. Depuis 1960, le Sénégal a connu beaucoup de réussites, comme le vivre-ensemble, l’idée que le Sénégal est une Nation avant d’être un Etat, dont les Sénégalais peuvent et doivent être fiers.
Récemment, lors de la victoire à la Coupe d’Afrique de football, le pays a connu une communion extraordinaire, a fait preuve d’une grande ferveur patriotique. Il y a quelques jours, quand notre pays se qualifia à la Coupe du monde, il y eut de grandes scènes de liesse partout au Sénégal. Cela montre que les Sénégalais aiment leur pays. Cet amour doit être orienté vers le développement, ce qui demande qu’on donne aux jeunes les moyens de s’accomplir, de réaliser leurs objectifs : en résumé, réussir leur vie.
Le côté positif d’un jeune qui veut prendre une pirogue est son fort désir de réussite, sa grande ambition. Si on lui donne les moyens de pouvoir s’accomplir, il pourra atteindre ses objectifs sans avoir besoin de s’embarquer dans une entreprise périlleuse et souvent mortelle. J’écrivais plus haut sur les actions qu’un Etat doit mettre en place pour se développer. J’insisterai particulièrement sur l’éducation.
Les élèves sénégalais des écoles publiques sont sortis en début d’année pour exprimer leur exaspération face à toutes les grèves que connait le système scolaire du pays. Ils sont sacrifiés, entre grèves des professeurs et mauvaise foi de l’Etat. Leurs chances de réussite sont moindres parce qu’ils étudient dans des écoles publiques où le quantum scolaire n’est jamais atteint. Cela fait qu’ils accumulent des lacunes qui leur portent préjudice face aux élèves des écoles privées qui connaissent des conditions d’études plus favorables.
Une éducation publique de qualité est à la base de l’égalité des chances. Un pays où les dirigeants n’envoient pas leurs enfants dans les écoles publiques est un pays condamné à la stagnation, parce que cela veut dire qu’elles ne sont pas de qualité. Quand la réussite scolaire dans un pays s’explique par les conditions sociales des parents, cela veut dire qu’il n’y a pas d’égalité des chances. Or l’égalité des chances est à la base de la loyauté des populations envers l’Etat, parce qu’elles se sentent redevables des efforts que le pays a consentis pour leur réussite.
Cette crise de l’éducation doit être définitivement résolue si le Sénégal veut atteindre le développement et diminuer les tensions sociales. Une Nation se construit parce que le mérite est à la base de la réussite. Ce mérite commence par l’égalité des chances qui est fille d’une éducation de qualité pour toutes et tous.
Le Sénégal doit, dans les prochaines années, se fixer l’objectif de ne plus être un pays qui quémande de l’aide mais un pays qui en dispense. Il doit faire croire à ses habitants qu’ils peuvent rester au Sénégal et s’accomplir, qu’ils n’ont pas besoin de prendre des pirogues de fortune pour un voyage périlleux en Europe. Il doit être un pays à l’avant-garde de la lutte contre la corruption, d’une utilisation vertueuse des ressources publiques.
S’il entreprend ces actions, il commencera à voir les résultats très rapidement. La vie est une question d’interprétation ; celle-ci n’est pas objective mais subjective. Cette perception dépend des petites choses que l’on fait et qui montrent que nous sommes sérieux et motivés afin d’atteindre nos objectifs. Quand une personne nommée à un poste de l’Etat s’enrichit sans justification, cela donne un très mauvais signal à l’opinion publique. Quand seuls les opposants sont poursuivis pour des affaires de corruption, cela entraîne que la population croit que la nécessaire lutte contre ce fléau est entreprise à des fins politiciennes, ce qui amenuise son efficacité.
Ce sont ces perceptions que le Sénégal doit changer pour atteindre la place où il doit être, c’est-à-dire un pays développé, rayonnant dans le monde, une terre d’espoir pour ses habitants, un pays où ils peuvent rester et s’accomplir.
Le Sénégal des prochaines années doit relever ces défis. La Coupe d’Afrique a montré que le pays veut aller de l’avant, que ses habitants ne se contentent plus des secondes places, mais visent l’excellence. Cet enthousiasme doit être encadré par une vision politique qui permettra sa matérialisation, à travers le développement.
Que l’Etat montre qu’il a à cœur l’avancement du Sénégal en investissant dans l’éducation et la santé, en luttant avec impartialité contre la corruption, en éliminant toutes ces institutions politiques inutiles et budgétivores (Hcct, Cese…), en se montrant ferme face aux détournements de deniers publics, en poursuivant impartialement leurs auteurs.
Soixante-deux ans après son indépendance, le Sénégal se trouve à un tournant de son histoire. Il doit prendre les bonnes décisions pour devenir le pays qu’il peut et doit être. Ce sera le défi des prochaines années.
Très belle fête de l’Indépendance. Vive ce beau et grand pays qu’est le Sénégal, que j’aime de tout mon cœur.