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Ruube, Le Nouveau Roman Du Grand Boris

On peut être un des meilleurs écrivains du monde, remporter le prix Neustadt de main de maître, et être un piètre politicien. La preuve par notre frère et ami Boris Diop, l’auteur de Murambi et, plus récemment, d’une interview kilométrique sur un site internet de la place. Un bon écrivain est forcément un maître de la parole. Un mauvais politicien aussi, forcément. La différence est que le premier est au service de la beauté, sous une forme ou une autre, tandis que le second met son art au secours de la manipulation des esprits. Le wolof appelle cela ruube.

Un exemple : « Certains comportements de Macky Sall me font parfois penser à Bongo-père et compagnie, la cruauté et certaines extravagances en moins ».  C’est comme si je disais : « L’ex de Mme Sarr est un Satan, les cornes en moins ». Mais chacun sait qu’il n’y a pas de Satan sans cornes. Ni de « Bongo-père » sans cruauté ni extravagances. Admirons alors l’habileté du dire tout en ne disant pas. De diaboliser d’une façon presque angélique. Escamotage et prestidigitation. Du grand art.

Les Sénégalais sont aujourd’hui familiers de ces méthodes langagières grâce auxquelles la rhétorique est sollicitée bien au-delà de ses capacités de dilatation. Des personnages aux connivences inattendues et parfois déroutantes semblent avoir juré de plonger le Sénégal dans « le chaos » simplement en surjouant sur les mots.

Un autre exemple : « Je doute que le président Sall ait lui-même concocté l’affaire Adji Sarr mais tout porte à croire qu’il n’allait pas rater une aussi belle occasion de discréditer moralement et politiquement un de ses principaux rivaux sur la route du troisième mandat. Or les accusations fantaisistes de viol ayant renforcé Sonko, on est fondé à voir dans cet échec de Sall un avant-goût de ce qui l’attend s’il persiste dans son intention de violer la Constitution ».

Bon. Le président Sall n’aurait donc pas concocté l’affaire. Autrement dit, l’affaire n’est pas un complot politique, contrairement à ce que l’auteur a pu affirmer par le passé. Un tel dédit est si formidable qu’il faut vite le nuancer en évoquant une « belle occasion qu’il n’allait pas rater ».  Mais en prenant la précaution de ne rien affirmer : « tout porte à croire », dit-il. On n’est donc même pas sûr d’y croire mais on le dit quand même. Ici, les faits ne sont plus sacrés ni têtus, ils ne sont plus ; tout simplement.

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La fonction du fait absent, convoqué pour être mis en doute sinon en déroute, est de servir de prétexte illusoire au commentaire le plus sanglant possible. Comme « les accusations fantaisistes de viol ». À bien suivre l’estimé Boris, ces accusations sont sans auteur factuel mais le commentaire doit lui permettre de les attribuer malgré tout au président Sall qui chercherait à discréditer un rival et à s’ouvrir la route d’un troisième mandat. Mais l’écrivain « doute » de la véracité de l’accusation qu’il porte avec une conviction tellement remarquable.

Le commentaire sans fait est l’essentiel, n’est-ce pas, qui lui permet d’enchaîner en affirmant tout net « l’échec de Sall » dans une entreprise à la réalité pourtant douteuse.

Mais restons sur les « accusations fantaisistes de viol ». Selon notre ami, Sall n’en serait pas l’auteur. Mais qui serait-il donc ? Il ne reste que Mme Sarr comme coupable potentielle. Mais en quoi ces accusations seraient-elles fantaisistes ? Faudrait-il demander à notre respecté aîné s’il était derrière le jaccuzzi témoin de tant de choses ? Et avec quel instrument a-t-il sondé le niveau de « viol » ou de « consentement » ? Est-ce avec le même instrument qu’il a sondé l’« intention » qu’il prête au président Sall de « violer » la Constitution ?

Être un romancier réputé impliquerait-il qu’on soit aussi un procureur, un avocat et un juge pour livrer un verdict aussi fantaisiste dans une affaire en cours ?

On pourrait multiplier les exemples à l’envi, mais ce serait superflu. Il reste malgré tout à s’étonner que l’auteur primé pour son roman sur le Rwanda garde un silence inquiétant sur les accusations fantaisistes de Sonko qui, toute honte bue, a prétendu devant la CPI que le Sénégal « discrimine les Casamançais : les Diolas, Mandingues, Soninkés et Manjaques (qui) ne sont pas traités comme le reste de la population, les Sénégalais ayant des préjugés les empêchant d’accéder à des postes importants ». Même Alioune Tine s’en est démarqué. C’est dire.

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Une chose est sûre : Boris n’écrira jamais le livre des ossements du Sénégal. Parce que ce pays a l’art de décevoir Cassandres et Gougnes. Il y a quelques semaines à peine, toute la presse française, de TV5 à Libération, du Monde au Figaro, de RFI à Jeune-Afrique, a, dans un bel ensemble, pondu des papiers annonçant avec une grande assurance « l’embrasement imminent du Sénégal » aux prises avec le « tyran » Macky Sall. Il y a eu aussi le faux tweet de Mélenchon et celui de Faure. On comprend les manifestations de dépit devant l’espièglerie des Sénégalais qui ont transformé ce chaos attendu en un vulgaire concert de casseroles. C’est nous autres Sénégalais qui sommes comme ça. Nous sortons toujours du trou où on ne nous attend pas. Et nous le referons encore le 31 juillet.

Mamadou Bamba Ndiaye est un ancien député.







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