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On Gagne Plus Que La Paix En Formant Ses Troupes

La sortie des promotions de l’Ecole d’Etat-major et de l’Ecole supérieure de guerre de l’Institut de défense du Sénégal (Ids) est un marqueur d’une cohérence dans la dynamique entreprise pour la défense de notre pays et sa stabilité sécuritaire. Ils ont été nombreux depuis plusieurs années, à réclamer dans les rangs des Forces de défense et de sécurité, des instituts et écoles pour former dans les idées et la réflexion, les troupes sénégalaises.

L’Institut de défense du Sénégal (Ids), mis sur pied en 2020 par décret présidentiel, est un jalon sérieux dans la construction d’une souveraineté stratégique pour le Sénégal dans un monde où notre vision se vaut. On ne peut qu’être satisfaits de voir 26 capitaines sénégalais sortir de la quatrième promotion de l’Ecole d’Etat-major et voir les 10 premiers diplômés de l’Ecole supérieure de guerre (Esg) du Sénégal. Un changement de paradigme s’est opéré dans le commandement de la sécurité du Sénégal, en prenant pleine mesure que gagner la paix ne se limite pas au triomphe de nos armes. C’est un processus qui s’inscrit dans un temps long et s’accompagne d’une formation poussée des tenants de la défense aux enjeux politiques, économiques, diplomatiques et culturels de leur temps.

«Un pays en quête de puissance n’investit jamais à perte dans sa Marine», disait Yoro Dia dans ces colonnes, à l’occasion de l’ouverture de l’Ecole de la Marine nationale (Eman). Il faut aller plus loin et dire qu’on n’investit jamais à perte dans toutes ses armées, et surtout dans la formation de ses troupes. Le Président Macky Sall et le commandement sécuritaire actuel auront semé les germes d’une souveraineté et d’une lucidité stratégique qui serviront notre pays au fur et à mesure que des officiers bénéficieront de ces formations. Une Armée formée au plan stratégique et dans tous les champs d’idées est une colonne solide sur laquelle s’adosse toute une République.

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A une époque où les idées les plus saugrenues sur la vie des Etats et de leurs institutions ont droit de cité, les armées du continent africain ont l’obligation de garder raison et lucidité dans leurs rangs, et cela passe par la connaissance. C’est en ayant notre propre école de guerre que les soldats sénégalais et tout le personnel de défense sont outillés à penser le monde à travers le prisme du Sénégal. Nos réalités économique, culturelle, politique et religieuse sont des éléments intrinsèquement liés à la façon de penser notre défense. Ce sont nos doctrines de sécurité, imprégnées de tous nos intérêts et aux éventuelles contraintes de nos environnements socio-culturels et géographiques, qui définiront nos réalités stratégiques. Tout soldat peut porter une arme, mais il faut des soldats qui, à côté du fusil et de la baïonnette, savent organiser une vie après un siège ou une invasion. Le Maréchal Lyautey disait dans ce même ordre d’idées : «Tous les officiers savent s’emparer d’un village à l’aube ; moi, je veux des officiers qui sachent s’emparer d’un village à l’aube et y ouvrir le marché à midi.»

Les errements d’officiers, arrivés à des stations majeures de commandement, qui se convertissent en apprentis politiciens et autocrates en puissance, faisant légion dans notre sous-région, renseignent de l’importance d’avoir des troupes alignées dans la façon de voir la défense de leur pays et responsables dans leur approche aux enjeux politico-sécuritaires.

L’imbroglio diplomatique récent entre la Côte d’Ivoire et le Mali, avec l’arrestation de 49 soldats ivoiriens du détachement des Eléments nationaux de soutien (Ens) par le gouvernement de Transition malien, en parfaite connaissance des raisons encadrant la présence d’une telle unité à l’aéroport de Bamako depuis 2019, montre que si la défense devient un terrain de jeu de politique sournoise, l’abîme est proche. Une telle grossièreté peut prendre auprès d’opinions du continent avides de héros militaires zélés, mais une escouade voulant renverser un pouvoir n’effectuerait pas huit rotations de son effectif depuis 2019 en assurant du soutien logistique aux Forces armées maliennes, conformément aux cahiers de charge des missions de maintien de la paix. On ne s’étonnera pas de voir le Sénégal, contributeur majeur de troupes au Mali, être bientôt accusé de coups fourrés par le commandement politico-militaire schizophrène du Mali. Ce coup populiste sur une question aussi sensible est un rappel sérieux que la formation de nos troupes n’a pas de prix dans un monde où la tenue et la retenue battent en retraite. On dit que le coût de la paix est l’effort de guerre, la stabilité de notre pays et la cohérence de son dispositif sécuritaire valent tous les efforts dans la formation théorique, doctrinale et stratégique.

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L’Armée sénégalaise s’est toujours illustrée par son appropriation de fait par les citoyens sénégalais. Le travail dans les cercles de commandement avec le pari entrepris dans la formation est rassurant, mais il mérite d’être accompagné d’autres actions pour davantage consolider cet esprit. Le soldat sénégalais doit être mieux connu par ses compatriotes afin d’éviter de baser cette relation sur une méconnaissance et des a priori. Bénédicte Cheron expose bien les conséquences que peuvent avoir une perception tronquée des armées et de leur rôle dans son ouvrage Le soldat méconnu. Si les Ivoiriens connaissaient bien leurs soldats, la manipulation malienne n’aurait jamais pu prospérer même chez eux. La tendance devenue virale, avec l’aide des réseaux sociaux, de se mettre en scène au rythme du chant «Caporal moma téré nélaw !», a été une belle exposition du Sénégal et de son Armée partout dans le monde. Ce phénomène, en plus de l’hommage à nos troupes, est à étudier pour tout ce qu’il peut représenter comme symbole d’appropriation et de perception positive des armées de notre pays. Le triomphe des armées du Sénégal passe, en plus de leur gloire sur les champs de bataille, par l’image qu’elles inspirent. Il faut pour cela, des soldats formés et qui mettent en œuvre une doctrine cohérente.







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