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Politiques Migratoires Et Chiffres

Politiques Migratoires Et Chiffres

Au siège des Nations unies à New York, du 17 au 20 mai 2022, s’est tenu le premier Forum d’examen des migrations internationales. Gouvernements, observateurs, représentants du système onusien et groupes des parties prenantes y ont participé.

A Marrakech en décembre 2018, les gouvernements avaient adopté le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Les Etats membres y ont présenté le bilan des progrès accomplis depuis.

L’enjeu majeur, sans grande surprise, qui planait sur ce forum, a été les statistiques migratoires. Ce n’est pas un hasard si l’objectif 1 du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières est, je cite, «collecter et utiliser des données précises et ventilées qui serviront à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits».

Il faut rappeler que le Pacte mondial s’inscrit dans le cadre de la cible 10.7 du Programme de développement durable à l’horizon 2030 : «Faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques de migration planifiées et bien gérées.»

Les Etats membres s’étaient engagés à coopérer au niveau international pour faciliter une migration sûre, ordonnée et régulière.

Les 23 objectifs du Pacte touchent à tous les aspects de la migration, des aspects socioéconomiques aux aspects politiques et de gouvernance, en passant par ceux liés aux droits des migrants.

Une révision du Pacte signifie concrètement une évaluation du degré d’implémentation des différents objectifs dans les pays membres. Cela implique la disponibilité de données factuelles et fiables qui permettent de faire une évaluation rationnelle. Or, cela s’avère difficile voire impossible, quand on constate qu’il existe un grand déficit dans les statistiques liées à la migration.

Tant que l’objectif 1 n’est pas atteint, il est inutile de fournir des efforts pour faire une révision des 22 autres objectifs du Pacte.

A ce niveau de réflexion, il est important de préciser : quand on parle de statistiques migratoires, cela ne veut pas dire uniquement la quantification. Ramener l’utilisation des statistiques à ce seul fait pourrait s’avérer dangereux. Cela sous-entendrait que les statistiques servent à réduire et contrôler les flux. Une telle approche viderait le Pacte mondial sur les migrations de tout son sens.

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Le Pacte est d’abord et avant tout, un cadre de gouvernance mondiale sur les migrations au service du migrant. Une gouvernance mondiale implique l’existence de gouvernances nationales. La condition pour qu’une politique soit efficiente, est qu’elle doit être basée sur des données factuelles, d’où l’importance majeure des statistiques.

L’objectif d’avoir des statistiques fiables, loin de chercher à arrêter, en vain certainement, un phénomène tout à fait naturel, est de servir à garantir les droits des migrants, leur offrir un meilleur accès aux services et protéger leurs droits.

Avoir des données fiables sur les flux migratoires permet de faire des prévisions, d’adapter les politiques, de mettre en place des mesures permettant d’optimiser l’offre de santé, d’éducation et d’emploi.

Ces statistiques servent également à mesurer l’impact économique des migrations sur la société d’accueil et d’origine. Elles permettent de faire des analyses plus approfondies et de «niche». L’analyse qui a été faite par Lebeaud et Renaud sur la relation entre langue et travail, a démontré que le lien entre la langue et la mobilité professionnelle n’est pas stable et se modifie avec le temps. Les études qui ont été faites pour mesurer le lien entre taux de fécondité et migration, sont une question d’actualité face au vieillissement de la population que subissent plusieurs pays dans le monde. On voit là que le champ des statistiques s’avère multidimensionnel et transversal.

Les statistiques migratoires permettent aussi de contrer les discours alarmistes et d’y faire face. Sait-on qu’on estimait à 281 millions le nombre de migrants internationaux dans le monde en 2020, soit 3,6% de la population mondiale. Ils sont 36 millions d’Africains, dont 80% se déplacent à l’intérieur du continent. Ce qui nous amène au fait avéré qu’il n’y a que 7 millions de personnes qui quittent l’Afrique pour le reste du monde, dont 1,5% de manière irrégulière. Contrairement aux idées reçues, la migration africaine et illégale ne représente que 0,5% de la migration totale. On voit bien qu’on est loin de l’image fantasmée qu’on donne de la migration en provenance du continent africain.

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Les pays africains devraient faire face à ce double défi technique et de bonne gouvernance, faute de quoi ils continueront à le traiter d’une façon empirique. En effet, des statistiques de qualité permettent une bonne gouvernance des migrations, mais avoir des chiffres fiables exige impérativement une structure de gouvernance performante.

Pour ce faire, plusieurs actions peuvent être entreprises. On peut citer la nécessité de la mise en place d’une structure de gouvernance nationale qui chapeauterait et centraliserait la collecte et le traitement des données migratoires. Le Maroc s’est doté d’un Observatoire national de la migration, qui a pour mandat de traiter l’ensemble des questions liées à la migration au niveau national. Ce type de structures pourrait être un relais pour l’Observatoire africain des migrations.

Au niveau multilatéral, Il est souhaitable d’accélérer l’opérationnalisation effective de l’Observatoire africain des migrations basé à Rabat et créé sous l’impulsion du Roi du Maroc, Mohamed VI. C’est une institution de l’Union africaine qui pourrait constituer un puissant bras armé dans le domaine.

L’Union africaine devrait faire preuve de beaucoup plus d’implication. Comme le démontrent les chiffres cités plus haut, la migration africaine est d’abord une question africaine, elle devrait de ce fait être discutée prioritairement au sein des instances africaines.

Par ailleurs, il faut préciser que dans la majorité des pays africains, les statistiques migratoires sont gérées de manière sectorielle. Chaque structure dispose de sa propre méthode de collecte, ce qui complique le processus de traitement et d’exploitation des données issues de ces systèmes. De ce fait, il s’avère urgent d’harmoniser les méthodes de collecte au niveau de chaque pays, avant de passer à une harmonisation au niveau du continent. C’est un travail qui pourrait être soutenu par l’Observatoire africain des migrations. Cette harmonisation devrait impérativement être menée en parallèle avec une harmonisation des définitions et concepts liés à la migration.

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Il est recommandé que les organismes internationaux mettent leur expertise technique au service des pays qui veulent se doter des instruments nécessaires à la collecte des statistiques. La question du renforcement des capacités des acteurs, certes importante, devrait faire l’objet d’un suivi.Il s’agit également d’encourager les échanges de bonnes pratiques au sein du continent. On peut citer comme exemple le Sénégal et sa gestion avancée des questions liées à la diaspora.

Aussi, il est important d’améliorer l’accessibilité aux données migratoires officielles, aux médias et chercheurs, faute de quoi ces derniers se tourneront vers des sources moins fiables.

Enfin, il est important d’introduire les nouvelles technologies au niveau de la collecte et du traitement des données migratoires, comme le recours à des plateformes informatiques ou des outils de collecte digitaux.

Les pays africains ont une spécificité précieuse qui se fait rare dans les autres pays, il s’agit de la tradition d’hospitalité. Le Sénégal, terre de la «Teranga» (mot en wolof qui signifie hospitalité), la «Djatigiya» (mot bambara qui signifie accueillir les étrangers chez soi), pour ne citer que ceux-là. L’accueil de l’étranger, qui est considéré comme un invité, est une tradition ancrée au sein de chaque famille africaine. Mais, on accueille toujours mieux ses invités quand on connait d’avance leur nombre !







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